Le sujet de l’élévation de la Croix est peu traité par les artistes. Mais l’église Saint-Médard et Saint-Gildard, située dans le petit village rural de Crépon, près de Bayeux, dans le Calvados, conserve depuis trois siècles un tableau de grande taille sur ce thème, restauré récemment. L’histoire n’a pas retenue les raisons pour lesquelles ce tableau monumental (plus de 5 mètres de large pour près de 4 mètres de haut) a été disposé sur le mur du chevet, dans l’église de Crépon, il y a plus de trois siècles. Le tableau est tellement grand que cinq laizes de toile ont été nécessaires pour constituer la surface peinte.
Il couronne et met en valeur un très beau mobilier de chêne du XVIIIe siècle. Le chœur de l’église a ses murs couverts de lambris, comporte des stalles sculptées et un bel autel à double face dit "à la romaine". L’ensemble constitué par le mobilier en chêne et "l’élévation de la Croix" est certainement un cadeau fait à l’église, car il est d’une qualité exceptionnelle pour un village de deux cents habitants.
La copie inversée d’un tableau du Louvre
Le commanditaire est inconnu. Inconnu aussi, le nom du peintre qui a réalisé cette grande huile sur toile au tout début du XVIIIe siècle. Fait surprenant, il s’agit de la copie inversée d’un tableau du peintre Charles Le Brun, exécutée pour les appartements du roi à Versailles. Le tableau d’origine est de taille plus modeste et fait désormais partie des collections du musée du Louvre, déposé au musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Troyes. A partir du tableau peint pour le roi, une gravure a été réalisée, servant de modèle au tableau normand, ce qui explique qu’il se présente "en miroir" par rapport à l’œuvre d’origine. En 2023, le tableau de l’église de Crépon a fait l’objet d’une restauration complète, rendue nécessaire par les salissures, des micro-organismes nocifs, des mastics, colles et vernis accumulés au fil des siècles. Étonnamment, si aucun nom d’artiste n’a été retrouvé sur la toile d’origine, la restauration réalisée il y a 170 ans, en 1853, est signée du peintre Lecerf. Les restaurateurs se sont même rendu compte qu’il avait entièrement repeint le tableau. Il a fallu supprimer ces repeints. Il ne reste donc plus de cette première restauration que la signature du restaurateur. La dernière intervention permet maintenant de se rapprocher au mieux de l’œuvre telle qu’elle a été conçue au départ, en dégageant tout ce qui avait été ajouté (le Christ apparaît imberbe, alors que le restaurateur du XIXe l’avait gratifié d’une barbe fournie).
Un sujet peu fréquent
Ce qui est représenté ? L’érection de la croix du Christ, ce moment précis où la croix est dressée sur le Golgotha, demandant l’effort de plusieurs hommes à la musculature athlétique. Sur la droite, en compagnie de Marie-Madeleine, de Jean et de saintes femmes, Marie est agenouillée, accompagnant son fils jusqu’au supplice. Un légionnaire à cheval porte une oriflamme avec l’inscription SPQR (ce qui signifie "Le Sénat et le peuple romain"), situant le contexte historique de la scène. Un groupe de femmes et d’enfants semble effrayé, tandis que des hommes jouent aux dés les vêtements de Jésus, rappelant l’Écriture : "Alors ils le crucifient, puis se partagent ses vêtements, en tirant au sort pour savoir la part de chacun". (Mc 15,24)
NDLR: Certaines précisions proviennent de l’étude Notice sur le tableau de l’Élévation de la Croix, réalisée par Monsieur Dominique Gillier ; publiée en 2017 et 2024 par l'Association des Amis de l’Église de Crépon.