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Entrée payante à Notre-Dame : “Le libre accès à la cathédrale n’est pas un argument valable”

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Parvis de Notre-Dame de Paris.

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Clémence Nava - publié le 31/10/24
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Pour Maxime Cumunel, vice-président de l’Observatoire du patrimoine religieux, la question du paiement de l’entrée à Notre-Dame de Paris doit être pensée en dehors de toute considération définitive et caricaturale.

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La ministre de la Culture, Rachida Dati, a relancé fin octobre le débat en suggérant de rendre payante l’entrée touristique à Notre-Dame de Paris. Bonne ou mauvaise idée ? Les avis sont tranchés. Maxime Cumunel, vice-président de l’Observatoire du patrimoine religieux, invite à considérer la proposition dans son ensemble et ses potentiels bénéfices pour la préservation du patrimoine religieux en France. 

Aleteia : Que pensez-vous de la proposition de la ministre de la Culture ?
Maxime Cumunel
: Voilà enfin une ministre de la Culture qui prend à cœur la question du financement du patrimoine religieux en France et qui fait le lien avec la question du tourisme. On peut être en désaccord avec Rachida Dati mais elle a le mérite d’ouvrir le débat. Il existe déjà des édifices en France où l’accès à la sacristie, au trésor ou au cloître est payant. D’un point de vue intellectuel, je ne vois pas pourquoi cela ne pourrait pas s’appliquer à Notre-Dame. On a tort d’évacuer le débat comme s’il n’était pas légitime. La cathédrale Notre-Dame de Paris a une double fonction, cultuelle et touristique. Si l’on veut proposer une ouverture payante, cela suppose que ce qu’on offre aux touristes soit une expérience de bonne qualité. Or, l’offre visiteur est insuffisante en France par rapport à la majorité des pays d’Europe. Les œuvres d’art sont mal montrées, les éclairages et les cartels mauvais ou inexistants. Hélas, ce point est absent du débat. 

Cela mérite un vrai débat éthique, juridique et technique sur les conditions d’application pour sortir des postures caricaturales. 

Comment faire la distinction entre touristes et fidèles ?
On sait gérer les flux à la basilique Saint-Marc et à Saint-Pierre de Rome. Pourquoi pas à Notre-Dame ? À Venise, on paye sa place pour la visite et si l’on vient pour prier, on entre par une entrée distincte. À la basilique Saint-Pierre, l’espace est scindé et des chapelles, dont l’accès est parfaitement gratuit, sont réservées à la prière. Il faut que le dispositif soit souple. Permettre des moments où 100% de la cathédrale est dédiée au culte, sans distinction entre les visiteurs, et le reste du temps, scinder l’espace. Cela suppose aussi de compter sur la bonne foi des visiteurs.

L’Église a rappelé son attachement à accueillir de "façon inconditionnelle" et "gratuite" fidèles et visiteurs confondus dans les églises et cathédrales. Comprenez-vous sa position ?
Il y aura de fait un système d’arbitrage des flux avec des réservations de créneaux donc l’argument consistant à dire que l’entrée à Notre-Dame doit être libre n’est pas valable. Je pense que le diocèse finira par se rendre compte qu’il faut séparer les flux. À partir du moment où réservation obligatoire et séparation des flux seront appliquées – d’ici quelques années peut-être –, la question de rendre l’entrée payante se posera. Cela mérite un vrai débat éthique, juridique et technique sur les conditions d’application pour sortir des postures caricaturales. 

Si tant est qu’une entrée à 5 euros s’applique à Notre-Dame, serait-ce suffisant pour "sauver" les églises de France comme le suggère Rachida Dati ?
L’intégralité de ces 5 euros n’ira pas directement au patrimoine dans la mesure où des coûts y seront associés (contrôle et vente des billets, éclairage, production de fascicules…). Cela permettrait peut-être de sauver un ou deux bâtiments religieux emblématiques tous les ans et de contribuer à l’entretien de Notre-Dame. La cathédrale a beau avoir été restaurée, des réparations seront toujours nécessaires dans les décennies à venir. Si au moins nous avions cette ressource fixe garantissant le bon entretien de Notre-Dame, de ses œuvres d’art, de son trésor, voire la création d’un musée, ce ne serait pas négligeable ! 

Il ne s’agit absolument pas de priver Notre-Dame de son culte mais de scinder les espaces.

La loi de 1905 n’est-elle pas un obstacle à la mise en place de cette proposition ?
La loi de 1905 énonce que l’accès au culte doit être gratuit. Il ne s’agit absolument pas de priver Notre-Dame de son culte mais de scinder les espaces. Une partie dédiée au culte de façon permanente et le reste, au tourisme, et ponctuellement au culte : sur les heures de messes, en cas de funérailles nationales…

Ne reviendrait-il pas plutôt à l’État et aux communes d’assurer la sauvegarde du patrimoine religieux ?
Il est illusoire de croire que l’État va débloquer plus de fonds pour le patrimoine dans les circonstances économiques actuelles. Si l’on veut que nos églises subsistent, il faut qu’elles soient valorisées et mobilisées pour des usages alternatifs et compatibles, bien évidemment, avec l’usage religieux. Pour qu’un élu ait intérêt à entretenir un bâtiment religieux, il faut qu’il y ait une demande sociale autour de l’édifice. Malheureusement, le strict usage religieux ne suffit plus toujours à justifier des dépenses municipales à destination des églises, la pratique religieuse étant en perte de vitesse. Les fonds récoltés si le paiement de l’entrée à Notre-Dame entrait en vigueur ne devront cependant pas venir remplacer des fonds que l’État ne voudrait plus verser. Ça, c’est un risque. 

Concrètement, quelles sont les chances pour que l’entrée touristique à Notre-Dame devienne payante ?
Tant que le diocèse s’y oppose, les chances sont nulles mais je suis à peu près certain que cela existera un jour. Peut-être qu’on en viendra à la méthode douce, à la contribution volontaire par exemple, comme en Angleterre. Je ne vois pas dans quelle mesure on pourrait y échapper au regard des grands équilibres politiques, économiques et démographiques du XXIe siècle.

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