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La meilleure réaction à avoir quand on vous met des bâtons dans les roues

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Mathilde de Robien - publié le 14/10/24
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Sainte Thérèse d’Avila offre, à travers les rebondissements liés à la fondation du couvent de Saint-Joseph d’Avila, premier monastère de carmélites déchaussées, un admirable modèle de confiance et de persévérance.

Têtue Thérèse ? Non, persévérante, et animée de la ferme conviction que son projet réussirait en son temps, en dépit des nombreuses oppositions qui se sont élevées lorsqu’elle a émis le désir, en 1560, de fonder un monastère plus conforme à la Règle primitive du Carmel que le couvent de l’Incarnation où elle avait prononcé ses vœux 26 ans plus tôt. Elle raconte avec force détails tous les rebondissements liés à ce projet dans son autobiographie Le Livre de la vie (1562).

Qu’une femme, religieuse carmélite, en plein milieu du XVIe siècle, veuille fonder un nouveau couvent avec une règle plus stricte est passé, pendant deux longues années, pour pure folie, et c’est peu dire qu’on lui a mis des bâtons dans les roues ! Ses supérieurs lui ont demandé de lâcher l’affaire, son confesseur ne l’a pas soutenue, les habitants d’Avila l'ont traitée de folle… Mais tout cela n’a jamais entamé sa confiance dans la réussite de son projet, puisqu’elle savait qu’il venait de Dieu. "Je demeurais toujours dans une ferme assurance que l’affaire réussirait", écrit-elle. Il ne s’agit pas d’entêtement car lorsque ses supérieurs lui demandent de renoncer, elle obéit. Elle sait que son couvent va voir le jour, mais fait montre de patience. Et c’est justement cette patience, chez Thérèse, qui provoque l’admiration. Une patience docile, faite de confiance en Dieu et d’obéissance à ses supérieurs, et qui est finalement récompensée.

Après avoir eu une vision de l’enfer, Thérèse n’a qu’un désir : fuir le monde et faire pénitence. Mais cela n’est pas possible dans son couvent de l’Incarnation, non cloîtré, "vaste et fort agréable". "Je menais, me semblait-il, une vie trop commode", estime Thérèse. C’est pourquoi, soutenue par quelques compagnes, elle envisage la création d’un monastère observant strictement la règle de l'Ordre. Intuition validée par le Très-Haut : "Un jour, au moment où je venais de communier, Notre-Seigneur me commanda expressément de m’employer de toutes mes forces à l’établissement de ce monastère, me donnant la formelle assurance qu’il réussirait, et que la ferveur avec laquelle il y serait servi lui procurerait beaucoup de gloire. Il voulait qu’il fût dédié sous le nom de saint Joseph", écrit sainte Thérèse.

Plus que des bâtons dans les roues, des persécutions

Thérèse s’en ouvre à son confesseur, qui ne croit guère au projet faute de financements, mais l’invite à en parler au provincial de l’Ordre, le père Ange de Salazar. Ce dernier promet d’aider Thérèse et ses compagnes et de prendre le monastère sous sa juridiction. Mais Thérèse n’est pas au bout de ses peines. "Notre projet fut à peine connu dans la ville, qu’il s’éleva contre nous une persécution qui serait bien longue à raconter. Que de mots piquants, que de railleries ! On disait de moi que j’étais folle de songer à sortir d’un monastère où je me trouvais si bien." Se retrouvant seul contre tous à soutenir Thérèse, le provincial retourne sa veste la veille de la signature d’un contrat pour l’achat d’une maison "dans un site favorable, mais fort petite" que Thérèse avait trouvée. "Il nous dit que les revenus proposés n’étaient ni sûrs ni suffisants, et que l’opposition à notre projet était trop grande", rapporte Thérèse, un brin amère.

"Notre supérieur n’eut pas plus tôt retiré son consentement, que mon confesseur m’ordonna de ne plus penser à cette affaire ; et Dieu sait avec quelle peine et au prix de quelles souffrances je l’avais conduite jusqu’à ce point !", écrit-elle encore. En outre, elle est très mal vue des autres religieuses du Carmel : "Les sœurs disaient que c’était leur faire affront ; que rien ne m’empêchait de bien servir Dieu dans mon couvent, comme tant d’autres meilleures que moi ; que je n’étais pas affectionnée à la maison, et que j’aurais mieux fait de lui procurer du revenu que de vouloir le porter ailleurs".

Mais en dépit de ces vicissitudes, Thérèse n’est ni frustrée, ni révoltée. Elle témoigne avoir reçu à ce moment-là "la très grande grâce de n’éprouver de tout cela aucune inquiétude". "Je me désistai donc de mon entreprise avec autant de facilité et de contentement que si elle ne m’eût rien coûté. (…) Comme je croyais avoir fait tout ce qui était en mon pouvoir pour mettre à exécution ce que Notre-Seigneur m’avait commandé, il me semblait que je n’étais pas obligée à davantage ; je demeurais donc tranquille et contente dans le monastère où j’étais, toujours fermement convaincue que ce dessein s’exécuterait, quoique je ne visse ni quand ni par quel moyen cela pourrait être."

Un dénouement inattendu

Quelque temps plus tard, Thérèse rencontre le nouveau recteur du collège de la compagnie de Jésus, le père Gaspar de Saint Lazare, "une âme pure, sainte, et qui avait reçu du Seigneur une grâce toute spéciale pour discerner les esprits", selon la description de Thérèse. Une rencontre qui correspond à un moment où Thérèse se sent de nouveau "pressée" par le Seigneur de "reprendre l’affaire de la fondation". Mais cette fois, le nouveau recteur et le confesseur reconnaissent que le projet vient de Dieu, et ne s’y opposent pas, demandant néanmoins de conduire l’affaire dans le plus grand secret. Thérèse poursuit donc son entreprise. Elle demande à sa sœur, Jeanne de Ahumada, d’acheter la maison, et, pour plus de discrétion, de la faire arranger comme si elle eût été pour elle. Quant au financement, "il plut au Seigneur de nous l’envoyer par des voies qu’il serait trop long de rapporter", écrit Thérèse, faisant allusion à la somme considérable que son frère Laurent de Cepeda, sans rien savoir de son dessein, lui envoya du Pérou en 1561.

Enfin, Thérèse reçoit le bref du pape Paul IV, daté du 7 février 1562, l’autorisant à fonder le couvent de saint Joseph. Il porte en substance la permission d’établir, dans la ville même d’Avila ou hors de ses murs et sous l’autorité de l’évêque diocésain, un couvent de religieuses de l’ordre du Mont-Carmel, suivant la rigueur primitive. "Tout étant prêt pour la fondation, il plut à Notre-Seigneur que le jour même de la fête de saint Barthélemy, quelques filles prissent l’habit, et que le très saint Sacrement fût mis dans notre église ; et ainsi se trouva légitimement érigé, en l’année 1562, avec toutes les approbations requises de l’autorité, le monastère de notre glorieux père saint Joseph". Après bien des tribulations, le premier Carmel réformé est ainsi fondé, le 24 août 1562.

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