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Les boîtes à chefs de la cathédrale Saint-Pol-Aurélien, une étonnante pratique funéraire

Les boîtes à chefs de la cathédrale Saint-Pol-Aurélien.

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Sophie Roubertie - publié le 30/11/24
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Quelques églises bretonnes conservent encore ces étonnants souvenirs du lien entre les morts et les vivants. La plus importante collection de boîtes à chefs ou boîtes à crânes se trouve dans la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon, dans le Finistère.

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En Bretagne, soixante-six boîtes à chefs ou boîtes à crânes ont été identifiées, dont trente-trois pour la seule cathédrale de Saint-Pol-de-Léon, dans le nord du Finistère, bien rangées dans une niche funéraire, sur trois niveaux. Elles contiennent presque toutes un crâne. On appelle aussi ces endroits les "étagères de la nuit". La pratique est ancienne, puisque les plus anciennes boîtes conservées dans la cathédrale Saint-Pol-Aurélien datent de la Renaissance. Fragiles, beaucoup ont disparu avec le temps. 

Ces étonnantes boîtes en bois prennent la forme de petites chapelles surmontées d’une croix. Une ouverture, souvent en forme de cœur, laisse apparaître le crâne. Sur chaque boîte figure le nom du défunt, reprenant la formule "ci-gît le chef de… ", la date de sa mort, parfois sa fonction, le tout peint à la main. Se côtoient sur ces étagères des hommes d’église, des notables et des artisans, des femmes et des hommes, sans distinction sociale. 

Les défunts étaient enterrés dans les églises, puis les corps étaient transférés dans un ossuaire faute de place, les corps s’accumulant dans les églises au fil des siècles. L’exhumation des ossements les rendant anonymes, certaines personnes bénéficiaient d’un traitement particulier, le "décollement du chef". La tête était ainsi séparée du corps, placée dans une petite boîte qui pouvait rester dans l’église. La mémoire du défunt était ainsi préservée. Son crâne restait visible, ce qui, par extension, évoquait le souvenir de son visage.

Une tradition qui perdure jusqu’au début du XXe siècle

Peut-être cette habitude de conserver les crânes à l’intérieur d’une église tient-elle à la proximité traditionnelle des vivants et des morts en Bretagne ? Il n’était en effet pas rare d’y trouver des crânes au-dessus des confessionnaux jusqu’au XVIIIe siècle, comme une méditation sur la mort, un rappel de l’humilité de la condition humaine. L’Église cherchant ensuite à faire sortir les restes funéraires des lieux de culte, les évêques ordonnent que ces crânes soient transférés dans les ossuaires ou cimetières des paroisses, ou dans des alcôves aménagées dans les murs.

La tradition persiste néanmoins au XIXe siècle, même si elle tend à mettre mal à l’aise les observateurs : sept à huit ans après la mort, le crâne est prélevé. Pourquoi une telle pratique à cette époque plus récente ? Toutes les familles n’ayant pas les moyens de payer une concession dans un cimetière, la boîte à chef permet de disposer d’un petit ossuaire individuel, préféré au charnier collectif. La tradition disparaît avec la démocratisation de l’accès aux concessions individuelles, au début du XXe siècle. La pratique n’apparaît alors plus nécessaire pour préserver le souvenir des défunts. Les familles disposent aussi de plus en plus de photographies pour évoquer ceux qui ont disparu. Restent ces quelques boîtes qui témoignent de rites post-mortem anciens.

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