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“Je ne demande pas à l’État de faire mon bonheur”

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Pierre Vivarès - publié le 22/04/22
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D’où vient ce malaise devant la politique d’aujourd’hui ? Pour le père Pierre Vivarès, curé de la paroisse Saint-Paul de Paris, on enferme les Français dans l’idée que l’État peut vous apporter le bonheur, "un petit bonheur de consommateur".

Comme 15 millions de Français, j’ai regardé le débat de l’entre-deux-tours entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. J’ai traîné pendant vingt-quatre heures un malaise diffus, déjà ressenti pendant ces décennies de politique et d’alternances gouvernementales, car je me sentais étranger à ce débat. J’avais le vague sentiment que l’on ne parlait pas de l’essentiel même si les sujets abordés sont tous importants. Ces gens qui souhaitent être élus veulent régler ma vie et me donner le bonheur.

Depuis longtemps l’État a la prétention d’apporter le bonheur non seulement au peuple mais aussi à chaque individu. Puisqu’on a supprimé toute dimension spirituelle à l’homme, on a développé l’idée que l’argent et les loisirs apporteraient le bonheur. Alors on a proposé de travailler moins (et l’interdiction de travailler plus), avec l’âge de la retraite et les 35 heures, et puis de gagner plus et même de gagner sans travailler, avec le chômage, les allocations, les primes pour acheter la paix sociale. Finalement on ne parle plus que d’argent, tout le temps, comme si les loisirs (et l’argent nécessaires à ces loisirs) étaient l’alpha et l’oméga du bonheur. 

On fabrique un peuple de frustrés

Le rôle de l’État n’est pas d’apporter le bonheur et certainement pas ce bonheur-là aux citoyens. Les fonctions régaliennes, la justice, la monnaie et la défense, sont devenues secondes, lointaines. L’argent n’est plus français, il est européen. La défense a été malmenée et devient européenne elle-aussi et on constate dans quel état est la justice de notre pays, depuis la situation des prisons jusqu’aux tribunaux. Alors on parle de justice sociale, avec la promesse que personne ne sera pauvre, comme si un jour il n’y aurait plus de pauvres et donc de malheureux. Drôle d’illusion. En faisant cela, on enferme les Français dans l’idée que l’argent et les plaisirs font le bonheur et cette idée devient normative.

Cette entreprise systémique de réduction du citoyen à un consommateur [...] est une entreprise de destruction de la dimension spirituelle de l’homme.

Comme ils n’ont souvent pas l’un et pas les moyens de l’autre, on fabrique un peuple de frustrés qui a cru à ce bonheur car on ne lui a rien montré d’autre, déjà qu’il n’en fallait pas beaucoup pour que ces Français fussent un peu plus râleurs qu’ils ne le sont. Cette entreprise systémique de réduction du citoyen à un consommateur dont l’essentiel du bonheur résiderait dans l’argent et les plaisirs éphémères est une entreprise de destruction de la dimension spirituelle de l’homme. Je n’ai pas entendu parler de la famille, de l’art, de la religion, de l’engagement, de la générosité, du travail, du don, du savoir et de la culture, de l’accueil, du service. Ah si, pardon : du travail, pour gérer comment travailler moins sans être en faillite et de la religion, pour la faire disparaître visiblement de l’espace public.

Un petit bonheur de consommateur

Non seulement l’État a la prétention de faire notre bonheur mais il a la prétention de nous apprendre de quel bonheur nous devrions nous contenter. Un petit bonheur de consommateur, qui ne travaille pas trop, qui a beaucoup de jours de congés, qui ne doit souffrir de rien, ne s’engager dans rien, ne croire en rien, ne prendre aucun risque et mettre les lois de la République au-dessus de tout. Tout ce qui gênerait ce bonheur immédiat de "l’homo-consommateur" qui aurait les moyens ensuite de devenir un "homo festivus" doit être supprimé. On peut donc faire défiler toutes les lois sociétales de confort qui permettent aussi bien de ne s’engager dans rien, de supprimer physiquement ou visiblement ce (ou celui) qui nous gêne et même d’arrêter de vivre quand on ne peut plus profiter de la vie. Profiter : le mot est juste. Ce débat n’a parlé que d’argent, de profit, de confort et ils appellent cela la liberté, l’égalité et la fraternité. 

Désolé, je ne demande pas à l’État de faire mon bonheur. Je lui demande la paix entre les nations et à l’intérieur de la nation, une monnaie stable pour des échanges sereins, une justice équitable dans laquelle le fautif est puni et la vie de chaque personne humaine est défendue, soignée et protégée, surtout celle des petits et des faibles. Alors j’irai voter dimanche, une fois de plus, par respect pour tous les bénévoles qui donnent du temps pour faire vivre cette vie démocratique, par respect pour l’État, par respect pour ceux qui n’ont pas le droit de vote dans leur nation. Mais je n’irai certainement pas pour donner mon assentiment à vos projets de société, à tous les deux : ce ne sont pas les miens et ils sentent la mort.

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