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Un rapport alarmant sur la protection de l’enfance préconise de faciliter l’adoption

Des enfants jouent dans leur chambre du foyer d'accueil La Maison, à Charbonnieres-les-Bains, dans le sud-est de la France, le 25 mai 2022. .

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Mathilde de Robien - publié le 08/04/25
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Des mesures de protection en forte hausse, et des professionnels sur le terrain en baisse. Face à la faillite du système et aux manquements des politiques publiques de protection de l’enfance, un rapport parlementaire préconise de faciliter l’adoption simple.

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En France, près de 400.000 jeunes sont suivis par la protection de l’enfance, compétence des départements depuis les années 1980. Un chiffre qui a explosé en 20 ans. Depuis 1998, le nombre des mesures d’aide sociale à l’enfance a augmenté de 44%, pour atteindre 396.900 mesures au 31 décembre 2023, alors que dans le même temps la population des moins de 21 ans n’augmentait que de 1,6%. Au regard de la fragilité du système, une commission d'enquête de l'Assemblée nationale a été lancée au printemps 2024. Dans son rapport final publié ce mardi 8 avril, elle exhorte à "agir vite" pour refonder l'aide sociale à l'enfance.

La protection de l'enfance "qui hier était à bout de souffle" est "aujourd'hui dans le gouffre", alerte-t-elle. Les mesures de protection sont en hausse, tandis que le nombre de professionnels sur le terrain est en baisse constante depuis 10 ans. Les enfants sont donc accueillis en "sureffectif", et certaines mesures de placement ne sont pas exécutées faute de place. Après un an de travaux, la commission a effectué pas moins de 92 recommandations, rapportées par Isabelle Santiago, députée socialiste du Val-de-Marne. Elle préconise notamment d' "adopter une loi de programmation", de mettre en place un "nouveau fonds de financement" de la protection de l'enfance et d’ "envisager des critères dérogatoires au régime d’adoption" pour les enfants de zéro à cinq ans afin de faciliter celle-ci.

Des recours fréquents à des placements en établissements

Le modèle français se caractérise par une forte judiciarisation des mesures ainsi qu’un recours fréquent au placement : les mesures de nature judiciaire représentent 70% des mesures éducatives et 78% des mesures d’accueil. Depuis 2022, l’accueil en établissement est la modalité d’accueil la plus fréquente (41% des enfants accueillis), devant l’accueil familial (36% fin 2023 contre 50% en 2015).

La part de l’accueil familial diminue depuis 14 ans. Une tendance qui est en contradiction avec les lignes directrices de l’ONU, selon lesquelles l’accueil familial constitue la forme de placement la plus protectrice des droits et des besoins fondamentaux des enfants. Cette tendance est d’autant plus préoccupante qu’elle risque de s’accélérer, dans un contexte où la moitié des assistants familiaux a atteint ou dépassé l’âge de 55 ans.

Des placements pas toujours réexaminés

Le rapport propose une réflexion sur l’évolution du statut de l’adoption des enfants placés, en vue de leur offrir un environnement familial stable. La loi du 14 mars 2016 a déjà prévu des mesures mais selon le rapport, les effets sont restés limités. Le législateur a notamment prévu des commissions d’examen de la situation et du statut des enfants confiés (CESSEC), chargées d’examiner la situation des enfants confiés à l’ASE. La commission est censée examiner tous les six mois la situation des enfants de moins de trois ans (article L. 223-1 du code de l’action sociale et des familles).

Dans les faits, la mise en place des commissions d’examen de la situation et du statut des enfants confiés (CESSEC) est très disparate selon les départements. Par exemple, dans la Loire, la commission d’examen de la situation et du statut des enfants confiés (CESSEC) va seulement commencer ses travaux, huit ans après la création du dispositif, rapporte Alice Grunenwald, présidente de l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF). "Il n’est plus envisageable qu’un enfant puisse grandir en foyer, de la pouponnière à l’âge adulte, sans que son statut soit revu dans les premières années de sa vie pour qu’il puisse bénéficier d’un projet de vie stable et sécurisé", dénonce la rapporteure.

Repenser l’adoption ?

Selon elle, les modalités d’adoption doivent être révisées, afin de faciliter l’accueil des enfants en bas âge au sein d’une famille. À l’instar du modèle québécois, la rapporteure souhaite que le placement en accueil collectif des enfants de zéro à trois ans soit exceptionnel, et que lui soient substitués des accueils de type familial. Au Québec, aucun enfant de moins de 3 ans n’est placé dans un contexte institutionnel de groupe, il est d’abord fait appel au milieu communautaire et familial de l’enfant. S’il doit être placé, en particulier lorsque le retour en famille biologique est peu probable, il est alors fait appel à des familles qui souhaitent adopter. Cela permet par la suite de prononcer l’adoption de l’enfant dans les meilleures conditions, lorsque celle-ci est rendue possible. Le rapport préconise, à l’horizon 2030, de généraliser les accueils de type familial pour les enfants de zéro à trois ans et n’autoriser leur placement en accueil collectif qu’à titre exceptionnel. Plus généralement, pour les enfants de zéro à cinq ans, il recommande d’envisager des critères dérogatoires au régime d’adoption afin de faciliter celle-ci, notamment en permettant aux personnes souhaitant adopter d’accueillir un très jeune enfant en mesure de placement. (Recommandation n° 37)

Une préconisation qui soulève la question du lien avec la famille biologique. Si le rapport souligne l’importance de préserver le lien avec la famille biologique, et le définit comme un "impératif", il engage aussi à "rechercher des solutions durables pour l’enfant" "lorsque ce travail [avec la famille biologique] n’est pas fructueux". La recherche de solutions durables peut impliquer des solutions d’adoption. Lors de son audition, l’ancienne ministre Laurence Rossignol a ainsi appelé à "repenser l’adoption et surtout la parentalité de manière à ce que tout le monde ait une place". Elle propose de donner aux parents adoptifs des droits supérieurs à ceux de l’adoption simple, sans pour autant effacer la mère biologique. Une idée qui avait à l’époque soulevé des réticences de la part du ministère de la Justice. Dans cette lignée, le récent rapport incite à faciliter l’adoption simple, qui permet le maintien du lien de filiation biologique (contrairement à l’adoption plénière), et à instaurer une durée maximale des placements en fonction de l’âge de l’enfant, au-delà de laquelle une solution durable devra obligatoirement être trouvée. (Recommandation n° 69)

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