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Liban, Syrie, Irak, Turquie… les motifs d’inquiétude se multiplient pour les chrétiens d’Orient

Dans une église de Mossoul, en Syrie.

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Agnès Pinard Legry - publié le 02/09/20
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La situation des chrétiens au Moyen et Proche-Orient demeure “très compliquée, surtout au Liban”, assure à Aleteia Mgr Pascal Gollnisch, directeur de l’Œuvre d’Orient.Si la pandémie de Covid-19 touche quasi indifféremment l’ensemble des pays, elle frappe d’autant plus fort ceux dont la situation économique et sociale est déjà tendue. Au Moyen et Proche-Orient, le Liban, qui a été le théâtre d’une double explosion meurtrière début août, en fait tout particulièrement partie. Mais le contexte reste tout aussi compliqué pour la Syrie, l’Irak ou encore la Turquie. En déplacement au Liban avec Emmanuel Macron Mgr Pascal Gollnisch, directeur de l’Œuvre d’Orient, dresse un panorama de la situation.

Aleteia : Dans quelle situation se trouvent les chrétiens du Liban ?
Mgr Gollnisch : Les chrétiens, les sunnites, les chiites et les druzes sont les quatre grands groupes qui composent le Liban. Les chrétiens sont durement touchés comme tous les Libanais par un ensemble de difficultés : difficultés économiques, crise monétaire, crise du système bancaire… on constate une douloureuse paupérisation de la population. À cela s’ajoute une crise politique : les Libanais ont tous pris conscience de la corruption de leurs dirigeants, de leur inefficacité et du non renouvellement de la classe politique, certains étant au pouvoir depuis plus de quarante ans. La situation sanitaire liée au Covid-19 avait déjà complexifié la situation mais la double explosion qu’il y a eu à Beyrouth a été un drame car elle a montré concrètement l’incapacité de l’État à gérer la situation. Une grande partie de l’opinion estime qu’une mauvaise gestion du port – par l’État – est à l’origine de l’explosion et, depuis le drame, l’État cumule les erreurs. Cette double explosion a été le révélateur de l’incurie de l’administration libanaise.

Que vont devenir les écoles chrétiennes du Liban ?
Les écoles chrétiennes du Liban sont pour une partie des établissements prestigieux qui forment l’élite du pays mais aussi des établissements populaires situés dans des villages isolés. C’est un tissu ancré dans la population qui joue un rôle important pour la paix sociale au Liban. Des dizaines de milliers d’élèves, filles et garçons, chrétiens et musulmans, sont inscrits et formés ensemble. Ces établissements assurent le vivre-ensemble du Liban et c’est l’avenir de ce vivre-ensemble qui est en jeu avec la disparition de ces établissements. Et il ne faut pas non plus oublier que ces écoles, souvent francophones de surcroit, sont déterminantes pour l’influence de la France dans ce pays dans les années à venir. Conformément à l’engagement pris par Emmanuel Macron à Jérusalem en janvier dernier, l’État français vient de créer un fonds de soutien pour les écoles chrétiennes francophones du Moyen-Orient, j’espère donc qu’elles vont continuer à fonctionner. Mais il est clair que ces écoles, déjà en difficulté avant l’explosion, se retrouvent dans une situation encore plus compliquée aujourd’hui dans la mesure où certaines ont été détruites.


