"Merci Maman. Sur tes genoux, nous avons appris l’Evangile". C’est avec une voix émue et les yeux baignés par des larmes que le cardinal Pietro Parolin, le discret et pudique Secrétaire d’Etat du Saint-Siège, a fait ses adieux à sa mère lors de ses obsèques célébrées mardi à Schiavon, au nord-est de l’Italie, après son décès survenu samedi, à 96 ans, dans sa maison de repos de Bassano del Grappa.
Entre deux voyages diplomatiques au bout du monde, le cardinal Parolin, qui aura 70 ans en janvier, se rendait régulièrement en Vénétie afin de retrouver sa maman. Contrairement aux usages, cette fois-ci, il a été dispensé d’accompagner le pape dans sa tournée en Asie et Océanie afin de pouvoir rester auprès de sa famille. Un signe que les plus hauts responsables de l’Eglise sont avant tout des humains, qu’ils ont leurs attaches… et un démenti à ceux qui disent, lapidairement et sans délicatesse, que les prêtres "n’ont pas de famille" et que ce serait la condition primordiale de leur disponibilité à la mission.
Une lecture émouvante
C’est d’ailleurs sous son simple nom de prêtre, "don Pietro", que le numéro deux de l’Eglise catholique est apparu sur le faire-part de décès, avec sa sœur, Maria Rosa, et son frère Giovanni. La fratrie avait été éprouvée par un drame, en 1965 : le décès brutal à seulement 44 ans de leur papa, décédé dans un accident de voiture. Ada Miotti, qui a donc vécu un veuvage de près de 60 ans, était institutrice. Elle était apparue auprès de son fils lors d’une visite pastorale dans le village de Salcedo : elle avait alors retrouvé l’école où elle avait enseigné dans les années 1950.
Dans son homélie, le cardinal Parolin a délivré une lecture très émouvante de la “montée au Ciel” de sa maman. "Je l'imagine accueillie à la porte du Paradis, non seulement par le Sauveur, par la Vierge Marie à laquelle elle était très attachée et par saint Pierre, mais aussi par (...) notre père Luigi : elle m'avait confié qu'elle était tombée amoureuse de lui, frappée par sa façon de prier dans cette église, ce qui ne se fait plus aujourd'hui. Ce fut une belle et malheureusement courte histoire d'amour conjugal. Aujourd'hui, ils se retrouvent 59 ans plus tard, dans une étreinte que personne ne pourra jamais dissoudre et qui durera pour l'éternité", a-t-il raconté devant une assistance très émue, mêlant des intimes de la famille, des officiels et des collaborateurs du Secrétaire d’Etat.
Invitées d’honneur lors des consistoires
Dans l’histoire récente, plusieurs cardinaux ont eu la chance de pouvoir inviter leur maman au consistoire marquant leur entrée dans le collège cardinalice. Venu du complexe et tendu Nicaragua, le cardinal Leopoldo Brenes a ainsi été accompagné par sa maman à Rome lors du consistoire de 2014. Ainsi dispensé de coûteux achats dans un magasin romaine, l'archevêque de Managua a pu bénéficier des talents de cette couturière de profession : absolument certaine de son entrée au Sacré-Collège, elle lui avait cousu sa soutane de cardinal plusieurs années en avance ! En 2022, le petit "Leopoldito" avait déjà 73 ans lorsqu’il a perdu sa maman, mais son émotion a suscité une forte médiatisation.
J'irais n'importe où dans le monde pour être là où sont mes enfants.
Le cardinal américain Joseph Tobin était lui aussi très proche de sa maman, décédée en 2021, et qui avait fait, à 93 ans, le voyage à Rome pour honorer de sa présence son fils lors du consistoire de 2016. Alors veuve depuis près de 40 ans, Marie Terese Tobin avait impressionné ses accompagnateurs par sa bonne humeur. "J'irais n'importe où dans le monde pour être là où sont mes enfants. Et s'ils pensent que c’est “fun”, alors nous sommes tous là", avait-elle lancé avec aplomb.
Le cardinal français Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, a pu bénéficier de la présence de ses deux parents lors du consistoire ayant fait entrer leur fils au sein du Sacré Collège, en août 2022. "C’est une grande fierté pour nous", nous avaient-ils alors confié, radieux sur leurs fauteuils roulants, et très émus de voir les autres cardinaux venir les saluer avec beaucoup de respect. Ces anciens pieds-noirs, contraints de quitter l’Algérie lors de l’indépendance en 1962, puis mutés à Paris avant de s’installer dans les Quartiers Nords de Marseille, ont également assisté à la messe concélébrée par leur fils avec le pape François au Stade Vélodrome de la cité phocéenne, le 23 septembre 2023.
Des mamans piliers de la vocation des papes
Et les papes dans tout cela ? Si le pape François mentionne rarement sa mère, décédée en 1981, et évoque plus volontiers sa proximité avec sa désormais célèbre grand-mère Rosa qui fut un pilier de sa vocation, on sait que Jean Paul II avait une forte considération pour sa mère, décédée en 1929, alors que le futur pape s'apprêtait à fêter ses 9 ans. Certains considèrent que la grande sensibilité du pontife polonais aux questions de féminité et de maternité était liée à ce drame intime. Emilia Kaczorowska, emportée à seulement 43 ans par une myocardite et une insuffisance rénale, fait aujourd’hui l’objet d’un procès en béatification, conjointement avec son mari, Karol Wojtyla, décédé pour sa part en 1941.
Quant à Benoît XVI, il fut le fruit de l’union tardive entre Maria Peintner et Josef Ratzinger après que les deux quadragénaires se soient rencontrés… par petite annonce ! Fille d’un artisan, et cuisinière dans plusieurs hôtels, Maria s’est éteinte en décembre 1963, alors que son fils avait commencé à se faire un nom comme théologien de référence durant le Concile Vatican II. "La piété chaleureuse et la grande bonté de ma mère restent un héritage pour lequel je ne pourrai jamais assez rendre grâce", a écrit Benoît XVI dans son testament rendu public quelques heures après son décès survenu le 31 décembre 2022.