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Robert Badinter et l’euthanasie : sera-t-il entendu ?

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Robert Badinter.

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Hubert de Boisredon - publié le 12/02/24
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Les louanges ne cessent de pleuvoir sur la mémoire de l’ancien ministre de la Justice Robert Badinter, artisan de l’abolition de la peine de mort en France, mort le 9 février à 95 ans. Les combats de ce défenseur de la vie suscitent une certaine unanimité, note le chef d’entreprise Hubert de Boisredon, mais peu de leaders politiques commentent sa pensée sur l’euthanasie.

Le président de la République Emmanuel Macron salue la "figure du siècle" qu’a été Robert Badinter et propose que lui soit rendu un hommage national mercredi 14 février, place Vendôme. Le Premier ministre Gabriel Attal affirme que "le pays des Lumières perd l’un de ceux qui ont continué à les faire briller". De fait, Robert Badinter peut être distingué par sa vie courageuse et ses combats d’homme politique de grande envergure. Issu d’une famille juive, ses parents ont été arrêtés par la Gestapo pendant la guerre, déportés et tués dans les camps de la mort. À 14 ans, lui-même manque d’être arrêté également. Devenu avocat, puis garde des Sceaux, marqué par cette expérience de la mort donnée "de sang-froid" si proche de lui, il n’a cessé de défendre les criminels condamnés à la peine capitale, jusqu’à soutenir l’abolition de la peine de mort devant le Parlement en 1981, projet de loi adopté par l’Assemblée nationale le 18 septembre 1981.

Le droit à la vie

Président du Conseil Constitutionnel de 1986 à 1995, sa parole a influencé différentes évolutions de la société. Il s’est battu notamment pour la dépénalisation des relations homosexuelles. Ces prises de position d’homme politique de gauche font de lui un "progressiste". Sachant que la peine de mort continue d’être appliquée dans différents pays, il martèle ses convictions à différentes occasions. Le 31 décembre 2006 par exemple, au lendemain de l’exécution de l’ancien dictateur irakien, Saddam Hussein, Robert Badinter estime que cet acte constitue "une faute politique majeure", risquant d’aggraver la dislocation du pays.

Pour Robert Badinter, en effet, la suppression volontaire de la vie n’est pas compatible avec l’idéal démocratique de la politique. En cohérence avec cette position, l’ancien ministre de la Justice a toujours été opposé à l’euthanasie : "La vie, nul ne peut la retirer à autrui dans une démocratie", a-t-il affirmé en 2008 devant une commission sur la fin de vie à l’Assemblée nationale. Un article de La Croix du 9 février dernier reprend ses paroles alors qu’il ajoutait encore :

Ma position fondamentale, bien connue, est simple et catégorique : le droit à la vie est le premier des droits de tout être humain.

L’ancien ministre de la Justice s’était opposé à l’instauration d’un comité chargé d’étudier les demandes exceptionnelles d’euthanasie. "Je ne concevrais pas qu’un comité puisse donner une autorisation de tuer, précise-t-il. […] Je ne concevrais pas que, dans notre pays, dans notre démocratie, on délègue cette décision à des personnes qui ne sont pas médecins ou soignants, qu’on demande à des tiers d’apprécier et de donner une autorisation de procéder à une injection létale ou à un autre processus quel qu’il soit d’euthanasie." Et il avertissait : "Si on légalise l’exception d’euthanasie, vous aurez des zones d’ombre. Au sein d’une famille, certains diront : “Non, grand-mère ne voulait pas mourir !”, et d’autres : “Si, elle m’a dit qu’elle voulait mourir !” Il m’est arrivé de connaître de telles situations et d’entendre de tels propos." Pour lui, la voie à suivre consiste à refuser l’acharnement thérapeutique et de développer les soins palliatifs pour que tous en bénéficient. 

L’intégralité d’une pensée

En ce sens, Robert Badinter rejoint l’opposition morale de l’Église catholique à l’euthanasie et au suicide assisté. "Nous devons accompagner les personnes jusqu’à la mort, mais ne pas la provoquer ni favoriser le suicide assisté. Toute personne qui s’apprête à vivre la dernière partie de sa vie doit pouvoir le faire de la manière la plus humaine possible", affirmait le pape François lors d’une méditation sur la mort, en février 2022, précisant "qu’il faut se garder de confondre cette aide avec des dérives inacceptables vers l’euthanasie".  

Au moment où certaines femmes et certains hommes politiques aimeraient voir Robert Badinter entrer au Panthéon au nom des valeurs de la République qu’il a portées, seront-ils enclins à écouter, reconnaître et défendre ses prises de positions contre l’euthanasie ? S’en rappelleront-ils quand ils devront voter la loi sur la fin de vie projetée par le gouvernement ? Espérons que l’intégralité de la pensée de ce grand homme sera accueillie et pas seulement les combats passés salués par tous ! 

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