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De la culture du plus à la civilisation du moins

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Xavier Patier - publié le 14/11/23
Le culte de la croissance s’est radicalement transformé en religion de la planète pour elle-même, où l’homme est en trop. La vie elle-même devient suspecte, observe l’écrivain Xavier Patier.

Le XXe siècle est souvent présenté comme celui des excès. Des excès des totalitarismes et de la guerre, certes, mais aussi des excès de la consommation. À cette époque assez proche pour que beaucoup d’entre nous l’ayons connue, la croissance était vue par les gouvernements comme la forme accomplie du souverain bien. Il fallait produire davantage, consommer davantage, croquer à pleine dents la planète, comme on ne disait pas encore.

Les voitures se devaient de rouler toujours plus vite, et pour les y aider, il fallait mettre toujours davantage de bitume sur le sol. Les avions de transport devaient devenir supersoniques, quitte à consommer davantage de kérosène. Les ustensiles de cuisine et l’électroménager se devaient d’être plus puissants, plus gourmands d’énergie. Les aliments des supermarchés étaient "enrichis" en vitamines, en protéines, en sucre, en colorants ; le lait même était "concentré" et comme si ce ne suffisait pas "concentré et sucré". Les étiquettes insistaient sur ce que tel produit contenait de plus que les autres. Je me souviens d’une publicité télévisée triomphante sur le sucre, qui était désigné comme "la force" et "le plaisir". 

Pulsion mortifère

Nous entendons depuis vingt ans une tout autre musique. Le revirement est complet. Les étiquettes nous font la morale : confiture sans sucre, pain sans gluten, sirop sans colorant, vin sans alcool, viande végétale, café sans caféine, toutes choses que nous nous devons de payer "sans contact", et "sans reçu imprimé". Le consommateur est devenu un perturbateur. On lui fait honte. C’est à ce demander ce qui reste d’agréable dans les produits qu’on nous propose. Les friandises se glorifiaient naguère de ce qu’elle contenaient, désormais elles insistent sur ce qu’elles en contiennent pas et installent dans nos esprits la culture du "zéro". Une maison de champagne vient même de lancer une bouteille "zéro dosage". Le souverain bien a cessé d’être la croissance pour être la sobriété. 

Pour un écologiste radical, un bon humain est un humain mort.

Tout cela serait fort estimable si le bon sens poussé à l’excès ne virait à la pulsion mortifère. Après s’être bâfrés pendant trois générations (en France en tout cas, et encore pas tout le monde), les humains aspirent à moins de tout : moins de pollution, moins de vaches, moins d’engrais, moins de voitures, moins d’industrie, moins de chasseurs, moins d’autoroutes, moins de bruit. Moins de vie, en fait. Pour un écologiste radical, un bon humain est un humain mort. Car un mort a fini de polluer. Le culte de la croissance s’est radicalement transformé en religion de la planète pour elle-même, religion qui tend à éradiquer ce bipède qui détraque tout, l’homme. Ce culte nouveau voudrait faire de nous des anges, de purs esprits. C’est pourquoi le sexe des anges redevient un sujet à la mode. On veut nous imposer des humains vivant comme des anges, débarrassés des stéréotypes de genre. Bref, l’humanité aspire à mourir guérie. 

Renaître

Mais le Christ ne nous a jamais demandé de mourir guéri. Il ne nous demande pas de mourir. Il préfère nous voir vivre, même malades, en attendant le bonheur de son retour. La création est malade, c’est vrai. La nature nous présente un spectacle cruel, soumise quelle est à la terrible loi de l’entre-dévorement. Or cette nature rendue effrayante par la chute originelle, le Christ n’est pas venu pour l’euthanasier, mais pour l’aider à renaître.

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