Carême 2025
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Faut-il être buandier pour comprendre le cœur de la foi chrétienne, le Mystère pascal ? En tout état de cause, il faut au moins savoir parler de linge lorsque l’on veut, comme évangéliste, parler de la résurrection de Jésus. Ainsi les trois évangiles synoptiques évoquent-ils, pour Matthieu un ange au vêtement "blanc comme neige" (Mt 28,3), pour Marc "un jeune homme vêtu de blanc" (Mc 16,5), pour Luc "deux hommes […] en habit éblouissant" (Lc 24,4). Pourquoi parler de la sorte, sinon pour rappeler l’épisode de la Transfiguration, qui préfigurait la glorification de Jésus dans la mort ? Parce que ce blanc, immaculé, est justement le signe de la vie par-delà les ténèbres de la mort.
Cependant, en matière de linge, Luc ajoute, à la toute fin de son récit : "Alors Pierre se leva et courut au tombeau ; mais en se penchant, il vit les linges, et eux seuls. Il s’en retourna chez lui, tout étonné de ce qui était arrivé." (Lc 24,12) Un verset qui, pour les exégètes, est un résumé du récit du matin de Pâques que l’on trouve chez saint Jean. Le quatrième évangéliste se distingue, effectivement, par une mention bien précise des linges utilisés pour l’ensevelissement des morts dans la tradition juive.
Le corps de Jésus a-t-il été enlevé?
Cette précision sert d’abord lors de la résurrection de Lazare : "[Jésus] cria d’une voix forte : ‘Lazare, viens dehors !’ Et le mort sortit, les pieds et les mains liés par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : ‘Déliez-le, et laissez-le aller.’" (Jn 11,44) Le disciple bien-aimé en reparle pour la mise au tombeau : "Ils prirent donc le corps de Jésus, qu’ils lièrent de linges, en employant les aromates selon la coutume juive d’ensevelir les morts." (Jn 19,40) Et, de manière éminente, pour la Résurrection : Jean, parvenu au sépulcre avant Pierre, "s’aperçoit que les linges sont posés à plat, cependant il n’entre pas" ; puis Pierre "entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place" ; enfin, Jean entre, "lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut." (Jn 20,3-8).
Dans cet évangile, donc, celui lu chaque année le dimanche de Pâques, les linges sont presque au centre. Non pour eux-mêmes, mais pour ce qu’ils disent, bien que les débats philologiques soient nombreux à cause de l’originalité du vocabulaire. Il y a donc d’un côté Lazare, encore lié par des bandelettes et affublé d’un suaire, et, de l’autre, Jésus qui fut lié par des linges et qui a désormais disparu, laissant les linges dans une étonnante disposition. Car, voilà le premier intérêt de les mentionner, si le corps de Jésus avait été enlevé, il l’aurait été avec ses linges.
Dieu a délié l’homme pour toujours
Voilà une leçon sur l’acte de foi. Jean voit et croit. Sur un fondement rationnel (comment expliquer cette disposition des linges ?), Jean choisit de faire confiance à Dieu et aux annonces du Christ, de faire appel à sa liberté. Mais ce qu’il voit n’est pas contraignant. D’ailleurs, Pierre voit la même chose et ne croit pas, pas encore. L’autre enseignement vient de la comparaison entre Lazare et Jésus. Quelle différence y a-t-il entre la vie, à laquelle est rendu l’ami du Christ et la vie éternelle à laquelle appartient dorénavant Jésus ? Dans la première, l’homme est encore lié par l’esclavage du péché et de la mort. Dans la seconde, Dieu a libéré son peuple. Il l’a littéralement absout, délié. Pour toujours. Par amour. Magnifique mais immense mystère de la Résurrection.
