Alors que les Jeux olympiques (JO) battent leur plein dans une ambiance magnifique portée par une très belle moisson de médailles françaises — comme jamais nous n’en avions connue à ce stade de la compétition — il est temps de se lancer dans un grand débat : toutes les médailles dans tous les sports se valent-elles ? Certains vous diront que c’est l’esprit même des JO que de décerner le même objet au premier ou à la première de chaque épreuve sans distinction. D’autres prendront en compte le niveau de compétition et de pratique d’un sport dans le monde : à ce compte-là, c’est probablement le tennis de table qui arriverait en tête compte-tenu de sa popularité en Chine, ou le football qui est joué sur toute la planète.
Tout simplement phénoménal
Dans certains sports, certaines épreuves sont considérées comme « reine » de par l’historique, et le niveau de pression concurrentielle. On pense ainsi au 100 mètres nage libre, ou au 100 mètres en athlétisme, tout comme le marathon, ou au concours individuel complet de gymnastique. Dans ce firmament on rangera la catégorie des plus de 100kg en judo masculin, ce qui nous amène à parler de l’immense Teddy Riner. Aucun judoka au monde n’avait réussi jusque-là l’exploit de conquérir trois titres individuels chez les super lourds. C’est désormais chose faite avec le champion français au sommet à Londres, à Rio, puis enfin à Paris — après la déception de Tokyo il y a trois ans et sa "simple" médaille de bronze, doublée quand même d’une médaille d’or par équipe… Être capable de réaliser un tel exploit à douze ans d’intervalle est tout simplement phénoménal, face à une concurrence totalement renouvelée. Il lui aura notamment fallu surmonter une vilaine blessure en 2022 et repartir à l’entraînement jour après jour. Comment ne pas être gagné par la lassitude, par l’usure ? Il faut une force mentale hors du commun qui se travaille également jour après jour sans relâche.
Teddy Riner double donc son compatriote David Douillet et ses deux médailles d’or, ce qui semblait déjà surhumain à l’époque, et rejoint le Japonais Tadahido Nomura et ses trois médailles d’or en 1996, 2000 et 2004. Contrairement à d’autres sports comme en athlétisme, au tennis, mais surtout en natation, il est "impossible" de doubler sur différentes catégories car le judo est divisé en norme de poids. Il est donc très difficile dans ce sport de "cumuler" les breloques. En plus, la catégorie reine des plus de 100kg est ouverte à tous les gabarits les plus gigantesques puisqu’il n’y a pas de limite, et il est vrai que le rapport taille/poids/puissance de Teddy en fait un phénomène très remarquable et donc un avantage indéniable.
Le précédent néerlandais
En évoquant ces catégories, rappelons-nous une autre immense personne, que notre formidable Guadeloupéen rejoint au Panthéon. Le Néerlandais Anton Gessing devint le premier judoka européen à battre un Japonais lors des championnats du monde en 1961. Cet exploit créa un traumatisme dans le pays originel du judo et des catégories de poids furent introduites pour contrer le Néerlandais. Malgré ces précautions, lors du premier tournoi olympique de judo à Tokyo, les Japonais ne purent l'empêcher de devenir champion olympique du titre suprême toutes catégories. Le 23 octobre 1964, il domina en finale Akio Kaminaga, remportant ainsi la seule médaille d'or non japonaise lors de ces Jeux. C’est bien ce jour de 1964 qui entrouvrit la porte à l’essor progressif de ce sport en dehors du pays du Soleil Levant et qui nous amène soixante ans après, à cette divine soirée d’août 2024.
Comme on peut l’imaginer, Teddy Riner est non seulement un sportif exceptionnel mais un homme d’une gentillesse exquise et d’une fidélité à toute épreuve qui en font un modèle admirable pour notre temps.