Carême 2025
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À la fin du carême, la liturgie se fait plus dramatique pour les deux dernières semaines, temps de la Passion. Temps de méditation : Dieu, tout-puissant, qui s’est fait homme, accepte de souffrir en Jésus pour sauver l’humanité du péché et de la mort. Le Christ règne en donnant sa vie, leçon pour tous ceux qui veulent aimer. La musique ne peut-elle pas aider à cette contemplation ? Pour entrer dans ce mystère de la Passion du Seigneur, voici justement une sélection subjective (et chronologique) de chants des plus grands compositeurs ou d’autres moins connus. Qui n’a rien d’exhaustive, étant donné le nombre des morceaux composés pour ces jours saints, des Passions de Jean-Sébastien Bach aux multiples Stabat Mater et autres pièces grégoriennes magnifiques. "Chanter, c’est prier deux fois" disait saint Augustin… et écouter ?
Le Crux fidelis grégorien
Hymne en l’honneur de la Sainte-Croix écrite pour le Vendredi saint, le Crux fidelis ("Ô Croix fidèle") est une longue méditation sur ce bois salvateur : "Le créateur, attristé de l’égarement du premier père, précipité dans la mort en mordant le fruit néfaste, choisit lui-même un arbre pour réparer l’arbre mort" dit une strophe de ce texte écrit par le poète et évêque Venance Fortunat (530-609).
Le Sederunt principes de Pérotin
Peu connu, Pérotin (vers 1160-vers 1230) est l’un des maîtres de l’École de Notre-Dame. Alors que le chant grégorien est la norme, cette école musicale parisienne est à l’origine des premières polyphonies occidentales, dès la fin du XIIe siècle. Il écrit ici une partition sur deux versets du psaume 118, utilisés pour les martyrs : "Lorsque des grands accusent ton serviteur, je médite sur tes ordres. Tous tes ordres ne sont que fidélité ; mensonge, mes poursuivants : aide-moi !" (Ps 118, vv. 23.86) Le morceau a été mis à l’honneur par Umberto Eco dans Le Nom de la rose.
L’Adoramus te de Giovanni Pierluigi da Palestrina
Comme d’autres musiciens, Giovanni Pierluigi dit Palestrina (1525-1594), grand compositeur de la Renaissance italienne, est l’auteur d’une partition de l’Adoramus te, chant de vénération de la Sainte-Croix : "Nous t’adorons, ô Christ, et nous te bénissons, car tu as racheté le monde par le bois de la Croix." Une version sûrement chantée à Saint-Pierre de Rome en son temps puisqu’il en fut le maître de chapelle.
L’Adoramus te de Roland de Lassus
Wallon, chantre réputé, au service du Grand-Duc de Toscane puis maître de chapelle de la basilique Saint-Jean du Latran où Palestrina lui succède, Roland de Lassus (1532-1594) a lui aussi composé un motet avec les paroles de l’Adoramus te. Il est une figure, en musique sacrée, de la Renaissance franco-flamande.
Le Vere languores de Tomas Luis de Victoria
"En fait, c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous pensions qu’il était frappé, meurtri par Dieu, humilié." (Is 53,4). Reprenant les paroles du prophète, Victoria (~1548-1611) écrit ce superbe motet. Prêtre de l’Oratoire et disciple, à Rome, de Philippe Néri, Tomas Luis de Victoria est un représentant de la Renaissance espagnole. Il succède à Palestrina comme maître de chapelle avant de retourner à Madrid.
L’Adoramus te de Claudio Monteverdi
Encore une magnifique partition sur l’Adoramus te. La plus belle, selon l’auteur de ces lignes. On la doit à un compositeur italien qui participe à l’émergence du baroque. Claudio Monteverdi (1567-1643), d’abord actif à Mantoue, devient plus tard maître de chapelle de la basilique Saint-Marc de Venise et même prêtre, à 55 ans.
Les Leçons de ténèbres de Michel-Richard Delalande
Morceau musical prisé durant la période baroque, les Leçons de ténèbres sont écrites pour accompagner les offices des ténèbres, c’est-à-dire les matines du Jeudi, du Vendredi et du Samedi saint. Celles-ci sont composées par Michel-Richard de Lalande (1657-1726), passé d’enfant de chœur de la paroisse royale de Saint-Germain-L’Auxerrois, à Paris, au service de Louis XIV à la chapelle de Versailles.
Le Crucifixus à huit voix d’Antonio Lotti
Comme Monteverdi, Antonio Lotti (1667-1740) fut maître de chapelle de la Marciana, la chorale liturgique de la basilique Saint-Marc, à Venise. Il est réputé pour ses œuvres polyphoniques baroques, notamment ce Crucifixus, ici dans sa version octophonique, qui reprend la phrase du Credo : "Crucifié pour nous sous Ponce Pilate, il souffrit sa passion et fut mis au tombeau."
Le choral final de la Passion selon saint Jean de Jean-Sébastien Bach (BWV 245)
On ne présente plus Jean-Sébastien Bach (1685-1750), compositeur germain et baroque prolifique. Parmi ses chefs-d’œuvre, deux Passions. Voici le choral final de celle selon saint Jean : "Ah, Seigneur, laisse tes chers angelots, à la dernière extrémité, mon âme porter (par eux) dans le sein d'Abraham ; mon corps, dans sa petite chambre de repos, bien doucement, sans aucun tourment ni peine, reposer jusqu'au dernier jour ! Alors, de la mort éveille-moi, que mes yeux te voient en toute joie, ô fils de Dieu, mon Sauveur et Trône de grâce ! Seigneur Jésus Christ, exauce-moi, je veux te louer éternellement !"
Le Christus factus est d’Anton Bruckner
Pièce grégorienne du Triduum pascal, le Christus factus est a notamment été réécrit par Anton Bruckner (1824-1896), compositeur austro-hongrois devenu organiste paroissial en remplacement de son père à dix ans. "Le Christ s’est fait pour nous obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom" proclame le motet en reprenant les paroles de saint Paul (Ph 2, 8).
Le Stabat Mater de Antonín Dvořák
La prière du Stabat Mater est à l’origine la séquence, désormais facultative, de la fête de Notre-Dame-des-Douleurs, le 15 septembre. Antonín Dvořák (1841-1904), compositeur tchèque connu pour sa Symphonie du Nouveau monde est de ceux qui en a écrit un, avec sa pâte romantique.
Le Vexilla regis de Giacomo Puccini
Autre hymne composée par Venance Fortunat, ce texte utilisé pour les vêpres du temps de la Passion : "L’étendard du roi s’avance", celui de la croix, qui est aussi celui de la résurrection. D’une famille de grands musiciens italiens, Giacomo Puccini (1858-1924) est surtout l’auteur de grands opéras.
Le Deus passus de Wolfgang Rihm
Sorte de "Passion selon saint Luc" contemporaine, ce Deus passus ("Dieu souffre") est de l’Allemand Wolfgang Rihm (né en 1952), qui s’est aussi inspiré de textes d’Isaïe, de la liturgie de la Semaine sainte et du texte du Stabat mater pour méditer sur le cœur de la vie chrétienne : Dieu, qui est amour, est venu partager la souffrance des hommes.
A la hora Nona de Luis Alberto Campos
La mort de Jésus, d’après les évangélistes, eut lieu à la neuvième heure, titre choisi par l’auteur contemporain Luis Alberto Campos. Né en 1964 en Espagne, d’abord chanteur dans la chorale de l’université de Grenade, premier prix de composition, il est désormais professeur à Malaga où il a fondé la chorale Corpus Christi pour laquelle il compose des pièces liturgiques.