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Comment le pays pourrait se relever ?
L’une des difficultés du Liban est que son équilibre financier est toujours passé par la diaspora libanaise dont une partie vie en Europe, au Maroc ou encore aux États-Unis, et l’autre partie dans les pays du Golfe. C’est cette deuxième diaspora qui n’a pas pu continuer à envoyer de l’argent au Liban, en raison de la crise, et qui a empêché le système libanais de fonctionner. Il y a ainsi eu une réaction en chaîne : de nombreux foyers n’ont pas pu payer les études de leurs enfants, ils n’ont pas pu payer leur logement, des entreprises ont fait faillite etc. Finalement, le Liban produit peu de choses ! Désormais, il faut relancer l’économie libanaise à partir d’une économie la plus proche du terrain, c’est-à-dire une économie agricole, artisanale…  Sur le plan économique, le Liban doit repartir en s’appuyant… sur lui-même, sur les Libanais du Liban. Si la crise économique n’est par surmontée, elle se traduira par une crise sociale explosive. Bien sûr, au démarrage il faut de l’aide de l’extérieur mais ensuite cela devra venir des Libanais. La communauté internationale refusera d’ailleurs d’apporter des fonds s’il y a de la corruption. Sur le plan spirituel, comme devant toute crise, les hommes et les femmes s’interrogent sur le sens de la vie. Il y a donc un approfondissement spirituel à accompagner et encourager. Après, les églises du pays vont aussi devoir se réformer dans leur mode de vie et de gestion.

Il y a six ans, en août 2014, l’État islamique (EI) s’emparait de la plaine de Ninive en Irak, poussant des dizaines de milliers de chrétiens à prendre la fuite. Quelle est leur situation aujourd’hui ?
C’est une toute autre situation ! À la différence du Liban, il n’y a pas cet équilibre confessionnel qui permet aux uns et aux autres de coexister et d’exercer ensemble. Là encore, les chrétiens jouent un rôle social important mais tellement restreint qu’ils ne peuvent pas avoir un rôle moteur. Certaines voix sont néanmoins attentivement écoutées, je pense notamment au patriarche chaldéen Mgr Sako qui pousse l’ensemble de l’Irak à avancer vers la pleine citoyenneté pour tous. Mgr Sako ne se bat pas pour ses fidèles ms pour l’ensemble de l’Irak. Si les chrétiens avancent, bougent, c’est tout le pays qui peut bouger. Les chrétiens sont en mission dans ces pays pour les faire avancer. L’EI a été un épisode absolument effroyable, traumatisant et génocidaire. On ne peut pas avoir un drame comme cela tous les 25 ans. Bien sûr, beaucoup de chrétiens sont partis mais d’autres sont restés, et nous devons les soutenir. Le fait qu’ils restent en Irak dépendra de l’avenir du pays. Si l’EI a été chassé, le départ des forces américaines pourrait voir sa résurgence. Il y a là un problème militaire mais il doit aussi y avoir une évolution spirituelle du monde musulman afin de mettre un terme définitif au fondamentalisme archaïque.



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Et qu’en est-il de la Syrie ?
Là encore la situation reste difficile. La situation est toujours incertaine dans la poche d’Idlib et la Turquie, la Russie et certains pays occidentaux y ont un rôle trouble. On joue avec des allumettes dans une grange.

L’été a aussi été agité en Turquie avec la conversion de la basilique Sainte-Sophie en mosquée mais aussi d’une autre église, l’église Saint-Sauveur-in-Chora…
La Turquie moderne s’est fondée avec Mustapha Kemal dans un certain respect des chrétiens, au moins celui de ne pas installer le culte musulman à Sainte-Sophie. Ce qu’a fait Erdogan, c’est tout simplement piétiner les chrétiens et replonger la Turquie dans une époque ancestrale. C’est totalement inacceptable. Ce n’est pas le gouvernement qui décide si un bâtiment est une église ou une mosquée ; ce sont les siècles, c’est l’intention des fondateurs. Sainte-Sophie a été pensée au Ve siècle pour être une église, c’est une architecture d’église, des fresques d’église… De-même pour l’église Saint-Sauveur-in-Chora. Erdogan veut plaire à son électorat, c’est pitoyable et honteux pour un dirigeant moderne d’agir de la sorte.

Quel regard portez-vous sur la situation des chrétiens d’Orient ?
La situation est très compliquée au Liban et reste compliquée dans les autres pays du Moyen et Proche-Orient. Si je suis assez inquiet à court terme je suis plein d’espérance sur le long terme. Je suis catholique et la foi me donne l’espérance. Je pense que ces pays vont évoluer, bouger, aller de l’avant.

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