Abeilles, lézards, femmes et satyres… Le célèbre baldaquin de Saint-Pierre recèle de secrets insoupçonnés. Celui que l’on pourrait désigner comme le père de la sculpture baroque, Gian Lorenzo Bernini, dit Bernin, n’est âgé que de 25 ans lorsque le pape Urbain VIII lui demande de concevoir l’autel de la basilique Saint-Pierre.
Il est alors déjà exceptionnellement doué dans son art, mais n’excelle pas encore en architecture. Cependant, comme c’est un garçon intelligent, il décide de faire appel à son rival de toujours, Francesco Borromini, afin qu’ils unissent leurs efforts dans cette tâche de la plus haute importance. Cette association d’exception donne lieu à la création d’une œuvre d’art à la hauteur de ces deux grandioses artistes : le fameux baldaquin de Saint-Pierre, une structure d’une trentaine de mètres de haut (l’équivalent d’un immeuble de dix étages à l’intérieur même de la basilique) rappelant un pavillon, considérée comme la plus importante structure en bronze du monde.
Quiconque s’approche du baldaquin et l’observe de près remarquera immédiatement que ses colonnes torsadées, inspirées des piliers du temple de Salomon, sont ornées de feuilles de laurier et, plus étonnant, d’abeilles. Effectivement, on trouve de petites abeilles sculptées un peu partout dans la basilique, à l’intérieur comme à l’extérieur. Ces abeilles sont le symbole de la famille Barberini, dont descendait le pape Urbain VIII. Les armoiries de la famille comportaient trois abeilles sur un fond bleu surmontées d’une tiare papale et des clés de saint Pierre.
Cet écusson est d’ailleurs visible à la base de chacune des colonnes du baldaquin, sur les quatre piédestaux de marbre soutenant la structure. Il figure sur chacune des faces extérieures des piédestaux et est donc reproduit huit fois. À première vue, les écussons semblent tous identiques, mais ce n’est pas le cas. Ils renferment une intéressante trame narrative qui fascine les historiens, les écrivains mais aussi les tenants de la théorie du complot, bien entendu.
Au-dessus de chacun des écussons figure un visage de femme, et en-dessous, un visage de satyre. En regardant de près, on remarque que l’expression de la femme évolue graduellement. Traditionnellement, on raconte que ces visages symbolisent les différents stades de l’accouchement. Dans son ouvrage L’art profane à l’église, Gustave Joseph Witkowski écrit :
“La narration débute sur la face du piédestal antérieur gauche (quand on entre dans la basilique) : la figure de la femme commence à se contracter ; sur la seconde et les suivantes, jusqu’à la septième, les traits sont de plus en plus convulsés. En même temps augmente le désordre de la chevelure ; les yeux, qui expriment d’abord une souffrance supportable, deviennent hagards ; la bouche, fermée au début, s’ouvre, crie, hurle ; c’est d’un réalisme pénétrant […] Enfin, voici la délivrance : le ventre s’est affaissé et la tête de la mère disparaît, pour faire place à une évangélique figure d’enfant, aux cheveux bouclés, qui sourit sous les insignes pontificaux, immuables ; cette dernière transformation occupe la face occidentale du piédestal antérieur de droite”.
Pour certains, ce cycle représente une nièce de pape Urbain VIII ayant connu une grossesse très difficile. Pour célébrer la naissance de son enfant en bonne santé, le pape aurait commandé ces ajouts. Les tenants de la théorie du complot considèrent eux que ce sont évidemment des symboles maçonniques. En fait, la théorie la plus semblable est que Bernin, en tant que fervent catholique, ait tout simplement souhaité représenter la “Mère Église”.
Le baldaquin n’est pas seulement peuplé d’abeilles mais également de lézards. Ces intéressantes créatures, capable de changer de peau et de faire repousser leur queue, sont censées être des allégories de la Résurrection. D’ailleurs, l’un de ces lézards, situé sur la deuxième colonne, semble regarder le soleil, symbolisant la contemplation du divin.
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