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Les droits et les devoirs des fidèles laïcs dans l’Église

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Dominique Le Tourneau - publié le 21/11/20
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Le concile Vatican II a été un moment clé dans la promotion et la compréhension du rôle des laïcs : appelés à la sainteté comme tout baptisé, ils coopèrent à la mission de l’Église dans le monde. C’est à ce titre qu’ils ont des devoirs, mais aussi des droits.L’affirmation récente des droits et devoirs fondamentaux des fidèles et des laïcs trouve son origine dans le concile Vatican II qui a porté un éclairage nouveau sur l’Église, qui était envisagée dans le passé et jusqu’au Code de droit canonique de 1917 compris, comme une société inégale, avec une hiérarchie, des fidèles. Il y avait une Église enseignée et une Église enseignante. Les premiers devaient obéir aux seconds, et ils étaient parfois considérés un peu comme des chrétiens de seconde zone, même si des laïcs chrétiens pouvaient être très actifs. 

Au bas de l’échelle

Dès le XIIe siècle, par exemple, existaient des confréries de laïcs en Italie et en Flandres. Au XIXe siècle, les laïcs ont été à l’origine de nombreuses initiatives dans le domaine social. L’Église était cependant globalement vue comme divisée en états de vie stratifiés : les clercs, les religieux, les laïcs, ces derniers étant vraiment au bas de l’échelon, au point qu’ils pouvaient difficilement atteindre la sainteté, qui était plus ou moins réservée aux clercs et aux religieux. Il y eut cependant des exceptions notables, comme Homebon de Crémone, le premier laïc canonisé en 1199, ou quand le 12 mars 1622 le pape Grégoire XV canonisa Ignace de Loyola, François-Xavier, Thérèse d’Avila et Philippe Néri en compagnie d’Isidore le Laboureur. Les laïcs avaient des droits reconnus civilement, mais canoniquement, ils avaient essentiellement des devoirs et étaient pratiquement dépourvus de droits explicites. Deux canons seulement concernaient les droits des fidèles laïcs. Dans le domaine associatif, par exemple, l’ensemble des associations de l’Église dépendait au XXe siècle de la hiérarchie, alors que ce fut moins vrai dans le passé, et avant la Première Guerre mondiale. 


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La condition commune des baptisés

Tous les baptisés forment le Peuple de Dieu, l’Église. On fait partie de l’Église d’abord et avant tout par son baptême : dès lors, tous les fidèles sont fondamentalement égaux en droits et en devoirs, ils acquièrent une condition commune de fidèles baptisés de par cette dignité baptismale. La condition commune, autrement dit le sacerdoce commun des fidèles, est mise en avant, avec une participation de tous à la triple fonction du Christ de sanctifier, d’annoncer, et de gouverner et d’exercer le sacerdoce royal. Tous les fidèles laïcs y participent. Dès lors, ils possèdent des droits et des devoirs dans l’Église, à partir d’un statut juridique commun, qui provient de cette égalité fondamentale de tous les fidèles du fait du baptême. Une différenciation fonctionnelle ne se produit que dans un second temps. 

La distinction vient ensuite, en fonction du charisme

Selon le charisme reçu, on est marié ou pas, on entre dans la vie consacrée ou pas, on exerce le sacerdoce ministériel ou pas. La différenciation se fait à partir de la base commune. Elle est spécialement marquée pour le sacerdoce : une différence fonctionnelle est introduite par le Sacrement de l’Ordre, qui confère le sacerdoce ministériel, l’ordre sacré. La constitution dogmatique Lumen gentium insiste pour dire qu’il ne s’agit pas simplement d’un degré supérieur du sacerdoce commun, mais d’un sacerdoce « d’une autre nature », car conféré par un autre sacrement. 


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Le prêtre reste un fidèle du Christ, qui conserve les devoirs fondamentaux compatibles avec son nouveau statut canonique. Il faut en dire autant de ceux qui embrassent la vie consacrée : ils restent également des fidèles du Christ. Ils gardent les droits et devoirs fondamentaux qui ne sont pas incompatibles avec leurs engagements spécifiques chacun dans sa famille religieuse déterminée, comme par exemple, dans le domaine patrimonial, pour le célibat, la participation à des activités de la cité, etc.

