Perdre un enfant in utero a des conséquences pour les parents, mais aussi pour les autres enfants de la fratrie. Il est donc important de leur accorder une attention particulière dans la traversée de cette épreuve. Tout deuil peut avoir des conséquences sur la vie des enfants qui y sont confrontés. Le deuil périnatal n’échappe pas à cette règle pour les aînés qui ont perdu un petit frère ou une petite sœur avant sa naissance. Corrine Charroy, psychologue clinicienne, a étudié les conséquences d’une fausse couche sur les enfants, nés ou à naître. Des conséquences négatives que l’on peut éviter en faisant attention aux signes de détresse des enfants.
Avez-vous déjà rencontré des enfants troublés à la suite d’une fausse couche ?
Corrine Charroy : Son incidence m’apparaît de plus en plus importante, selon sa position dans la fratrie, et surtout de la capacité de sa mère d’avoir fait le deuil de l’enfant décédé. Il arrive qu’un enfant né après une fausse couche souffre de troubles du comportement : agitation, colères, énurésie, troubles du sommeil…
À quoi les parents doivent-ils être attentifs ?
Il n’y a pas de raison de s’inquiéter si l’enfant ne manifeste pas de troubles particuliers. Attention à la culpabilité que peut développer un aîné encore petit, s’il n’était pas favorable à cette nouvelle naissance. Il a pu se sentir abandonné par sa mère et vivre une angoisse de séparation, nourrir des sentiments hostiles. Lorsque la mort survient, il peut croire qu’il en est responsable, s’il est proche de l’âge de la pensée magique. Aux parents de le rejoindre dans ses émotions et de l’aider à verbaliser : « Tu as pu être jaloux et c’est normal, ne t’en veux pas, ce n’est pas à cause de toi que le bébé est mort, ni à cause de maman ».
Un autre enfant peut arriver très vite après une fausse couche. Est-ce sans conséquence pour lui ?
C’est toute la question de l’enfant de remplacement. Après une fausse couche, il n’est pas rare qu’une nouvelle grossesse arrive très vite, comme si la femme se prouvait ainsi qu’elle était vivante. Or, elle peut après coup se culpabiliser, croyant trahir le bébé précédent. A l’inverse, il peut arriver que l’enfant suivant soit épargné, comme dans une parenthèse, mais qu’au troisième, la mère sorte de sa sidération et entame le deuil qu’elle n’avait pas réalisé.
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Comment réagir alors ?
Il est fondamental que l’enfant mort reprenne sa place. Parfois, il suffit de parler tout simplement de ce petit frère ou de cette petite sœur qu’ils n’ont pas connu(e) pour que les troubles s’apaisent. Chacun reprend sa place, le « suivant » restituant à l’enfant décédé la sienne. Chacun est unique, personne ne peut remplacer ou prendre la place de qui que soit.
Penser qu’un bébé est mort dans le ventre de sa maman n’est-il pas traumatisant pour un enfant ?
Des cauchemars révèlent cette angoisse de mort liée à la matrice maternelle. Il est bon de leur expliquer, avec des mots adaptés à leur âge, que ce n’est pas le même ventre ou utérus qui porte tous les enfants de la mère. Qu’une muqueuse se renouvelle à chaque grossesse, comme un nouveau petit berceau.
Et s’il envoie des signaux de détresse ?
En cas de troubles alimentaires, somatiques ou de sommeil, un travail thérapeutique peut aider l’enfant à le relier à cet événement. Il s’agit de lui donner la parole. Les parents peuvent le questionner : « Je me trompe peut-être, mais j’ai l’impression que… » Il ne pourra peut-être pas répondre par oui ou par non, vous tomberez peut-être à côté, mais il aura eu l’expérience d’être écouté, rejoint, et d’avoir pu mettre des mots sur ce qu’il ressentait, sans se sentir jugé ni coupable. Les thérapies ne font pas autre chose que d’aider le petit patient à nommer ce qui le trouble, et commencer ainsi à s’en libérer.
Stéphanie Combe
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