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La Constitution, dépotoir de l’air du temps ?

CONGRES-VERSAILLES-PARLEMENTAIRES-AFP

Le sceau du congrès, apposé le 4 mars, authentifie le vote du Congrès pour ancrer le droit à l'avortement dans la Constitution du pays.

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Xavier Patier - publié le 05/03/24
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Réunis en congrès à Versailles, les parlementaires français ont inscrit l’avortement dans la Constitution, en votant ce 4 mars un texte de compromis entre le texte des sénateurs et celui de la France insoumise. Pour l’écrivain Xavier Patier, cette réforme sans impact juridique réel contribue cependant à transformer la Constitution en "dépotoir de l’air du temps".

Beaucoup a été dit sur la séquence par laquelle le Parlement a adopté une vingt- cinquième modification de la Constitution pour y faire figurer l’interruption volontaire de grossesse. L’Église catholique a dit sur ce sujet ce qu’on attendait qu’elle dise, et que personne, s’il elle n’était pas là, n’aurait eu le courage de dire à sa place. Elle nous a demandé de jeûner, et nous l’avons fait. Cependant la réforme est faite. Il convient désormais de la considérer avec une lecture juridique, afin de bien mesurer ce dont il s’est agi et ce qui a changé. 

Rendre impossible la clause de conscience

Revenons au point de départ. Dans une proposition datant d’octobre 2022, un groupe de députés dirigé par Mathilde Panot avait présenté une proposition de loi constitutionnelle prévoyant de créer un article 66-2 dans la Constitution, disposant que "Nul ne peut porter atteinte au droit à l’interruption volontaire de grossesse". L’objectif explicite de cette rédaction était de créer un nouveau droit fondamental afin — par exemple — de rendre à terme impossible la clause de conscience des médecins. Il faut relire l’exposé des motifs de la proposition Panot : dans un langage à la fois technocratique et passionnel (et cédant à l’écriture inclusive), ce morceau de bravoure tient pour un acquis honorable le fait que plus de 200.000 femmes se font avorter en France chaque année et ajoute que "cet acte médical qui fait partie de la vie des femmes" reste trop difficile d’accès. 

pas un mot de compassion pour les personnes conduites à avorter, pas un mot sur la prévention, rien sur le droit à la vie, rien sur cette blessure de notre humanité, rien sur le drame silencieux qui mine la société

Texte glaçant : pas un mot de compassion pour les personnes conduites à avorter, pas un mot sur la prévention, rien sur le droit à la vie, rien sur cette blessure de notre humanité, rien sur le drame silencieux qui mine la société. Par avance, le nouveau droit fondamental de niveau constitutionnel voulu par Mathilde Panot cherchait à limiter le droit des législateurs à venir de penser l’IVG. C’était un texte destiné à fermer le ban de l’intelligence. Ainsi, l’esprit de la loi de dépénalisation de Simone Veil n’était pas dépassé, mais bel et bien dévoyé. 

Il y a eu des compromis

Face à ce projet, il faut reconnaître que le Sénat a fait ce qu’il pouvait. Sous l’impulsion de Philippe Bas, il imaginé une stratégie destinée à tenir en échec le projet initial de Mathilde Panot. Au lieu de créer un nouveau droit fondamental, le projet sénatorial se bornait à rappeler dans l’article 34 de la Constitution que la loi détermine les conditions — et donc les limites — dans lesquelles s’exerce la liberté des femmes de mettre fin à une grossesse. Face à la volonté de créer un droit absolu, le texte rédigé par Philippe Bas tendait donc, avec une incontestable habileté, à ne rien changer de ce que disait déjà notre droit, et finalement à préserver tant bien que mal l’équilibre voulu par la loi Veil, à savoir la protection de l’enfant à naître qui doit prévaloir après les premières semaines de gestation, et aussi la clause de conscience pour les médecins et les soignants. Rien de glorieux, sans doute, mais un moindre mal.

Évidemment, il y a eu des compromis. Le texte du Sénat a été modifié, pour parler désormais de "liberté garantie": pas un droit fondamental, mais quand même. Le texte Panot n’a pas été retenu. Le congrès a voté à une indécente majorité. Le Président de la République a gagné : l’IVG est mentionné dans la Constitution. Le Sénat n’a pas complètement perdu : la mention de l’IVG n’est pas présentée comme un droit fondamental. 

Des textes de morale cynique

Ce triste épisode pose l’éternelle question de notre participation au mal. Des sénateurs chrétiens ont réussi à empêcher l’adoption de projet mortifère de Mathilde Panot et d’Emmanuel Macron. Ils auraient pu tenter de s’y opposer frontalement. Aurait-il réussi à l’empêcher ? Ce n’est pas impossible, mais nul ne peut le dire. Charles Péguy apostrophait ces politiques qui ont les mains pures, mais qui n’ont pas de main. Nos sénateurs ont eu des mains. Il reste que cette réforme constitutionnelle sans impact sur notre droit positif contribue à transformer notre Constitution en dépotoir de l’air du temps. Viendra un jour où tous ces textes de morale cynique qui encombrent notre loi fondamentale nous feront honte.

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