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Mi-octobre 2023. Sous un soleil de plomb en milieu de journée, la cour de la paroisse Saint Michel de Cotonou, la plus grande du Bénin, est pleine à craquer. Des fonctionnaires profitent de la pause-déjeuner pour venir réciter leur chapelet. Jonathan Djenotin, 69 ans, le fait depuis "une quarantaine d’années" d’autant que le collège où il enseigne l’histoire n’est "qu’à cinq minutes de marche de la paroisse". Une tradition à laquelle sacrifient les vendeuses du marché voisin, "je ferme ma petite boutique chaque midi pour le chapelet" insiste Isabelle Houngbo qui y vend des produits cosmétiques. A 36 ans, elle ne rate pour rien au monde le rosaire du mois d’octobre, "du 1er au 31" insiste-t-elle, souriante. Joyeux, lumineux, douloureux et glorieux, "chacun des mystères me fait vivre un événement évangélique" souligne la commerçante.
Une vieille tradition
La pratique du Rosaire remonterait à très longtemps au Togo selon le Père Faustin Yigbé qui en situe l’origine "à la période coloniale allemande" de la fin du XIXe siècle. Au Bénin, l’abbé Corneille Gniwounon se félicite que "chaque année, cette pratique s’enracine davantage dans la vie de nos paroisses". Prêtre du diocèse d’Abomey (centre), l’Abbé Corneille profite de son année sabbatique pour réciter son rosaire chez lui, "avec des fidèles de mon quartier" précise-t-il à Aleteia insistant sur "le grand engouement" qu’il constate. Un avis largement partagé par Faustin Yigbé. Le curé de la paroisse Saint Pierre Claver d’Agou, dans le diocèse de Kpalimé au Togo, y prend part au quotidien dans l’enceinte paroissiale, "une pratique consécutive à une forte dévotion mariale" selon lui. A la cathédrale de Lomé, au cœur du plus grand marché du Togo, "à l’heure du rosaire, beaucoup de vendeurs abandonnent leurs étalages pour aller prier" témoigne un agent de sécurité.
Un fort engouement
Dans les deux pays, la dévotion mariale ne se limite pas seulement au rosaire. Pour sœur Marie-Anne, l’existence de lieux de pèlerinage "comme Kovié au Togo et Dassa au Bénin contribuent à cultiver un attachement à Marie". Il s’agit de deux sanctuaires mariaux qui attirent chacun quelques centaines de milliers de pèlerins chaque année. Mais le rosaire du mois d’octobre, c’est aussi selon la religieuse béninoise "une histoire de famille, avec des enfants qui apprennent très tôt à réciter le chapelet". Sœur Monique Keny, de la Communauté Christ Roi de Kpogan (Sud-Est Togo), abonde. Dans l’école catholique que tient la congrégation de cette religieuse d’origine sénégalaise, "on fait réciter quelques Ave Maria aux enfants chaque matin" tout au long du mois d’octobre, "une manière de les rapprocher de Marie". Elle justifie l’engouement du rosaire par la figure féminine qui rend la Vierge Marie "plus accessible". Les africains en font "une médiatrice idéale et une mère évidente" selon Monique Keny.
Une effervescence hors des paroisses
"Cela fait 16 ans que nous faisons le rosaire chez moi" se souvient Marguérite Pékemsi. Avec une trentaine de fidèles de la paroisse St Esprit de Totsi au nord de Lomé, la capitale togolaise, elle récite "les quatre mystères chaque soir d’octobre", devant une statue de la Vierge Marie qu’elle a installée à cet effet. La récitation du chapelet dans les domiciles est aussi "répandue au Togo qu’au Bénin" assure Sœur Angèle. "De plus en plus de groupes de rosaire se forment dans les quartiers" témoigne la franciscaine, par ailleurs théologienne. La religieuse originaire du diocèse de Parakou au nord du Bénin y voit "une dévotion mariale en plein expansion". Elle comprend d’ailleurs que dans les grandes villes de son pays, "des fonctionnaires débutent leur journée de travail avec 30 mn d’avance" pour pouvoir quitter les bureaux plus tôt "pour le chapelet". Et pour elle, l’engouement du rosaire a encore, de l’avenir. "Sans aucun doute !", s’exclame-t-elle, un gros chapelet boisé à la main.