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Le Vatican publie un texte de référence sur le fulgurant développement de l’IA

Man interacting with AI

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I.Media - publié le 28/01/25
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Le Vatican a publié le 28 janvier un texte de référence de 35 pages sur le lien entre intelligence artificielle (IA) et intelligence humaine. "L’IA devrait être utilisée comme un instrument complémentaire de l’intelligence humaine et non pas substituer sa richesse", peut-on notamment lire.

"L’Église encourage les progrès dans la science, dans la technologie, dans les arts et dans toute entreprise humaine" mais souligne l’importance d’un "usage responsable de la rationalité et de la capacité technique", indique la note Antiqua et Nova sur le rapport entre intelligence artificielle (IA) et intelligence humaine, publiée conjointement, le 28 janvier 2025, par le dicastère pour la Doctrine de la foi et le dicastère pour la Culture et l’éducation.

Ce document de 35 pages - pour le moment publié seulement en italien, en espagnol et en anglais -, s’appuie très largement sur les nombreuses interventions du pape François sur le sujet. Il propose une synthèse de la réflexion de l’Église catholique sur ce thème de plus en plus central dans différents domaines de la vie publique, de l’éducation à l’usage des médias jusqu’à la santé, les questions de défense ou encore les relations internationales.

L’IA devrait être utilisée seulement comme un instrument complémentaire de l’intelligence humaine et non pas substituer sa richesse.

Évoquant les travaux de certains scientifiques qui estiment que l’IA "pourrait rejoindre ou dépasser l’intelligence humaine" et conduire à des progrès "au-delà de toute imagination", la note avertit que "la prétention de remplacer Dieu par une œuvre de ses propres mains est de l'idolâtrie", rejoignant une tentation traditionnelle contre laquelle les récits bibliques mettent l'humanité en garde.

"Il ne faut pas oublier que l'IA n'est qu'un pâle reflet de l'humanité, puisqu'elle est produite par des esprits humains, formée à partir de matériel produit par des humains, prédisposée à des stimuli humains et soutenue par un travail humain", rappellent avec fermeté le cardinal Víctor Manuel Fernández, préfet du dicastère pour la Doctrine de la foi, et le cardinal José Tolentino de Mendonça, préfet du dicastère pour l’Éducation et la culture, dans cette note approuvée par le pape François le 14 janvier dernier.

"L’IA devrait être utilisée seulement comme un instrument complémentaire de l’intelligence humaine et non pas substituer sa richesse", est-il souligné. "Elle ne peut pas avoir la plupart des capacités propres à la vie humaine et elle est également faillible. Par conséquent, en cherchant en elle un 'Autre' plus grand avec lequel partager son existence et sa responsabilité, l'humanité risque de créer un substitut de Dieu", avertit le Vatican. 

Une « crise de vérité »

"Cette nouvelle situation conduit l’humanité à s’interroger sur sa propre identité et son propre rôle dans le monde", indique la note. Les "implications anthropologiques et éthiques" de l’intelligence artificielle sont donc au centre de ce document destiné prioritairement aux éducateurs mais qui se veut accessible au public le plus large possible, afin de "contribuer positivement à un discernement vis-à-vis de l’IA". 

Retraçant le développement de ces technologies depuis l’émergence de ce concept dans les années 1950, le document du Vatican trace une ligne de démarcation entre "l’IA restreinte", qui peut être un outil d’une efficacité appréciable notamment dans le domaine de la médecine, des prévisions météos ou de la traduction linguistique, et "l’IA générale", qui prétend dépasser la capacité intellectuelle humaine et risque de faire perdre à l’humanité la maîtrise de son destin.

L’intelligence humaine ne se réduit pas à l’accomplissement de tâches techniques, mais elle implique la sensibilité et la subjectivité. Inversement, "l'IA ne fonctionne qu'en exécutant des tâches, en atteignant des objectifs ou en prenant des décisions fondées sur des données quantitatives et une logique informatique". Ce modèle purement mathématique ne peut pas intégrer les nuances et la complexité de la vie humaine.

Responsabilité morale et limites du progrès scientifique

"Toutes les nouveautés technologiques ne représentent pas un authentique progrès en elles-mêmes", avertit la note en s’appuyant sur l’enseignement de François dans son encyclique Laudato Si’ (2015) mais aussi sur celui de Benoît XVI dans Caritas in Veritate (2009). 

