Attention, l’abus d’écran est dangereux pour la sainteté !

"Si ton [smartphone] est pour toi une occasion de chute, jette-le loin de toi", affirme, empruntant et réactualisant l’image de saint Matthieu (cf. Mt 5,29), le père Tanguy Marie Pouliquen dans son dernier livre Libéré, délivré… de mon smartphone (Éditions Première partie). Prêtre de la Communauté des Béatitudes et professeur d’éthique, il exhorte à reprendre le contrôle de son téléphone pour recouvrer sa liberté d’enfant de Dieu. "L’abus des écrans, parce que vécu sans Dieu, fait écran à la sainteté", alerte-t-il. Une invitation à demeurer hypervigilant, dans une société ultra-connectée, à son rapport à son téléphone, et à décider librement de sa vie. Il livre à Aleteia une analyse percutante de l’usage du téléphone aujourd’hui et prodigue quelques conseils pour s’en détacher. Un détachement recommandé par le pape François lui-même dans son intention de prière du mois d'avril : "Combien j’aimerais que nous regardions moins les écrans et que nous nous regardions davantage dans les yeux !".

Le Pape ne fustige pas la technologie en elle-même, au contraire, pour lui, "la technologie est le fruit de l’intelligence que Dieu nous a donnée", mais il invite à en faire bon usage. Le smartphone, l’outil en lui-même, est remarquable, souligne en ce sens le père Tanguy Marie Pouliquen. "Il peut y avoir une utilisation intelligente du smartphone, il n’y a pas d’obscurantisme technologique de ma part mais un appel à une vigilance maximale dans son utilisation". Car dans la pratique, le smartphone semble effectivement prendre le dessus. Un Français passe tous les jours 3 heures et demie sur son smartphone, le consulte plus de 200 fois par jour, utilise quotidiennement neuf applications, dort avec lui dans la chambre neuf fois sur dix et quatre fois sur dix dans le lit ! "Le téléphone par nature n’empêche pas d’être saint, il peut y avoir un bon positionnement par rapport au numérique mais dans les faits, les gens se fragmentent, se dispersent, perdent leur temps, n’agissent pas toujours les uns pour les autres… Or la sainteté, elle, oblige à être en relation réelle", fait remarquer le prêtre.

Les écrans, sur le plan psychologique, agitent l’esprit. Or "un esprit agité entraîne une baisse de la concentration, donc nous sommes moins présents, une baisse de l’attention, nous analysons moins en profondeur, et une baisse de l’intention, nous sommes moins engagés dans ce que nous faisons", constate le père Tanguy Marie Pouliquen. L’influence de l’écran éparpille la personne, l’écran divertit, au sens pascalien du terme, il fait se disperser pour ne pas regarder le réel, la vie véritable. "Le réel, c’est pourtant ce qui existe, c’est moi, ce sont nous, ce sont les autres, c’est l’univers, c’est Dieu !", souligne le prêtre. L’écran fait écran à la vraie vie, à ce qui nous relie au réel, au relationnel, or c’est là que se joue la sainteté, dans notre rapport à l’autre, et à Dieu, fondement du réel. "Seul le réel réalise, unifie la personne, l’empêche de se fragmenter en petits morceaux."

L’écran engendre des relations superficielles, "à basse fidélité" selon les mots du prêtre. Il crée de l’isolement. Depuis l’avènement du smartphone, le sentiment de solitude grandit, et ce n’est pas qu’une impression : la génération Z vit 30 % d’interactions sociales "face à face" en moins que la génération précédente. Les jeunes voient deux fois moins leurs amis en dehors de l’école que leurs aînés. "Les gens s’isolent, et renforcent le sentiment de vie par un plein d’écrans au lieu que ce soit un plein de belles relations de proximité, de prière, de grâce, d’étude, de lecture…", regrette le prêtre.

Sur le plan spirituel, l’écran empêche l’intériorité. Or la vie intérieure est un élément fondamental pour construire une vie profonde et chrétienne. "La construction de la personne se construit à trois niveaux, précise le prêtre, la vie intérieure, la vie spirituelle et la vie mystique, c’est-à-dire la vie en présence de la grâce." Les écrans ne favorisent pas la vie intérieure, au contraire, "ils nous emmènent à l’extérieur, ils stimulent nos sens extérieurs", selon Tanguy Marie Pouliquen. "Et la grâce, ce n’est pas le smartphone qui va la donner, c’est la présence de soi-même à l’esprit, l’esprit habité par l’Esprit saint, pas besoin du smartphone pour ça !" C'est pourquoi le prêtre préconise de ne pas faire entrer le téléphone dans la chambre, lieu de l'intimité, avec son époux mais aussi avec Dieu.

L’enjeu réside dans un humanisme intégral, qui "se construit vraiment que si on avance avec honnêteté, intégrité, que si on recherche le vrai bien". Or ce vrai bien, on ne le distingue que par intériorisation. D’où la nécessité d’une vie spirituelle, afin de décider librement sa vie en vue du plus grand bien discerné en conscience devant Dieu. "Alors on avance intégralement, et c’est le plus grand des bonheurs !", s’exclame le père Tanguy Marie Pouliquen. "Avancer en présence de Dieu, dans la vérité, et le don de soi."

Avancer en présence de Dieu, cela signifie parler avec lui, faire l’expérience de sa présence, établir une vraie relation avec lui, écouter sa Parole en lisant la Bible... "Là, il donne sa lumière, silencieusement, sans le bruit des images ou des sons de mon smartphone", détaille le prêtre.

À ceux qui veulent reprendre le contrôle sur leur smartphone et par là même sur leur vie spirituelle, le prêtre donne ce conseil qui aurait un effet radical : choisir la couleur grise pour l’écran de son smartphone. Il suffit pour cela d’aller dans les paramètres, de choisir "Correction des couleurs" et tout devient gris. "La dépendance passe par la couleur, c’est l’esthétisme qui fixe notre attachement, explique le prêtre, passez quelques jours en gris, et vous verrez ! Votre téléphone ne va pas vous attirer plus que ça !" Mettre en gris son téléphone, une bonne manière de redonner des couleurs à sa vie spirituelle !