Payante, l'entrée de la cathédrale Notre-Dame de Paris ? C'est en tout cas l'idée suggérée par Rachida Dati, ministre de la Culture, dans un entretien accordé le 23 octobre au Figaro. La ministre y relève que "partout en Europe, l'accès aux édifices religieux les plus remarquables est payant", un modèle auquel la France devrait elle aussi souscrire afin d'entretenir son patrimoine religieux, affirme-t-elle : "J’ai proposé à l’archevêque de Paris une idée simple : mettre en place un tarif symbolique pour toutes les visites touristiques de Notre-Dame et consacrer totalement cet argent à un grand plan de sauvegarde du patrimoine religieux", déclare notamment Rachida Dati qui propose un tarif de 5 euros par visite. Ce montant permettrait de récolter 75 millions d’euros par an, a-t-elle calculé, et ferait de Notre-Dame de Paris la salvatrice de "toutes les églises de Paris et de France" grâce aux fonds recueillis.
Cette proposition n'est pas nouvelle puisque Stéphane Bern, fervent défenseur du patrimoine français, en avait lui aussi eu l'idée en 2017. Elle suscite de nombreuses réactions, applaudie par certains, décriée par d'autres. "Très bonne idée de Rachida Dati", écrit ainsi sur Twitter Valérie Pécresse, présidente de la région Île de France, pour qui "il n'y a pas à hésiter !". Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a lui aussi apporté son soutien à cette proposition. Sur France Inter, il a estimé cette idée louable si elle peut "sauver un patrimoine religieux auquel on peut être attaché, que l'on croit au ciel ou qu'on n'y croit pas". Rachida Dati a précisé plus tard sur son compte Twitter que les messes et les offices ne seraient pas concernés par la mise en place d'une telle tarification. En d'autres termes, celle-ci impliquerait de distinguer selon le statut des visiteurs de Notre-Dame : touristes entrés à des fins de visite culturelle, ou pèlerins et fidèles venus y prier... Distinction complexe à établir dans les faits, remarquent de nombreux internautes : comment différencier les premiers des seconds et sur quels critères ?
Une église peut-elle fonctionner comme un musée ?
Nombreux sont en effet les pays à faire payer l'entrée de leurs églises ou plutôt des cathédrales et basiliques à fort intérêt culturel. Espagne, Italie, Royaume-Uni, Allemagne... En France toutefois, le principe de gratuité est demeuré la règle, comme l'a rappelé à plusieurs reprises la Conférence des évêques de France. La loi de 1905 portant séparation des Églises et de l'État dispose elle-même en son article 17 que "La visite des édifices et l'exposition des objets mobiliers classés seront publiques : elles ne pourront donner lieu à aucune taxe ni redevance." Si les cathédrales font partie du patrimoine culturel de la France, elles sont avant tout des lieux de prière et de culte "dont l’accès doit être libre", insiste l'Église en France. Rendre leur accès payant transformerait les cathédrales "lieux d'expression d'une foi vivante" en "musées".
Une analyse à laquelle souscrivent de nombreuses personnes après les propos de Rachida Dati, qui soulèvent de part et d'autre une levée de boucliers. "Chère Rachida Dati, l’accès à Notre-Dame de Paris doit évidemment rester gratuit et universel. Que l’on soit français ou touriste étranger, croyant ou athée, on ne paie jamais pour entrer dans une église ou une cathédrale. Notre-Dame ne doit pas échapper à la règle !" a ainsi réagi le sénateur centriste Loïc Hervé. "Il faudrait deux parcours", tempère de son côté le député Jean-Philippe Tanguy du RN, "car une église c'est fait pour prier, il faudrait un accès gratuit pour les croyants." La Conférence des évêques de France n'a pour le moment pas réagi.