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La présomption d’innocence, comme chacun sait, est un principe de justice, selon lequel un individu est considéré comme innocent, avant qu’une accusation n’apporte la preuve de sa culpabilité. Devant un tribunal, heureusement, être soupçonné ne signifie pas être coupable. Les rares cas admis de "présomption de culpabilité" ne heurtent guère la conscience : ainsi de celui qui est supposé coupable de proxénétisme, parce qu’il roule en Ferrari, alors qu’il n’a aucun revenu connu et qu’il vit avec une femme qui se prostitue.
La présomption, évidemment, n’a rien à voir avec l’innocence réelle, de même que l’intime conviction n’est pas la certitude divine. Tel est l’arrière-plan du cinquième film de Daniel Auteuil comme réalisateur, Le Fil, encore à l’affiche dans les salles françaises. Également acteur principal, Auteuil y joue le rôle d’un avocat, maître Monier, qui ne plaide plus depuis le jour où il a fait acquitter un tueur en série qui s’est empressé de récidiver. Quinze ans plus tard, le voici devant un père de six enfants, Nicolas Milik, accusé d’avoir tué sa femme. Le seul indice susceptible de servir de preuve est un fil du costume de Milik sous l’ongle de la victime. La justice ne tient parfois qu’à un fil suggère évidemment le scénario et le titre. S’il estime d’abord que l’homme qu’il a en face de lui n’est "ni un coupable crédible, ni un innocent évident", la certitude de l’avocat d’être le seul à pouvoir éviter une erreur judiciaire grandit peu à peu. Intrigue très classique, certes, mais qui connaît plusieurs rebondissements de poids et qui, surtout, a le grand intérêt de donner autant d’importance aux troubles intérieurs de l’avocat qu’à ses effets de manche.
Grandeur et misère des hommes de loi, ce serait un sous-titre judicieux. Inspiré d’une histoire vraie, le film amène le spectateur au cœur du terrain miné qu’est la défense d’un présumé innocent. Face à Daniel Auteuil, l’accusé a l’air si perdu qu’il n’est guère aisé de savoir si sa naïveté est réelle ou surjouée. "Un gars broyé par la machine judiciaire qui, pour la première fois, se sentira écouté par un homme de la classe au-dessus et qui a les codes d’un système dont il ignore tout", résume Grégory Gadebois, incroyable de vérité dans le rôle de cet accusé qu’on craint tout autant de croire que de ne pas croire.
L’humilité de l’homme face au mal
Si la qualité d’un film se mesure notamment à la durée de son empreinte dans notre mémoire, le visage de ce père naufragé sur le banc des accusés fait du Fil un grand moment de cinéma. On comprend que son avocat Daniel Auteuil puisse déclarer un peu vite qu’il est "prêt à tout pour le sauver". Le cœur du film est là, sans doute, et la femme de l’homme de loi ne peut que tenter de le ramener sur terre : "Le sauver ! Tu te prends pour le tout-puissant ? Tu es là pour le défendre, pas pour le sauver."
La distinction donne au film son véritable enjeu : ce suspense judiciaire est avant tout une méditation sur la nécessaire humilité de l’homme face au mal, quel que soit le visage qu’il prenne. Jusqu’où ma lutte vise-t-elle la justice et à partir de quand glisse-t-elle vers un rêve de toute-puissance et une prétention à l’omniscience ? Suis-je capable d’accepter que Dieu seul sonde les reins et les cœurs ? Ai-je tendance à déclarer systématiquement l’autre coupable ou au contraire à l’innocenter d’emblée sans examen, quitte à plier les faits pour les faire coïncider à tout prix avec mon désir ?
Le seul Sauveur
Nul homme, sans doute, ne peut évacuer ces questions. Pour le chrétien qui s’efforce de ne pas dénaturer la miséricorde en déni de justice, elles peuvent même être cruxifiantes. Faute de prudence pour condamner comme pour disculper, on peut aussi bien laisser agir impunément des criminels qu’envoyer en prison des innocents. Aller voir Le Fil ne donnera évidemment pas de remède miracle pour discerner. Cela peut nous rappeler, toutefois, que le réel déborde toujours notre volonté de puissance, surtout quand elle s’habille en don de soi pour sauver les autres. Croire que le Christ est le seul Sauveur suppose en premier lieu d’accepter qu’on ne l’est pas soi-même. Qui osera dire que la droite doctrine est sans rapport avec la vie quotidienne ?
Pratique :