Quand la Corse comptait… six diocèses !

Avec ses 8.722 km2 et 340.000 habitants, le diocèse d’Ajaccio n’est ni le plus grand ni le plus peuplé de France. Dans l’Hexagone, plusieurs diocèses recouvrent le territoire de deux départements. Le plus grand atteint même la superficie de 14.000 km2. C’est celui de Bourges, qui règne sur le Cher et l’Indre. D’autres circonscriptions ecclésiastiques ont des superficies supérieures, comme le diocèse de Bordeaux ou celui de Périgueux. Quant à la population, la Corse figure aujourd’hui parmi le tiers des diocèses les moins peuplés de France. Pourquoi ces chiffres ? Pour mieux saisir l’incongruité d’un fait historique : l’île de Beauté a accueilli jusqu’à six sièges épiscopaux !

Ajaccio accueille en effet un évêque au moins depuis le VIe siècle, mais celui-ci n’a juridiction sur tout le territoire corse qu’à partir du Concordat de 1802, après quelques années durant lesquelles l’évêque de Corse est à Bastia. Jusqu’à la Révolution française, l’île est découpée en cinq diocèses : Ajaccio, donc, mais aussi Aléria, Sagone, Nebbio et Mariana-et-Accia. Ce dernier est cependant la réunion, en 1563, de deux diocèses antiques.

Cette mosaïque ecclésiastique a une raison principalement historique : évangélisée par les côtes, l’île a vu la naissance de cités épiscopales proches de la mer, avant de s’étendre dans les terres. Le relief a ensuite établi des limites en quelque sorte naturelles, à une époque où les transports n’étaient pas aussi développés que de nos jours. Mais il faut tout de même deux heures pour aller d’Ajaccio à Aléria en voiture pour 80km à vol d’oiseau. À pied, c’est presque vingt-quatre heures de marche.

Depuis 2021, le franciscain d’origine espagnole François Bustillo est le pasteur de l’île. Élevé au cardinalat en 2023, il est le deuxième Corse – au moins d’adoption – dans le Collège des cardinaux avec Mgr Dominique Mamberti. Le préfet du Tribunal suprême de la Signature apostolique est originaire de Vico, sur la façade occidentale, commune sur laquelle demeurent les ruines de la cathédrale du diocèse de Sagone…dont il a été évêque de 2002 à 2015 ! Tous les anciens évêchés de Corse sont, effectivement, devenus des sièges titulaires, c’est-à-dire des sièges sans charge pastorale. Nebbio a ainsi un évêque philippin, Mariana, Sagone et Aléria des Italiens, et Accia un Brésilien. Qui n’ont peut-être jamais eu l’occasion de visiter leur magnifique "diocèse".