De 1933 à 1945, plus de 200.000 prisonniers sont passés par le sinistre camp de concentration de Dachau, à quelques kilomètres de Munich, dont près de 3.000 prêtres qui avaient en commun d’avoir manifesté trop ouvertement leur opposition au régime nazi. Au printemps 1945, alors que les forces alliées sont sur le point de renverser le Reich en déroute, les prêtres et les moines internés à Dachau craignent qu'ordre soit donné aux gardes de les exterminer. Alors, le 22 avril 1945, ces ecclésiastiques, pour la plupart d'origine polonaise, décident de se consacrer à saint Joseph. Le même jour, ils font serment que s'ils échappent à la mort, ils feront un pèlerinage annuel à Saint-Joseph de Kalisz, en Pologne, l'un des quatre lieux d'apparition du père nourricier de Jésus, reconnus par l'Eglise.
Leurs craintes d’une exécution massive sont justifiées : Heinrich Himmler, le dirigeant nazi le plus puissant après Hitler, ordonne quelques jours plus tard l'extermination de tous les prisonniers de Dachau. Celle-ci doit avoir lieu le 29 avril. C’est le jour même prévu pour cette exécution massive qu’une unité de soldats américains vient libérer les prisonniers.
Si le nombre total de morts à Dachau, 31.951, est bien inférieur à celui des camps d'extermination nazis, ce camp était le centre d'expériences médicales barbares. Les prêtres détenus étaient fréquemment utilisés pour les recherches menées par le professeur Claus Schilling, qui a volontairement infecté les prisonniers avec le paludisme afin d'évaluer l'efficacité de diverses méthodes de traitement. Pour ceux qui étaient épargnés par ces expériences, Dachau restait un véritable enfer. La faim, la typhoïde et les travaux forcés rythmaient le quotidien des détenus. D'autres sévices les obligeaient à devoir se prosterner dans la boue, les gardes nazis se faisant un devoir de piétiner la tête de ceux qui ne se baissaient pas suffisamment.
Dans de telles conditions, la vie et la foi ont survécu. Les prêtres organisaient des messes clandestines. Ils étaient si démunis qu’ils devaient diviser une hostie en vingt morceaux ou plus, afin que tous les participants reçoivent l'Eucharistie. Le clergé de Dachau a également réussi à faire fonctionner un institut de théologie secret. Au total, seuls 856 ecclésiastiques ont survécu, nombreux parmi eux subirent de tels traitements qu'ils ne purent jamais reprendre leurs charges sacerdotales. Mais ils partageaient tous la même conviction : ils avaient été sauvés par saint Joseph. Et ils sont restés fidèles à la promesse de venir prier au sanctuaire Saint-Joseph à Kalisz chaque 29 avril, commémorant ainsi le jour de leur libération.
En 1970, les prêtres survivants y ont construit une chapelle du martyre et de la gratitude, pour commémorer leurs 1.800 frères clercs décédés au camp. Le cardinal d'alors, Karol Wojtyła, devenu plus tard le pape Jean Paul II, a assisté à la cérémonie qui marquait l'achèvement de la chapelle. En tant que pontife, le pape polonais est retourné en 1997 à Kalisz, où il a félicité les prêtres survivants de Dachau qui avaient honoré leur dette de gratitude envers saint Joseph. Depuis, des prêtres et des fidèles continuent de visiter le sanctuaire pour prier pour les victimes de Dachau. En priant aussi pour leurs anciens bourreaux, comme pour le professeur Schilling, exécuté par pendaison après la libération. En 2018, l'Église a béatifié 56 membres du clergé de Dachau, et d'autres cas sont à l'étude.