À Rome, le symbole est important. Et les organisateurs le savent. Seize représentants d’Églises chrétiennes participent au Synode sur la synodalité durant tout le mois d’octobre. C’est ainsi qu’il y a quelques jours s’est tenue dans la cour des Protomartyrs du Vatican une veillée de prière œcuménique. Le lieu n’a pas été choisi au hasard : la tradition assure qu’à cet endroit, au beau milieu de ce qui était alors le cirque des empereurs Caligula et Néron, l’apôtre Pierre a été crucifié. C’est à la nuit tombante que le successeur de Pierre, dans son fauteuil roulant, a fait son entrée dans la cour pavée et bordée par les murs de l’immense basilique Saint-Pierre. Avec lui ont avancé les représentants d’autres Églises chrétiennes accompagnés par les mélodies des chants de Taizé. Munis d’un lumignon, tous sont venus prier pour la paix et l'unité.
Animée par les intentions et les lectures prononcées par des catholiques, des orthodoxes et des protestants, la veillée devait aussi signifier que le Synode en cours n’est pas un processus catholique replié sur lui-même mais qu’il est aussi une étape supplémentaire pour la communion des Églises. Cette attention touche particulièrement Anne-Cathy Graber, pasteure de la Conférence mennonite mondiale, qui rassemble 1,45 million de croyants baptisés dans le monde. Comme quinze autres représentants d’Église, elle participe chaque jour au Synode qui se déroule dans la grande salle Paul VI du Vatican, à quelques dizaines de mètres de la cour des Protomartyrs. Si elle ne pourra pas voter le document final de l’assemblée, elle a sa place à l’une des tables rondes où se rassemblent les 368 autres membres catholiques de l’assemblée, et la mennonite peut prendre la parole.
"L'Église catholique n'a pas besoin de notre voix, qui est très minoritaire… Mais le fait d’être invité en dit long sur la synodalité, cela montre que chaque voix compte", a-t-elle confié devant la presse, ne cachant pas son agréable surprise devant ce processus qui inclut largement. Même sentiment de gratitude du côté du métropolite orthodoxe Job Getcha de Pisidie, qui appartient au patriarcat de Constantinople. Celui dont le diocèse couvre le sud de la Turquie autour de la ville d’Antalya considère que ce Synode est l’occasion de mettre en œuvre l’ecclésiologie du concile Vatican II. Le processus synodal que vit l’Église catholique depuis 2021 n’est pas selon lui une "innovation" mais un "temps d’apprentissage" qui nourrit aussi les orthodoxes et leur grande tradition de la synodalité.
La question de la primauté de l’évêque de Rome
Devant les journalistes, son éminence Job Getcha est revenu sur l’un des points sensibles du dialogue avec l’Église catholique : l’articulation entre les concepts de primauté de l’évêque de Rome et de synodalité. La question de la place et du rôle de l’évêque de Rome - cause de grandes dissensions historiques entre chrétiens - est sur la pile des sujets discutés durant ce mois synodal. Un groupe de travail spécifique consacré à l’œcuménisme et en lien avec l’assemblée doit aussi rendre des conclusions en juin 2025.
Le dominicain Hyacinthe Destivelle, l’un des experts au Synode, a particulièrement travaillé cette question puisqu’il a été l’une des chevilles ouvrières du récent document intitulé : "L’évêque de Rome – Primauté et synodalité dans les dialogues œcuméniques et dans les réponses à l’encyclique Ut unum sint”". Publié avant l’été par le dicastère pour la Promotion de l'unité des chrétiens, ce texte phare qui dresse un panorama des réflexions menées depuis plusieurs décennies a été salué par les autres Églises, et sert de référence pour l’assemblée.
Pour le père Destivelle, il se dégage aujourd’hui une sorte de consensus sur la nécessité d’une primauté dans l’Église entière, d’un ministère d'unité au niveau universel, donc d'une certaine “primauté” de l’évêque de Rome sur les autres. Loin des polémiques du passé, cette question devient pour certains une opportunité pour mieux comprendre la nature de l’Église et sa mission.
En marche jusqu’à Nicée ?
Ces derniers jours, que ce soit dans la salle Paul VI du Vatican ou bien en dehors du huis clos de l’assemblée, le désir de marcher vers l’unité est palpable. Lors d’un événement organisé à l’Institut français Centre Saint-Louis, le métropolite Job, la pasteure Anne-Cathy Graber, l’ancien prieur de Taizé, le frère Alois, ou encore le frère dominicain Destivelle en ont convenu : "Le chemin synodal est œcuménique ; et le chemin œcuménique ne peut être que synodal."
L’anniversaire, l’an prochain, des 1.700 ans du concile de Nicée sera une nouvelle occasion concrète pour manifester le mouvement qui s'opère. Un rassemblement œcuménique de grande ampleur organisé avec Bartholomée, le patriarche de Constantinople, pourrait avoir lieu en mai prochain sur les berges du lac d’Iznik — autrefois Nicée -, en Turquie, en présence du Pape. Il s’agirait alors de célébrer le ‘symbole de Nicée’, grand texte professant la foi chrétienne et la résumant en quelques points fondamentaux.