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Ce chemin de croix où figurent de Gaulle, Brel et Soljenitsyne

Comparution chez Hérode. On reconnaît dans les spectateurs De Gaulle (le plus grand), Mitterrand, George Marchais et Soljenitsyne (à genoux).

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Raphaëlle Coquebert - publié le 17/04/25
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Le chemin de croix a ses figures mythiques : Simon de Cyrène, sainte Véronique, les filles de Jérusalem, le bon Larron… Mais il arrive que s’y glissent d’éminents personnages de notre temps. Ainsi à la cathédrale Notre-Dame-de-l'Assomption de Clermont-Ferrand.

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Tout amateur de cathédrale sait que celle de Clermont-Ferrand se distingue par le noir charbonneux de ses pierres, issues des roches volcaniques de Volvic, dans cette majestueuse chaîne des Puys qui enchante le regard. Mais il est une autre originalité qui échappe à l’œil distrait des paroissiens ou touristes ne prenant pas le temps de détailler chaque scène : son chemin de croix.

À première vue, cette œuvre sculptée en terre cuite dont seules douze stations sur les quatorze initiales sont visibles dans les bas-côtés, ne semble pas différer d’autres récits de la Passion de facture moderne, sinon peut-être par l’absence de fond, les personnages semblant épouser les contours des antiques murs de l’édifice. En somme, ce sont des hauts-reliefs (reliefs saillants qui ne se détachent pas de leur support, contrairement aux rondes-bosses, sculptures dont on peut faire le tour), moins fréquents que les bas-reliefs.

Un parti-pris de modernité 

Mais si l’on s’attarde sur les différentes stations, on est surpris d’y distinguer des visages familiers : de Gaulle ou le chanteur Jacques Brel sont ainsi parfaitement reconnaissables. Incongruité ? Ne serait-ce pas plutôt une façon de montrer que par le don de son sang, le Christ a certes racheté ses contemporains, mais aussi toute l’humanité par-delà les frontières et les époques ? Hélas, déplore Évelyne, présidente des Amis de la cathédrale Notre-Dame de Clermont et de l’Art sacré, aucun document écrit ne nous est parvenu sur ce chemin de croix. On sait simplement qu’il fut réalisé au début des années 1970 à l’initiative du chanoine Clément, archiprêtre de la Cathédrale : "Antoine Clément, détaille la guide, semble avoir été un clerc de sensibilité moderniste, très versé dans l’Action catholique. Après le concile Vatican II, il a voulu adapter la cathédrale aux nouveaux usages, la « dépoussiérer » si l’on peut dire. L’ancien chemin de croix, en plâtre, n’avait guère d’intérêt. Il en a commandé un nouveau, où il a tenu à faire figurer quelques-uns de ses illustres contemporains, dont lui-même ! C’est vers Noëlle Fabri-Conti qu’il s’est tourné."

Dans les spectateurs de la Résurrection, Mitterrand est tout à droite, Soljenitsyne porte une calotte bordeaux.

Cette sculptrice et musicienne (1916-2007), moins célèbre que son époux l’artiste José Fabri-Conti (1916-1994) s’est surtout adonnée, semble-t-il, à la sculpture religieuse. Hormis le monument aux morts de Louveciennes (1947), on lui doit essentiellement des crèches (La Madeleine et Saint-Albert le Grand à Paris ; la cathédrale Notre-Dame, Saint-Pierre-des-Minimes et la grande chapelle de l’école Massillon à Clermont-Ferrand…) Son chemin de croix s’écarte de la tradition par la liberté prise dans les stations représentées : la Cène, Gethsémani, l’arrestation - avec le baiser de Judas -, le reniement de Pierre, la comparution devant Hérode, la Flagellation et les outrages, l’intervention de Simon de Cyrène, la rencontre des femmes de Jérusalem, la Crucifixion - avec le partage du manteau du Christ -, la remise de Marie à saint Jean et le percement du flanc, la Déposition, l’embaumement par les saintes femmes, deux scènes ayant trait à la Résurrection.

Politiques, stars, quidams… Tous rachetés ! 

Noëlle Fabri-Conti a-t-elle choisi elle-même les célébrités représentées ou le choix a-t-il été imposé par le chanoine Clément ? Toujours est-il que l’on trouve à côté d’éminents contemporains tels que le grand résistant au totalitarisme Soljenitsyne, De Gaulle et Mitterrand, le grand ponte du communisme George Marchais et quelques people : Jacques Brel et Jackie Kennedy. D’autres personnages restent à identifier. Hélas, le chemin de Croix n’est plus exposé aujourd’hui dans son intégralité : les deux dernières stations ont été retirées des murs de la cathédrale et mises en dépôt dans la tour Sud, en 2013, pour dégager une magnifique baie grillagée découverte fortuitement sur un des murs du transept Nord.

Le reniement de Pierre. Debout, Jacques Brel. Jackie Kennedy est la servante qui pointe l’apôtre du doigt.

"À l’époque, relate Évelyne, le chemin de croix a fait jaser. On sait qu’il n’a pas été béni par l’évêque de Clermont, Mgr de la Chanonie (1898-1990). L’a-t-il jugé déplacé ? On n’en sait malheureusement rien." Au-delà de la polémique, retenons la louable intention du chanoine : rappeler que les vingt siècles qui nous séparent des événements de Jérusalem ne les rendent pas moins actuels. Juifs et Romains de Terre sainte, multitude des siècles, hommes du temps présent : nous sommes tous concernés par le Sacrifice rédempteur d’un Dieu qui a donné sa vie pour le salut du monde.

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