L’Égypte fut un creuset pour le christianisme. À Alexandrie, Origène a contribué à associer la théologie chrétienne et la philosophie grecque. Le pays compte de nombreux pères de l’Église, ainsi qu’Arius, à l’origine de l’une des hérésies qui a le plus mis en danger la foi naissante. C’est en Égypte qu’est né le monachisme, avec saint Antoine, père de tous les moines du monde. Une histoire millénaire racontée dans le musée copte du Caire, fondé en 1910, rénové en 2005, où se trouvent des vêtements liturgiques du IVe siècle, des pages des Psaumes et du Nouveau Testament, des objets du quotidien. Un musée qui rappelle que l’Égypte fut longtemps chrétienne, avant que les musulmans ne deviennent majoritaires, durant la période médiévale.
Le réceptacle des chrétiens d’Orient
Intégrée à l’Empire ottoman, dirigée par des fonctionnaires albanais, l’Égypte fut le réceptacle de toutes les variantes du christianisme oriental. Des Arméniens, apostoliques et catholiques, venus pour l’administration et le commerce, des Grecs catholiques, des Latins, tant les Européens et les anciens sujets ottomans furent nombreux en Égypte, et notamment au Caire, même après la chute de l’Empire ottoman.
La vraie rupture a lieu avec l’arrivée au pouvoir de Gamel Abdel Nasser (1918-1970), qui nationalise une partie des entreprises pour financer un État déficitaire, ce qui lamine un grand nombre de familles chrétiennes très insérées dans le tissu économique. Puis ce fut Anouar al Sadate (1918-1981) qui, par peur des communistes, favorisa les Frères musulmans, ce qui accrut les tensions avec les chrétiens. La situation s’est améliorée sous Hosni Moubarak (1928-2020) et Abdel Fattah al-Sissi, même si la menace réelle des Frères musulmans est souvent utilisée comme un prétexte pour justifier les contrôles policiers et la tenue ferme de la société.
Nouveaux venus
Ayant perdu leurs biens et leurs terres, ces communautés chrétiennes urbaines sont nombreuses à être parties. Les Arméniens sont aujourd'hui du côté du Canada et de l’Australie, ne laissant au Caire que la trace de quelques églises où survit une faible communauté, et des cimetières, toujours entretenus et gardés par la police, qui rappellent la mémoire de l’importance de la diaspora.
Les lieux de cultes sont toujours surveillés par la police : on n’y entre qu’en montrant son passeport, comme pour les cimetières. Une présence policière qui se renforce depuis quelques mois,
Depuis 2011, ce sont d’autres chrétiens orientaux qui sont venus au Caire : Irak, Syrie, Liban, tous ceux qui ont fui les bouleversements politiques de leur pays et les menaces politiques, sans avoir la possibilité de partir en Europe ou aux États-Unis. À ces chrétiens venus de l’extérieur s’ajoutent les coptes, héritiers des chrétiens des premiers temps, qui sont environ 12% de la population totale de l’Égypte, certains rattachés à Rome, d’autres non. Cela permet au Caire d’arborer des églises, de conserver des cimetières chrétiens, de maintenir un tissu d’écoles et de services sociaux, sous la double incertitude de la permanence démographique et de l’instabilité politique.
Assurer la liberté
Les lieux de cultes sont toujours surveillés par la police : on n’y entre qu’en montrant son passeport, comme pour les cimetières. Une présence policière qui se renforce depuis quelques mois, par crainte d’émeutes dans un pays traversé par une lourde crise économique. L’inflation ne cesse de croître, les prix alimentaires sont de plus en plus élevés et les travaux pharaoniques du gouvernement, comme le nouveau musée égyptien, pour magnifiques qu’ils soient, apparaissent très éloignés des préoccupations de la population. Les chrétiens le savent : en cas de crise grave, ils seront en première ligne, subissant à la fois les maux de tous les Égyptiens et le retour éventuel des "Frères". Au Caire, la situation en Syrie fait craindre le pire : une extension de l’islamisme à un monde arabe qui vit toujours sur un chaudron.