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Fondées il y a quelques années par les moines bénédictins de Mesnil Saint-Loup (Aube), les éditions des Quatre Vivants n’ont sans doute pas encore trouvé dans le monde de l’édition catholique la place qu’elles méritent. Édition catholique ? Peut-être ses fondateurs verront-ils la formule d’un mauvais œil, tant leur constant propos est de faire découvrir d’autres traditions. Il est vrai que parler d’éditeur catholique peut faire penser à la "Bonne Presse" de l’ancienne bien-pensance qui, pour être devenue minoritaire, voire persécutée par la nouvelle, n’en est pas moins un rétrécissement de la pensée.
Pour « vaquer » utilement
Mais les moines des Quatre Vivants savent bien que catholique signifie universel et qu’il n’y a guère de terme plus flatteur pour celui qui cherche à diffuser des écrits vivifiants, venus notamment des Églises d’Orient. Le nom de Quatre Vivants ne renvoie-t-il pas d’ailleurs aux évangélistes, tels que les Pères de l’Église nous ont appris à en voir l’annonce dans une vision d’Ézéchiel (Ez 1, 10) :
Quant à la forme de leurs faces, ils avaient une face d’homme, et tous les quatre avaient une face de lion à droite, et tous les quatre avaient une face de taureau à gauche, et tous les quatre avaient une face d’aigle.
Saint Jérôme n’hésitera pas à voir là un résumé de la vie du Christ, fait homme, tenté au désert comme un lion, sacrifié comme un taureau, avant de monter au Ciel comme un aigle.
Un des premiers volumes des éditions naissantes fut logiquement consacré au fondateur de l’ordre bénédictin : avec Saint Benoît. Par le Christ, aller au Christ, le frère Jacques Audebert offre une petite biographie spirituelle très inspirée et très incarnée, nourrie du deuxième livre des Dialogues du pape saint Grégoire. "Dans sa Règle, rappelle-t-il, Benoît est très vigilant pour que chacun puisse “vaquer à la lecture”." Les éditions des Quatre vivants aident à vaquer utilement, loin de la multiplication de publications dictées par la mode du moment ou par l’espoir de réussir un coup médiatique.
Les ultimes témoins du Goulag
Le plus marquant et le plus ambitieux des titres est peut-être Voix et Visages du Goulag, qui a réussi l’exploit de réunir, avant qu’il ne soit trop tard — beaucoup de ces voix se sont tues récemment —, les paroles des ultimes témoins des camps soviétiques, aussi bien prisonniers que surveillants, infirmières ou même chefs de camp. D’une très grande richesse textuelle et iconographique, le volume devrait être diffusé partout, à l’heure où l’on parle sans cesse du devoir de mémoire.
Tous les ouvrages judicieusement choisis par les moines éditeurs révèlent à leur manière que le vent souffle où il veut et que la grâce est à l’œuvre en bien des lieux : on y croise aussi bien une belle méditation sur Le Cantique des cantiques — lu comme une initiation par étapes à l’amour vrai, qui est à la fois jeu, parole et loi —, que l’histoire authentique et miraculeuse d’une mère et de sa fille exilées sous Staline (L’Enfant de sucre), ou encore les actes d’un colloque des Bernardins sur Kandinski, dont Philippe Sers, entre autres, éclaire la capacité à mettre "l’âme en vibration".
Rassemblés entre 2012 et 2015 par Anna Artemeva et Elena Ratcheva, les témoignages sont d’un poids d’humanité et de grâce stupéfiant, entre "banalité du mal" et héroïsme quotidien qui s’ignore. Parmi bien des noms qui mériteraient de former une litanie d’hommage, nous ne citerons que Boris Poutsyntsev, membre d’un groupe clandestin d’étudiants antisoviétiques : "Qu’ai-je reçu du camp ? J’ai compris la nature humaine. J’ai compris que l’homme est infini dans le mal comme dans le bien." Mal infini ? Il ajoutait toutefois une autre leçon de son emprisonnement : "Et aussi... le sentiment d’être une petite brique... Non, pas une petite brique, un caillou placé là pour faire tomber le système. Vous savez, cela réchauffe l’âme." Merci aux Quatre Vivants d’offrir aux lecteurs quelques cailloux qui réchauffent l’âme.