Le code de droit canonique de 1983

Les droits et devoirs fondamentaux que le concile Vatican II énumère ont été repris dans le Code de droit canonique de 1983, aux canons 204 à 232 et également dans les canons des codes des Églises orientales de 1990. Ils sont passés dans ces codes grâce notamment au bienheureux Alvaro del Portillo qui a été la cheville ouvrière de ce travail dans un très long rapport établi pour la codification du Code. Les propositions de ce rapport ont pratiquement été reprises mot à mot dans les canons. Avant de passer dans leur forme actuelle, ces canons étaient incorporés à un projet de loi fondamentale de l’Église : une sorte de constitution mise en avant dans le Code. Finalement, cette loi constitutionnelle ne sera pas promulguée par le pape Paul VI, pour des raisons œcuméniques notamment. Cependant, les canons qu’elle comportait ont été incorporés au code et la quasi-totalité des canonistes sont d’accord pour reconnaître que ces canons ont une portée constitutionnelle, ce qui veut dire herméneutique pour l’interprétation de l’ensemble du Code et de la législation canonique. Autrement dit, le droit canonique dans son ensemble doit être interprété en fonction des droits et devoirs fondamentaux des fidèles en général, et des laïcs en particulier.

Des droits « constitutionnels »

Donc tout ce qui pourrait porter atteinte à ces droits et devoirs pourrait faire l’objet de recours par les voies établies du droit. Il faut déplorer que celles-ci soient encore pratiquement inexistantes : il n’existe pas, par exemple, de droit administratif digne de ce nom dans l’Église, notamment à l’échelon local. Il n’est donc pas toujours facile pour le fidèle de faire respecter ses droits, mais leur reconnaissance constitue déjà une évolution importante. 

Il faut que tous, laïcs et clercs se rendent compte progressivement de l’existence de ces droits et devoirs fondamentaux et apprennent à les respecter

Il faut que tous, laïcs et clercs — mais clercs notamment — se rendent compte progressivement de l’existence de ces droits et devoirs fondamentaux et apprennent à les respecter, mais il y a des droits et devoirs étendus, qualifiés de fondamentaux, parce qu’ils ont cette caractéristique d’être constitutionnels. Par exemple si l’on dit qu’il y a un droit au sacrement, cela veut dire que l’autorité doit ménager les choses pour que ce soit possible, et que le fidèle puisse avoir accès, en tant que fidèle, à la Parole de Dieu, aux sacrements, etc. Quels sont ces droits fondamentaux ? Le code les divise en deux groupes : obligations et droits de tous les fidèles et obligations et droits des fidèles laïcs.

Qu’est-ce qu’un fidèle ?

Quatre canons précisent ce qu’est un fidèle (canons 204 à 207). « Les fidèles du Christ, définit le canon 204, sont ceux qui, en tant qu’incorporés au Christ par le baptême, sont constitués en peuple de Dieu et qui pour cette raison sont faits participants à leur manière à la fonction sacerdotale prophétique et royale du Christ, sont appelés à exercer, chacun selon sa condition propre, la mission que Dieu a confiée à l’Église pour qu’elle l’accomplisse dans le monde. » Ce canon établit aussi que « cette Église, constituée et organisée en ce monde comme une société, subsiste dans l’Église catholique gouvernée par le successeur de Pierre et les évêques en communion avec lui ».


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Le canon 205 précise que « sont pleinement dans la communion de l’Église catholique sur cette terre les baptisés qui sont unis au Christ dans l’ensemble visible de cette Église, par les liens de la profession de foi, des sacrements et du gouvernement ecclésiastique ». D’autres personnes sont en dehors, comme les catéchumènes. Si elles veulent entrer dans l’Église, elles possèdent elles aussi des droits, comme par exemple, le droit d’être baptisé. Le canon 207 détaille en outre que, « par institution divine, il y a dans l’Église, parmi les fidèles, les ministres sacrés qui en droit sont aussi appelés clercs, et les autres qui sont aussi appelés laïcs » et qu’il existe « des fidèles appartenant à l’une et l’autre catégorie, qui sont consacrés à Dieu à leur manière particulière par la profession des conseils évangéliques, au moyen de vœux ou d’autres liens sacrés reconnus et approuvés par l’Église, et qui concourent à la mission salvatrice de l’Église ».

