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Éduquer à la paix

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Benoist de Sinety - publié le 19/11/23
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Pourquoi, comment éduquer à la paix ? L’enjeu n’est pas d’obtenir l’absence de conflit, explique le père Benoist de Sinety, curé de la paroisse Saint-Eubert de Lille, mais d’ouvrir le cœur et l’intelligence à un engagement qui rende le conflit inutile.

"Éduquer à la paix" : au sortir d’une discussion passionnante avec le cheikh Khaled Bentounes, guide spirituel de la confrérie soufie Alawiyya, sous la houlette de Bartimée de Fombelle, jeune réalisateur et animateur d’une chaîne Youtube, la proposition va et vient dans mon crâne. Quelle éducation ai-je reçu ? D’aussi loin que je me souvienne, l’Évangile l’a irriguée, dans ma famille, ma paroisse, mon école, dans mes amitiés, dans mes engagements. Oui, vraiment, le message d’une Bonne Nouvelle qui appelle à tendre l’autre joue et à mettre l’épée au fourreau n’a cessé de m’être proposé, et proposé encore, comme condition au témoignage de ma foi, et comme nécessaire pour la suite du Christ. Cela n’empêchait pas bien sûr des bagarres, parfois, et des jeux, souvent, où je me retrouvais tour à tour chevalier ou sarrazin, policier ou bandit, cowboy ou indien, et même américain ou soviétique, au gré de l’inspiration de nos cousinades et des amitiés.

Le "pourquoi" n’est jamais interrogé

"Jouer à la guerre" avec des "petits soldats" ou entre enfants, transformer une branche en sabre ou en fusil d’assaut a quelque chose d’exaltant aussi. D’autant que chaque conflit scénarisé par nos imaginaires débordants trouvait au bout du jour sa résolution autour du goûter ou du dîner. N’est-ce pas là aussi un signe d’Évangile que la table soit le lieu possible où tous peuvent prendre part au repas, réconciliés ? Il va souvent de soi que le cadre social est là pour garantir la paix. Que l’homme par lui-même ne saurait se contenir de toute violence et brutalité : il faut le retenir, le civiliser. Mais la violence disparaît-elle pour autant ? 

Éduquer à la paix : la seule réponse possible au chaos qui menace ?

La multiplication des panneaux, des codes, des réglementations, des contrôles nous le rappelle chaque jour : pour préserver la paix il semble n’y avoir pas d’autre chemin que de serrer la vis. Comme souvent devant un problème, nous recherchons d’abord les moyens de l’endiguer sans trop nous soucier de ses racines. On vous interdit, avec raison, de faire le mal en cherchant à vous en rendre incapable. Et lorsque l’on n’y parvient pas, il faut vous mettre à l’écart. Mais le "pourquoi" n’est jamais interrogé. 

Contre l’esprit du monde

N’y aurait-il pas un enjeu à éduquer à la paix ? Dans la manière dont nous cherchons à enseigner et à ouvrir l’esprit des plus jeunes, et d’abord des petits, des enfants, il ne serait pas inutile d’insister sur la paix comme une réalité non pas fantasmatique et inatteignable, mais comme un bien nécessaire et accessible. Réfléchir à la raison pour laquelle la paix est un bien profondément désirable. Pas une paix qui se limite à l’absence de conflit mais qui nous ouvre le cœur et l’intelligence à un engagement pour rendre le conflit inutile.

Il faut du courage pour cela. Un courage inouï car c’est aller contre l’esprit du monde. Car la construction de la paix nous renvoie immédiatement à l’idée de justice, à celle de la rencontre, à la fraternité. Elle remet en cause bien des fondements économiques et financiers, bien des postures confortables et orgueilleuses. Elle ouvre à la compréhension d’un monde où chaque conscience est un temple et chaque personne un sujet. Où il nous faut apprendre à contempler avant d’agir, à écouter avant de parler, à être aimé avant de prétendre aimer. Elle est un chemin de dépouillement personnel et collectif, où le débat remplace le slogan, où le nombril cesse d’être le lieu de notre vanité, mais devient le rappel d’une commune appartenance à une famille unique.

Dans un désir de communion  avec autrui

Il ne s’agit pas d’imaginer un formatage nouveau avec un bourrage de crâne administratif pour porter le message. Mais peut-être d’infuser dans tous nos modèles éducatifs, dans tous nos projets pédagogiques, dans toutes nos réflexions sociales, quelque chose qui favorise ce qui rassemble plutôt que ce qui oppose, ce qui met en communion plutôt que ce qui clive. En bref, d’essayer de proposer dans tous les domaines, ce que ce terme souvent galvaudé et raillé de "vivre ensemble" cherche à exprimer. Non pas vivre "tous pareils", mais vivre, chacun avec ce qu’il porte, dans un désir de communion avec autrui. Éduquer à la paix : la seule réponse possible au chaos qui menace ? Renoncer à la gloire de la force et à la folie d’une toute-puissance absurde pour avancer sur l’étroit chemin qui conduit au salut.

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