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Cimabue, ce génie chrétien éclipsé par Giotto

CIMABUE-MAESTRA-APRES-RESTAURATION

Cimabue, Maestà, après restauration.

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Caroline Becker - publié le 24/01/25
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Longtemps éclipsé par l’ascension de Giotto, Cimabue, peintre majeur de l’Italie du XIIIe siècle, a pourtant révolutionné l’art religieux en s’affranchissant des codes rigides des icônes byzantines. L’exposition "Revoir Cimabue" au Louvre jusqu’au 12 mai offre une rare opportunité de redécouvrir l’influence capitale de Cimabue sur l’histoire de l’art religieuse occidentale.

Il ne reste de lui qu’une dizaine d'œuvres attestées et quelques fresques et mosaïques à Assise et Florence. On ignore presque tout de ce peintre italien du XIIIe siècle, et même la signification de son surnom, Cimabue — prononcé Tchi-ma-boué — reste un mystère. Qui était-il vraiment ? Ce sont ses œuvres, seuls témoins de son génie, qui permettent de mieux le connaître. En elles, se dévoilent les traces d’un artiste visionnaire, à la croisée des influences byzantines et des prémices de la Renaissance.

Les années 1280 : une période d’effervescence artistique

Car lorsque Cimabue naît, l’art religieux italien se fait encore l’écho de dogmes immuables. L’iconographie byzantine, empreinte d’une solennité rigide, règne toujours dans les églises et monastères d’Italie. Pourtant, quelque chose change dans l’air du XIIIe siècle : une quête naît, celle d’un art qui ne se contente plus de représenter le divin mais qui cherche à le rendre palpable, presque humain.

Cimabue brise les codes et introduit ce que l’on n'avait jamais vu auparavant : la tension des muscles, l’expression de la douleur et de la tristesse. Les visages s’éveillent, les gestes se font tendres. Dans ses œuvres, les figures ne sont plus figées dans l’éternité, elles respirent et s’animent. La Vierge incline la tête avec douceur, l’Enfant-Jésus tend les bras vers sa mère avec spontanéité. Fini les expressions figées qui éloignent les figures divines de notre réalité. Cimabue les peint tel qu’il les voit, avec le plus de réalisme possible. Il ne peint plus alors seulement pour les yeux mais aussi pour le cœur.

Une réhabilitation tardive

Aujourd’hui, grâce à l’exposition exceptionnelle organisée par le musée du Louvre, Cimabue retrouve enfin la reconnaissance qu’il mérite. Deux tableaux, dont la restauration s'est achevée fin 2024, constituent le pivot de l'exposition. Le premier, La Maestà, est une monumentale Vierge à l'Enfant ramenée des campagnes napoléoniennes. Elle marque un tournant par l'humanisation des figures saintes et l'illusionnisme du rendu spatial, notamment avec le trône vu de biais. Sa récente restauration a révélé des détails inédits comme la subtilité des coloris et l'éclat lumineux des bleus. Les couleurs, jusque-là ternies par le temps, éclatent à nouveau. Elles ne sont pas seulement décoratives mais se manifestent comme une prière silencieuse. La transparence des voiles, la richesse des auréoles, les nuances des drapés, tout cela raconte une quête du divin.

Cimabue, Trois panneaux provenant d’un diptyque, vers 1285-1290, peint sur bois, La Maesta - La Dérision du Christ - la Flagellation
Cimabue, Trois panneaux provenant d’un diptyque, vers 1285-1290, peint sur bois, La Maesta - La Dérision du Christ - la Flagellation.

Le second, La Dérision du Christ, acquis par le Louvre en 2023 après sa redécouverte chez des particuliers en 2019, illustre un épisode poignant de la vie de Jésus. Ce tableau fait partie d’un diptyque dont l’exposition réunit pour la première fois les trois panneaux connus, en collaboration avec la National Gallery de Londres et la Frick Collection de New York. Cimabue, en habillant les personnages de vêtements contemporains de son époque, ancre cette scène dans le quotidien, reflétant les idéaux franciscains d’une spiritualité plus immédiate.

La gloire du maître éclipsée par l’élève

Loin d’être un simple objet de vénération figé, la peinture religieuse de Cimabue devient ainsi un véritable pont entre le Ciel et la terre. C’est là toute sa révolution. En insufflant une humanité aux figures sacrées, l’artiste italien a rapproché le divin de l’humain, ouvrant une nouvelle ère dans l’histoire de la peinture religieuse.

Si Cimabue ouvre une voie, son nom est vite oublié au profit de Giotto, son supposé élève. Si ce dernier a incontestablement perfectionné l’héritage de Cimabue, la profondeur des compositions, la vivacité des expressions et la tension des corps étaient déjà bien présentes dans les toiles de Cimabue. Cette méprise historique est en partie due à l’aura de Giotto, dont les œuvres ont bénéficié d’une diffusion et d’une reconnaissance bien plus grandes.

Aujourd’hui remis en lumière, Cimabue retrouve petit à petit la place qu’il mérite. La chaîne Arte, en collaboration avec le musée du Louvre, diffusera d’ailleurs, le 16 mars prochain, un documentaire inédit qui viendra renforcer cette réhabilitation.

[EN IMAGES] Les œuvres de Cimabue

Pratique

Exposition au Louvre, Revoir Cimabue : aux origines de la peinture italienne, du 22 janvier au 12 mai 2025.

Documentaire, De Cimabue à Giotto, les premiers maîtres italiens, diffusé sur Arte le dimanche 16 mars à 17h45.
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