Les obligations et les droits des fidèles

À ces canons introductifs font suite les normes sur les obligations et les droits de tous les fidèles, tout en apportant d’entrée de jeu une précision essentielle, à savoir qu’entre tous les fidèles, « du fait de leur régénération dans le Christ, il existe quant à la dignité et à l’activité, une véritable égalité en vertu de laquelle tous coopèrent à l’édification du Corps du Christ selon la condition de la fonction propres de chacun ». Tout cela du fait du baptême. Les distinctions fonctionnelles n’interviennent donc que dans un deuxième temps.

Tous les fidèles doivent, chacun selon sa condition propre, s’efforcer de mener une vie sainte et de promouvoir la croissance et la sanctification continuelle de l’Église

Sans énumérer tous les droits et devoirs fondamentaux, j’en soulignerai quelques-uns, particulièrement importants à mes yeux. Par exemple, le premier d’entre eux, qui est un devoir charnière, le devoir de communion. « Les fidèles sont liés par l’obligation de garder toujours, même dans leur manière d’agir, la communion avec l’Église » (canon 209, 1). C’est une communion de foi, et de hiérarchie, de gouvernement. Tout ce qui se ferait en dehors de la communion est à bannir. Nous avons là un critère incontournable d’une action vraiment ecclésiale. Tous les fidèles doivent, « chacun selon sa condition propre, s’efforcer de mener une vie sainte et de promouvoir la croissance et la sanctification continuelle de l’Église » (canon 210). C’est évidemment un devoir plus moral que juridique, mais c’est un devoir qui entraîne des droits, notamment le droit aux moyens de sanctification. 

L’apostolat ne nécessite pas de mandat

Par ailleurs, le devoir de contribuer à la sanctification de l’Église inclut le droit-devoir de faire de l’apostolat, autrement dit d’évangéliser : « Tous les fidèles ont le droit et le devoir de travailler à ce que le message divin du salut atteigne sans cesse davantage tous les hommes de tous les temps et de tout l’univers » (canon 211). C’est un devoir et un droit qui ne doit être entravé par personne. L’apostolat ne nécessite pas un mandat particulier de l’autorité ecclésiastique : chacun est tenu en vertu de sa condition de baptisé de faire de l’apostolat là où il vit, selon ses possibilités, ses moyens, dans son milieu familial, professionnel, etc. Chacun doit être témoin du Christ, témoin de l’Évangile, par nature et par devoir. On ne peut que se féliciter de voir des chrétiens réunir des amis pour leur transmettre la foi, et de travailler ainsi à l’évangélisation.

Le droit et le devoir de donner son opinion

Si les fidèles ont le devoir « d’adhérer par obéissance chrétienne à ce que les pasteurs sacrés, comme représentants du Christ, déclarent en tant que maîtres de la foi ou décident en tant que chefs de l’Église » (canon 212), il n’en reste pas moins qu’ils ont aussi « la liberté de faire connaître aux Pasteurs de l’Église leurs besoins surtout spirituels, ainsi que leurs souhaits ». Par exemple leur désir de voir organisées la récitation du Chapelet, l’adoration du Saint-Sacrement, etc.  Le Code précise même que, « selon le savoir, la compétence et le prestige dont ils jouissent, ils ont le droit et même parfois le devoir de donner aux Pasteurs sacrés leur opinion sur ce qui touche le bien de l’Église et de la faire connaître aux autres fidèles, restant sauve l’intégrité de la foi et des mœurs et la révérence due aux pasteurs, et en tenant compte de l’utilité commune de la dignité des personnes ». Tout en respectant les pasteurs, chaque fidèle est donc tenu de donner son avis sur les choses de sa compétence, par exemple les questions financières. Il va de soi que ces interventions doivent se situer dans le cadre de la communion. Elles ne sauraient, de ce fait, être comprises comme portant atteinte à l’autorité ecclésiastique, mais comme une contribution positive au bien de la communauté ecclésiale. 

