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Peut-être le pèlerin qui découvre la basilique Saint-Pierre, à Rome, sera-t-il étonné, la première fois, de passer, en traversant le narthex, entre deux statues équestres. Toutes impériales. Au sud, Charlemagne, sacré dans cette même basilique le jour de Noël 800. Au nord, Constantin, majestueusement pensé par Le Bernin, celui de la Chaire, du baldaquin et de la colonnade. Alors que l’on représente souvent l’apôtre Paul tombant de son cheval en rencontrant le Christ sur le chemin de Damas, pour manifester qu’il "tombe" de son orgueil, voilà que deux orgueilleux hommes de pouvoir sont proposés au regard des fidèles au seuil de l’église bâtie sur la tombe du pécheur de Galilée que fut Saint-Pierre.
Chose spirituellement curieuse, mais historiquement légitime. Constantin, en effet, est passé dans l’hagiographie comme celui qui a compris que la paix civile ne s’obtient qu’en respectant les commandements de Dieu. Eusèbe de Césarée, évêque de cour et chroniqueur, qui a écrit un De Vita Constantini, le compare même à Moïse. Celui qui, dans le Deutéronome, proclame de la part de Dieu : "Maintenant, Israël, écoute les décrets et les ordonnances que je vous enseigne pour que vous les mettiez en pratique. Ainsi vous vivrez, vous entrerez, pour en prendre possession, dans le pays que vous donne le Seigneur, le Dieu de vos pères"(Dt 4,1).
Une politique religieuse révolutionnaire
Si une telle vision est possible, c’est parce que la politique religieuse de ce soldat né vers 272 fut une véritable révolution. En 303 et 304, pas ses édits, Dioclétien fait vivre aux chrétiens l’une des pires périodes de persécutions. Seulement dix ans plus tard, en 313, son successeur au prix de guerres et de manigances rend possible dans tout l’Empire romain la pratique du culte aux sectateurs du Christ.
L’homme a vécu une véritable conversion sur un champ de bataille, dit-on. Alors qu’il veut prendre Rome à son adversaire Maxence, en 312, Constantin a une vision. Celle d’un chrisme, accompagné d’une phrase : "par ce signe, tu vaincras". Aussitôt apposé sur les boucliers de ses troupes, le chrisme donne la victoire. La bataille du Pont-Milvius – lieu de cet affrontement – est depuis un thème récurrent de l’art chrétien. Les chambres de Raphaël, connues surtout pour L’École d’Athènes, comprennent aussi une pièce ornée de fresques représentant la vie de Constantin et, singulièrement, cet épisode déterminant.
Baptisé sur son lit de mort
Pourtant, l’empereur est loin d’être un dévot. Conformément à la pratique de certains à l’époque, il ne sera baptisé que sur son lit de mort, en 337. La conscience tranquille, il s’occupe d’abord de prendre le pouvoir sur tout le pourtour méditerranéen, parvenant à ses fins en 324. Seul au pouvoir, soucieux de l’unité de son Empire, le voilà qui convoque le concile de Nicée, réunion d’évêques qui affirme la divinité du Fils contre les théories d’Arius qui divisent les chrétiens et créent des remous.
L’homme politique a-t-il des idées théologiques ? Assurément pas, puisqu’il réhabilitera même l’hérésiarque et que l’on ne sait s’il est mort dans la foi de Nicée. Dont il avait pourtant promulgué les canons, devenus par là même lois impériales. Si le concile est "sous le contrôle et l’autorité" de Constantin, qui est en résidence à proximité et l’introduit, les discussions théologiques ne le passionnent que pour ce qu’elles permettent d’apporter la paix civile. Et parce que la convocation de tous les évêques de l’oikoumène (toute la terre habitée) lui renvoie l’image de sa puissance. Cela n’empêche pas qu’il fut idéalisé. Nouveau Moïse, Grand-Prêtre, apôtre de l’Église. Car Dieu permet que les hommes, aussi médiocres ou calculateurs fussent-ils, participent à son œuvre de Salut.