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Tout le monde connaît, au moins de nom, les grandes personnalités masculines qui, au Moyen Âge, ont marqué leur temps, et parfois jusqu’au nôtre, de leur empreinte spirituelle : Bernard de Clairvaux, François d’Assise, Thomas d’Aquin, Maître Eckhart et bien d’autres encore. On sait moins en revanche qu’à la même époque, de nombreuses femmes ont également joué un rôle éminent dans ce domaine. Depuis un demi-siècle, les historiens se sont efforcés de sortir de l’ombre certaines d’entre elles, qui ont ouvert à l’époque des voies nouvelles dans le domaine religieux, d’Hildegarde de Bingen à Claire d’Assise, d’Angèle de Foligno à Catherine de Sienne et Colette de Corbie. À côté de ces figures de proue, un nombre important de laïques, moins célèbres mais tout aussi représentatives, ont attiré l’attention de leurs contemporains et ont bénéficié d’une réputation de sainteté et d’un culte qui se sont parfois maintenus jusqu’à nos jours.
Un rôle pionnier
À travers diverses figures féminines ayant vécu entre le XIIe et le XVe siècle, se sont mis en place des modèles de perfection qui ont permis à certaines d’entre elles de bénéficier d’une réputation de sainteté. Une importante production hagiographique fut alors consacrée à ces "saintes femmes" et à leurs miracles. Nous disposons aussi des actes des procès de canonisation dont certaines d’entre elles firent alors l’objet. Ces documents ont été longtemps négligés parce que la plupart étaient inédits et qu’il fallait être de toute façon un bon latiniste pour pouvoir y accéder. Aujourd’hui, beaucoup d’entre eux ont été publiés et même parfois traduits, ce qui a permis de mettre en évidence l’importance de la sainteté féminine à cette époque, ainsi que le rôle de premier plan qu’ont alors joué certaines "femmes religieuses", tant dans leur village ou leur cité qu’au niveau de l’Église universelle. L’autre source essentielle dans ce domaine, est constituée par les images et des représentations figurées. Il existe, en particulier en Italie, toute une iconographie relative à ces femmes, dont les historiens et les historiens de l’art se sont désintéressés jusqu’à une époque récente.
À partir du XIVe siècle, on dispose également, dans certains cas, d’œuvres dictées ou, plus rarement, écrites de leur propre main par des femmes : Claire d’Assise, dont on a conservé quelques lettres, est la première à avoir rédigé elle-même la règle de son ordre, approuvée par la papauté à la veille de sa mort, en 1253 ; Marguerite Porète († 1311), dont le Miroir des simples âmes, brûlé avec son autrice à Paris en 1311, nous est cependant parvenu dans sa version originelle ; Angèle de Foligno († 1309) avec son extraordinaire Mémorial, et surtout Brigitte de Suède († 1373), autrice de huit livres de Révélations, et Catherine de Sienne dont on a conservé environ 380 lettres, ainsi qu’un important traité spirituel en langue vulgaire intitulé le Dialogue. À travers ces écrits et ceux dont elles furent alors l’objet, le rôle pionnier de ces femmes apparaît avec une évidence accrue, en même temps que la diversité – croissante au fil des siècles – de leurs formes de vie. C’est de cette évolution que j’ai essayé de rendre compte en présentant leurs expériences religieuses selon un plan thématique et en faisant précéder ces études monographiques par des introductions, qui devraient permettre de mieux en saisir l’ambition et la portée.
Des réformatrices
En dehors d’Hildegarde de Bingen, de Claire d’Assise et de Colette de Corbie, on trouve des femmes laïques, célibataires ou mariées, ayant vécu dans le monde et en ayant connu les joies, les peines et les limites. Cela ne signifie pas pour autant que ces dernières aient rejeté l’idéal monastique ou la forme de vie ascétique : certaines d’entre elles ont même été à l’origine d’ordres religieux, comme Brigitte de Suède, fondatrice de celui du Saint-Sauveur vers 1370, ou ont contribué à les réformer, comme Catherine de Sienne († 1380) pour les dominicains et Colette de Corbie († 1447) pour les clarisses. On constatera que, de façon générale, les "saintes femmes" de cette époque, loin de contester ou de mettre en cause les institutions religieuses existantes, les ont invitées à jouer pleinement leur rôle en se montrant fidèles à leurs textes fondateurs, tout en accueillant le changement quand il devenait nécessaire.
La grande absente des Passionnées de Dieu, est la Vierge Marie. Cela pourra sembler d’autant plus surprenant que les derniers siècles du Moyen Âge ont été marqués par une dévotion croissante à la Mère de Dieu, tant dans les ordres religieux que chez les fidèles, comme en témoigne la multiplication des sanctuaires de pèlerinage qui lui furent alors dédiés dans toute la chrétienté. Mais, dans ce domaine, il faut établir une distinction entre dévotion et recherche d’exemplarité. Tout le monde, à l’époque, recourait à Marie en tant qu’auxiliatrice dans les difficultés de la vie et la plupart des cathédrales lui étaient consacrées. Les moines cisterciens, depuis saint Bernard, la vénéraient même en tant que co-rédemptrice de l’humanité avec son Fils et la priaient pour qu’elle les aide à vivre dans la chasteté. Mais Marie n’a jamais constitué un modèle pour les femmes au Moyen Âge, dans la mesure où elles ne pouvaient pas être à la fois vierges et mères… En revanche, nombre d’entre elles furent fascinées par l’exemple de Marie-Madeleine, qui avait mérité par son amour du Christ d’obtenir le pardon de ses péchés et s’était fait l’apôtre de sa résurrection auprès de ses disciples, ainsi que par celui de sa sœur Marthe, qui avait accueilli Jésus dans sa maison et avait été auprès de lui une hôtesse empressée.
Pratique :