"On nous cache tout, on nous dit rien / On nous informe vraiment sur rien." On pourrait croire le refrain de Jacques Dutronc désormais périmé, tant les informations nous submergent. Que les canaux qu’elles empruntent soient officiels ou parallèles, que l’événement soit anecdotique ou planétaire, nul n’est censé ignorer ce qui a lieu au Burkina Faso comme dans la boucherie du coin, au cap Horn comme dans la salle des fêtes municipales. Les mythes de la transparence et de la proximité par la communication inviteraient plutôt à inverser les paroles de la chanson : "On nous dit tout, on nous cache rien. On ne nous épargne vraiment rien."
L’obsession de tout dire
L’Éducation nationale, qui s’aligne de plus en plus sur les lubies et les lobbies des maîtres de la communication, se fait forte, à son tour, d’informer sans cesse les parents de ce qui a lieu dans les murs des maternelles, des collèges et des lycées. Par la grâce de l’ENT (Environnement Numérique de Travail), élèves, professeurs et parents sont appelés à ne jamais débrancher : modifications de l’emploi du temps, absences d’un professeur, sortie au théâtre, intervention d’Amnesty International, menu spécial pour la galette laïque des rois démocrates, tout est transmis dans un flot continu à rendre jaloux BFM TV. En quelques clics, tout parent peut savoir si son enfant fera du handball ou du badminton au second trimestre et si le cours de maths du 12 du mois sera reporté au 14.
Les bulletins scolaires témoignent de cette surenchère d’informations, lorsqu’ils détaillent longuement les sujets abordés et les nouvelles "compétences" que l’élève est supposé avoir acquises. Ainsi de cette appréciation d’arts plastiques en collège, indiquant que le cours portait sur "l’expérience sensible de l’espace de l’œuvre : les rapports entre l’espace perçu, ressenti et l’espace représenté ou construit ; l’espace et le temps comme matériaux de l’œuvre, la mobilisation des sens ; le point de vue de l’auteur et du spectateur dans ses relations à l’espace, au temps de l’œu" (sic, la case étant visiblement trop petite pour une information exhaustive). Sujets passionnants, par ailleurs, mais dont l’énumération révèle une évidente obsession de tout dire.
Un droit de nuire sans entrave
C’est pourquoi, indépendamment même de la mise en pratique sur le terrain des programmes d’EVARS (Éducation à la vie affective et sexuelle) récemment publiés, le refus d’informer les familles des sujets abordés et des dates des séances ne peut que cacher de lourdes arrière-pensées. Il sonne comme un aveu de ce qui, longtemps, était resté tacite : la volonté de l’école de se débarrasser de ces gêneurs qu’on appelle les parents des enfants mineurs, son rêve de se transformer, quand bon lui semble, en pouvoir occulte. Occulte ? Vraiment ? N’est-ce pas propos "complotistes" (ce mot magique qui permet de discréditer aussi bien la légitime curiosité que le délire paranoïaque) ? Le dictionnaire donne pourtant du mot occulte cette définition simple : "qui est fait dans le secret". Or, ce n’est rien d’autre qu’un droit au secret qu’a cautionné le Conseil supérieur de l’éducation, en supprimant l’information préalable des parents sur les contenus et les dates d’intervention.
Quand on mesure les progrès faits par ailleurs dans la prise de conscience de tout ce qui peut relever d’un viol émotionnel, par des discours et des images inadaptés, on ne peut que dénoncer ce qui a toutes les allures d’un droit de nuire sans entraves. A-t-on oublié que le Conseil d’État lui-même condamna, en 2013, l’Éducation nationale de Luc Chatel puis de Vincent Peillon, parce qu’elle conseillait aux élèves la Ligne Azur, site de prétendue lutte contre l’homophobie qui ne jugeait pas nécessaire de condamner la pédophilie quand elle en parlait ?
Les obligations des parents
Que ce droit à ne pas informer soit indéfendable, on le perçoit plus encore, quand on se souvient de ce que les lois de la République exigent des parents lors du mariage civil. Deux articles, pour rappel :
"Article 213 : Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l’éducation des enfants et préparent leur avenir.
Article 371-1 : L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant. Elle appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne."
On voit mal comment des parents pourraient "protéger l’enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité", sans être informés de ce dont viennent parler des intervenants extérieurs, parfois bien formés et délicats, parfois uniquement là pour refiler leur came militante et peu soucieux du "respect dû" aux personnes. Si l’Éducation nationale espère réduire ce qu’elle appelle le séparatisme, elle gagnera sûrement à informer les parents de ce qui relève de leurs obligations républicaines. Si cela l’amène à les informer un peu moins de ce dont ils n’ont rien à faire, nous voulons bien ne plus l’accuser de se rêver en pouvoir occulte.
![Parents non informés des séances d’éducation sexuelle : l’amendement qui fait grincer des dents](https://wp.fr.aleteia.org/wp-content/uploads/sites/6/2023/12/SEX-EDUCATION.jpg?resize=300,150&q=75)