Son témoignage promet d’être aussi bouleversant que douloureux. Guy Coponet, qui est l’un des cinq témoins oculaires de l’assassinat du père Jacques Hamel et qui s’est constitué partie civile dans le procès de l’attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray, est appelé à témoigner ce jeudi 17 février devant la cour spéciale d’assises. Première audition de la journée, ses mots vont résonner dès 9h30 dans le palais de justice de Paris.
Le 26 juillet 2016, quasiment à la même heure, Guy Coponet, fidèle paroissien de Saint-Étienne-du-Rouvray, assiste avec son épouse Janine à la messe de semaine célébrée par le père Jacques Hamel. Vacances scolaires obligent, il y a moins de monde que d’habitude. Seulement lui, son épouse Janine et trois religieuses, sœurs Danièle, Hélène et Huguette. La messe se déroule sereinement quand tout à coup Adel Kermiche et Abdel-Malik Petitjean, les deux terroristes, surgissent. L'un va se précipiter sur le père Hamel, tandis que l'autre met un smartphone dans ses mains et le contraint à filmer la scène. Il a alors 87 ans.
J'ai serré le mieux que je pouvais la gorge pour éviter que ça saigne de trop et puis j'ai fait le mort.
Le prêtre refuse de s'agenouiller, tombe à la renverse et repousse son agresseur à coups de pied en lui criant "Va-t'en Satan". Il est égorgé. Puis c’est au tour de Guy Coponet d’être poignardé, au bras, dans le dos et à la gorge. Il s'effondre sous les yeux de son épouse Janine. Pendant 45 minutes il va "faire le mort", sans bouger, une main pressant son cou pour retenir le sang qui jaillit. Ce réflexe lui a d’ailleurs "probablement sauvé la vie", a d’ailleurs témoigné un médecin légiste ce mercredi. "J'ai serré le mieux que je pouvais la gorge pour éviter que ça saigne de trop et puis j'ai fait le mort. J'ai surtout éviter de bouger pour qu'ils viennent pas me finir, Dieu merci", a-t-il confié en début de semaine au micro de France bleu.
Lors de son audition le médecin légiste a également expliqué devant la cour d’assises avoir été frappé par le "calme incroyable" de Guy Coponet lorsqu’il l’a vu sur son lit d’hôpital, "capable de relater tout ce qui s’était passé avec une incroyable précision", et par "la rapidité de sa récupération". Sa blessure, dont il garde encore aujourd’hui une plaie de plus de vingt centimètres au cou, est bien "compatible avec une tentative d'égorgement", le mode opératoire prôné par l’État islamique dont se réclamaient les deux assaillants, a aussi précisé le médecin.
Recevoir le pardon et être prêt à pardonner
Ce jeudi, devant la cour d’assises spéciale de Paris, Guy Coponet va donc témoigner. Pour que la justice suive son cours. Parce qu’il s’est constitué partie civile. Pour sa femme, Janine, décédé l’année dernière. Pour comprendre, peut-être, ce qui a pu amener deux jeunes à tomber dans cette spirale infernale. Mais qu’espère-t-il ? Dès l’ouverture du procès il glissait à la presse : "Peut-être qu’on aura un pardon de ceux qui ont provoqué tout ça […] Il faudrait que ça aille jusque-là". Son espérance ? Que cela permettre de "régler le problème une bonne fois pour toutes" et que "ceux qui sont responsables [puissent] demander pardon à tous ceux à qui ils ont fait de la peine".
Un pardon qui va dans les deux sens. S’il espère un pardon des accusés, lui aussi est prêt à pardonner. "Vous savez, si on ne pardonne pas, ça devient de la haine", confiait-il. "Si on veut semer la paix, il faut faire le nécessaire pour pardonner. Comme dirait le Seigneur, 'pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font'".