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Les onze “martyrs de Damas”, ou la Passion des Chrétiens d’Orient

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Les trois frères Massabki.

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Anne Bernet - publié le 19/10/24
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Ce 20 octobre, à Rome, le pape François procédera à la canonisation équipollente, dispensant les bienheureux d’un miracle, de onze chrétiens mis à mort en juillet 1860 à Damas en haine de la foi. Voici leur histoire.

En ces années 1850-1860, ni les autorités turques, qui contrôlent la Syrie ni les populations musulmanes et druzes, courant déviant de l’Islam, de la région, ne voient d’un bon œil les améliorations apportées au sort des chrétiens d’Orient par certaines dispositions prises en 1856 lors de la signature du Traité de Paris qui a mis un terme à la guerre de Crimée. Rétablie dans son rôle traditionnel, que lui disputait la Russie, de protectrice des Lieux saints et des minorités chrétiennes en terre d’Islam, la France a obtenu pour les maronites du Liban et de Syrie un statut les libérant de leur condition infâmante de "dhimmis", leur conférant les mêmes droits qu’aux musulmans et davantage qu’aux Druzes. 

En mars 1856, une première vague de violences entraîne l’incendie d’un couvent du Mont Liban, l’assassinat d’un prêtre et de plusieurs laïcs sans que les autorités ottomanes réagissent. Les Maronites règlent donc leurs comptes tout seuls, et la région s’embrase une première fois, les chrétiens étant victimes de massacre que seule l’arrivée des flottes occidentales devant Beyrouth et les pressions de leurs gouvernement arrêtent, sans que le problème de fond soit réglé. Dans ces conditions, le second embrasement du printemps 1860 s’avère inévitable. À la fin du printemps, les milices druzes du Liban s’en prennent aux Maronites, déferlent sur les villages chrétiens, pillant, incendiant, massacrant tout sur leur passage. L’on estime à plus de 11 000 les maronites massacrés dans des conditions atroces, sans parler des femmes et jeunes filles chrétiennes enlevées et données comme esclaves à des musulmans. 

11.000 Maronites massacrés

Dans ces conditions, le second embrasement du printemps 1860 s’avère inévitable. À la fin du printemps, les milices druzes du Liban s’en prennent aux Maronites, déferlent sur les villages chrétiens, pillant, incendiant, massacrant tout sur leur passage. L’on estime à plus de 11.000 les maronites massacrés dans des conditions atroces, sans parler des femmes et jeunes filles chrétiennes enlevées et données comme esclaves à des musulmans. 

Les puissances européennes tardant à réagir, la vague de violence s’étend, début juillet, à la Syrie. Là encore, les autorités turques regardent ailleurs, paisiblement complices. Le 9 juillet 1860, les tueurs parviennent à Damas et se ruent sur le quartier chrétien de la ville où vivent des maronites, des orthodoxes et des religieux catholiques. En quelques heures, églises et maisons flambent tandis que les massacreurs égorgent tous ceux qui refusent d’apostasier. Dans la panique et le chaos généralisés, beaucoup de gens cherchent refuge au couvent Saint-Paul, dans l’illusion que l’on hésitera à s’en prendre à ce bâtiment franciscain dont les religieux sont tous étrangers par peur de représailles de leurs patries.

Plus lucides, les frères s’attendent au pire et passent cette soirée tragique embrasée par les incendies qui consument le quartier à préparer leurs fidèles au martyre, au long d’une veillée de prière pendant laquelle ils confessent et communient les réfugiés. Ils font bien car, dans leur fureur meurtrière, les Druzes ne vont pas s’arrêter à la porte de la maison.

« Le trésor de l’Église »

Vers 1heure du matin,le 10 juillet, ils investissent les lieux et s’emparent du père Gardien, le supérieur, Emmanuel Ruiz, Espagnol de 56 ans. Le poignard sous la gorge, ils le somment de leur dire « où est le trésor du couvent ». Dans une réminiscence de la passion de saint Laurent, qui montra les pauvres de Rome au préfet de la Ville réclamant  « le trésor de l’Église », Padre Emmanuel les conduit à la chapelle, ouvre le tabernacle, en sort le ciboire, et dit : « Voici le trésor de cette maison » puis, afin d’éviter la profanation des hosties consacrées qui n’ont pas servi au viatique, il les consomme. Furieux, les Druzes découpent alors lentement le courageux supérieur au couteau et à la hachette sur l’autel qu’il inonde de son sang sans cesser de confesser le Christ.

L’horrible scène a eu un témoin, l’un des réfugiés maronites, François Massabki, commerçant du quartier, habitué du couvent, qui s’y est abrité quelques heures plus tôt avec ses deux frères Abdel et Raphaël. Menacé de connaître le même sort que le Père Gardien s’il ne prononce pas la shahada qui le ferait musulman, ce père de famille répond, digne et imperturbable : « Je suis chrétien maronite. Jamais je n’abjurerai ma foi et je mourrai pour le Christ! » Les bourreaux le prennent au mot et le lardent de coups de couteaux avant de l’égorger ; ses deux frères le suivent dans la mort et avec eux tous les religieux du couvent, les Pères espagnols Carmelo Volta, 57 ans, professeur d’arabe, Asanio Nicanor, 46 ans, Pierre Soler, 33 ans, Nicolas Albergo, 33 ans, le jeune Père autrichien, Engelbert Kolland, 33 ans, lui aussi, et deux profès espagnols, Francisco Pinardo, 58 ans, et Juan Fernandez, 52 ans.

Le futur État libanais

5.000 autres chrétiens damascènes succombent au cours de ces quarante huit heures de folie sanglante mais cette fois, la tuerie ne restera pas impunie et, en 1861, les troupes françaises débarqueront au Liban, ce qui conduira à la création d’une province autonome du Mont Liban dont le gouverneur sera chrétien, embryon du futur État libanais.

La cause des franciscains martyrs sera ouverte en 1885 et aboutira à leur béatification en 1926. Dans l’intervalle, le patriarcat maronite aura demandé à Pie XI que les trois frères Massabki soient ajoutés à leur groupe, symbolisant tous les laïcs chrétiens victimes des massacres. La canonisation de ce 20 octobre vient rappeler que l’attachement au Christ demeure, pour beaucoup de fidèles orientaux, la perspective trop probable de mourir pour Lui.

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