"Préserver la capacité d'action de l'homme" est une priorité dans un usage éthique de l’IA. "En faisant preuve de prudence, les individus et les communautés peuvent discerner comment utiliser l'IA au profit de l'humanité, tout en évitant les applications susceptibles de porter atteinte à la dignité humaine ou de nuire à la planète", insiste la note.

Le Vatican dénonce "le langage utilisé par les praticiens, qui tend à anthropomorphiser l'IA et donc à brouiller la frontière entre ce qui est humain et ce qui est artificiel". L’usage de ces outils risque de pousser à vivre les relations humaines de façon utilitariste et "d’induire les plus jeunes à percevoir les enseignants comme des dispensateurs d’informations et non comme des maîtres qui les guident et soutiennent leur croissance intellectuelle et morale".

L’impact sur l’économie et le monde du travail

Le Vatican remarque ce paradoxe de plus en plus répandu sur le marché du travail : "Alors que l'IA promet de stimuler la productivité en prenant en charge les tâches ordinaires, les travailleurs sont souvent contraints de s'adapter à la vitesse et aux exigences des machines." L'IA devrait assister et non remplacer le jugement humain, tout comme elle ne devrait jamais dégrader la créativité ou réduire les travailleurs à de simples "rouages de la machine", insiste la note.

De même, dans le domaine de la médecine, si l’IA peut aider à développer l’accès à certains diagnostics et traitements, la responsabilité ultime doit rester dans les mains des professionnels du secteur médical, qui doivent "exercer toute leur capacité et leur intelligence pour faire des choix réfléchis et éthiquement motivés à l'égard des personnes qui leur sont confiées, en respectant toujours la dignité inviolable du patient et le principe du consentement éclairé".

Le risque de "miner les fondements de la société"

La note aborde également la question des fake news et des deepfake produits par l’IA et qui peuvent induire le grand public en erreur, comme ce fut le cas lors de la récente campagne présidentielle américaine. Le Vatican dénonce "l'utilisation intentionnelle de l’IA à des fins de manipulation", ce qui se produit "lorsqu'un opérateur humain ou une organisation génère et diffuse intentionnellement des informations, telles que des images, des vidéos et des sons falsifiés, dans le but de tromper ou de nuire".

Le document appelle à une "réglementation attentive" car de telles pratiques risquent de "progressivement miner les fondements de la société", en alimentant "la polarisation politique et le mécontentement social". Sur le plan des questions de sécurité et de défense, est également rappelée l’opposition ferme du Saint-Siège aux armes autonomes. "Les atrocités déjà commises au cours de l'histoire de l'humanité suffisent à susciter de vives inquiétudes quant aux abus potentiels de l'IA", s’inquiètent les auteurs de la note.  

Un sujet prioritaire pour le Saint-Siège

Ces dernières années, le Saint-Siège a pris une part active dans le débat sur les éventuels problèmes éthiques que pourrait engendrer l’essor spectaculaire de l’IA. En 2020, l’Académie pontificale pour la Vie a lancé un "Appel de Rome pour une intelligence artificielle éthique", pacte signé par des entreprises comme IBM, Microsoft ou encore Cisco. Dans la continuité de ce texte, le pape est personnellement intervenu à plusieurs reprises pour défendre une approche de l’IA centrée sur la dignité humaine, s’exprimant notamment lors du dernier sommet du G7 organisé en Italie en juin 2024.

Ce nouveau document du Saint-Siège est publié quelques jours après l’annonce par le président américain Donald Trump du lancement de "Stargate", un plan de soutien au développement de l’IA aux États-Unis d’une valeur de 500 milliards de dollars. Ce projet prévoit la construction de "data centers" qui devraient permettre de renforcer les capacités technologiques et énergétiques de traitement des données de l'IA.

La France, pour sa part, organisera à partir du 6 février prochain à Paris un sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle, visant à établir un cadre de régulation multilatérale sur ce secteur dont les rapides évolutions prennent de court les systèmes juridiques étatiques. Le président Emmanuel Macron avait abordé le sujet avec le pape François le 15 décembre dernier lors de leur entrevue à Ajaccio, et il est possible que le calendrier de publication de la présente note ait été lié à la proximité de ce sommet.

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