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Le chrétien qui entre en Carême est aussi fier qu’un phénix de ses plumes, de ses couleurs, de son port altier. Puis, tout à coup, accablé de son péché, il s’envole en fumée. Renaissant, il a tout à recommencer, comme si quelque chose lui échappait, comme si une fêlure de son être l’empêchait d’être éternel.
Quand la fierté du phénix se change en orgueil
Le chrétien peut se dire fier d’être chrétien. Le temps doit cesser de son effacement, incognito qui est en train de lui coûter cher. Corneille fait dire à Polyeucte : « Un chrétien ne craint rien, ne dissimule rien : aux yeux de tout le monde, il est toujours chrétien ». Le chrétien attire le regard par la beauté des couleurs qu’il donne à la vie. Il lisse les plumes de la pureté de son cœur, il a la fierté de celui qui est sauvé sans mérite mais qui se sait aimé. Si le Christ est l’unique sauveur des hommes, on ne voit pas pourquoi il faudrait s’empêcher d’en informer les intéressés qui, tous, ont besoin de ce salut et souffrent de ne le savoir pas.
Toutefois, la fierté du phénix peut se changer en orgueil. C’est à ce moment que le bel oiseau disparaît carbonisé. Le chrétien dérape dans l’orgueil, non de se croire trop fier de sa foi, mais quand il réduit la grâce à la nature, l’exigence spirituelle à la défense d’une culture. L’orgueil est la racine du péché, mais il est surtout l’extravagance de se croire chrétien sans miser sur le Christ. La combustion du chrétien est la sécularisation. Le tas de cendres est la funeste issue de son erreur, qui peut cependant se changer en pénitence, surtout en ce Mercredi des cendres.
Le chrétien, un phénix pardonné qui ressuscite avec le Seigneur
Le phénix renaît de son tas de cendres. Comment le pourrait-il par ses seules forces ? Pour naître, il faut être engendré. Nul ne peut se donner la vie à lui-même, il ne peut que la recevoir. Le phénix qui renaît comme si rien ne s’était passé est le chrétien qui doit tout à son Seigneur et qui a été pardonné. La grâce seule donne la vie et le pardon se reçoit. Il est impossible de régler soi-même les conditions de son pardon, prétextant un arrangement négocié avec Dieu.
Le pardon est inconditionnel, mais il s’entend prononcer par la voix humaine du prêtre, comme dans l’Évangile par la voix humaine de Jésus. « Seul Dieu peut pardonner les péchés », objectaient à celui-ci les juifs ; raison de plus pour tout attendre du pardon sacramentel, celui de Dieu.
Thierry-Dominique Humbrecht