Le droit aux biens spirituels nécessaires

Les fidèles ont le droit de recevoir l’aide des biens spirituels de l’Église. Ceci est particulièrement important pour qu’ils puissent se sanctifier et évangéliser. Il est question de l’accès à la Parole de Dieu et aux sacrements (cf. canon 213). Cela a des conséquences sur la vie ecclésiale. Il est très important que les fidèles puissent recevoir les biens spirituels « abondamment », selon le mot du Concile. Certes, le mot n’a pas été repris dans le Code, mais on imagine mal une sainteté au rabais : il faut viser une vraie sainteté, c’est pourquoi les fidèles ont « le droit » de disposer de biens spirituels, pourvu qu’ils soient correctement préparés et qu’ils ne les demandent pas de façon intempestive. Cela implique, par exemple, le devoir pour les autorités ecclésiales de prévoir des horaires de messe compatibles avec les besoins des fidèles et non en fonction des contraintes du prêtre ; d’avoir des églises ouvertes, des confessions prévues, une pastorale sacramentelle organisée, et parfois, de créer des structures pastorales nouvelles, comme l’ordinariat pour les anciens anglicans, les prélatures personnelles, ou d’autres créations ad hoc comme l’administration apostolique de Campos pour les ex-lefebvristes du Brésil, les structures pour les orientaux en territoires latins, les dispositifs pour la pastorale des migrants, l’ordinariat aux armées, etc.


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Une grande liberté, dans la communion

Le droit canonique précise que chacun a le droit d’avoir sa vie spirituelle propre et sa spiritualité propre. Il prône le respect des différentes spiritualités, selon leur rite particulier, conforme à la foi de l’Église. Le pape Benoît XVI est allé en ce sens en autorisant la forme extraordinaire du rite romain et en demandant aux autorités locales de l’accepter volontiers. Par ailleurs, Le droit d’association est reconnu de façon très libre. Sous le régime du Code de 1917, toutes les associations dans l’Église étaient érigées par l’autorité ecclésiastique. Désormais, « les fidèles ont la liberté de fonder et de diriger librement des associations ayant pour but la charité ou la piété, ou encore destinées à promouvoir la vocation chrétienne dans le monde, ainsi que de se réunir afin de poursuivre ensemble ces mêmes fins » (canon 215). Ce droit a été reconnu aussi par le Concile aux prêtres, non sans débats. Ils peuvent fonder eux aussi des associations, étant donné que ce droit d’association est un droit de tout baptisé.

La loi suprême du Salut des âmes

Le canon 221 précise qu’il appartient aux fidèles de revendiquer légitimement ces droits et de les défendre devant le tribunal ecclésiastique compétent selon le droit. En réalité, faute d’un véritable droit administratif dans l’Église, les moyens de défense des droits restent très limités. Rares seront les fidèles qui oseront engager une procédure auprès d’un dicastère de la Curie romaine. Ils pourront s’y faire entendre comme dans le cas d’un évêque américain qui avait refusé la confirmation d’un enfant de 12 ans prétextant que le sacrement n’était administré dans son diocèse qu’à l’âge de 16 ans. La Congrégation pour le culte divin lui a enjoint d’administrer la confirmation au plus tôt à l’enfant compte tenu du droit fondamental de l’enfant à la recevoir et de ce que le droit universel prime sur le droit particulier. 

Le code de droit canonique traite encore des normes relatives aux obligations et aux droits plus spécifiques des fidèles laïcs (canons 224-231). Le lecteur pourra s’y reporter, ne serait-ce que pour s’informer, toujours dans un souci de communion et en sachant que, comme le dernier canon du Code l’affirme, « le salut des âmes […] doit toujours être dans l’Église la loi suprême ».


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