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Vraie et fausse compassion

LE-CHRIST-BENISSANT-LES-ENFANTS-AMBROSIUS-FRANCKEN

CC BY-NC-SA 2.0 DEED

"Le Christ bénissant les enfants", d'Ambrosius Francken (1544 - 1618). Tableau conservé au musée de Maastricht.

Jean-François Thomas, sj - publié le 18/11/23

Les papes, depuis Pie XII, ont tous dénoncé le glissement de la "compassion" conduisant à tuer au nom d’un prétendu souci ou amour de l’autre.

Rien n’est plus à la mode que tout ce qui touche à la compassion. Cependant, cette nouvelle tendance est bien souvent plus perverse que vertueuse. Bizarrement, elle s’accorde parfaitement avec l’autre lubie contemporaine qui est le cocooning (“coucounage”). D’un côté, la commisération liquide envers autrui, et de l’autre, simultanément, le repli sur soi et le désir de protéger son propre bien-être : l’homme n’est pas à une contradiction près. Cette confusion et ce mélange sont des méthodes diaboliques car le Malin aime ô combien mixer le bien et le mal, saupoudrer ce dernier de paillettes afin qu’il brille à nos yeux comme un soleil.

La compassion divine

La compassion trouve son origine en Dieu ; elle est un élément de la Révélation. Dans toute l’Histoire sainte, Dieu montre sa compassion à son peuple choisi, sans pour autant écarter toujours sa colère : Il ne compatit pas avec faiblesse et en reniflant, mais avec la rigueur de Celui qui est le seul à savoir de qui est bon et utile pour ses enfants. Alors même que bien des tribulations frapperont ensuite les Hébreux durs de cœur et d’esprit, Il a pitié d’eux dans leur esclavage en Égypte : “J’ai vu l’affliction de mon peuple […], et j’ai entendu sa clameur […]. Et sachant sa douleur, je suis descendu pour le délivrer […]” (Ex 3, 7-8). Moïse, en présence du Très-Haut, s’adresse à Lui en ces termes : “[Vous] qui gardez votre miséricorde pour des milliers de créatures ; qui effacez l’iniquité, les crimes et les péchés, et nul auprès de vous n’est innocent par lui-même […]” (Ex, 34, 7).

Et plus tard, le psalmiste chantera une compassion quasi universelle : “Compatissant et miséricordieux est le Seigneur, lent à punir et bien miséricordieux” (Ps, 102, 8). La compassion divine qui fera renaître Job ne fait pourtant pas l’économie de l’épreuve, et la plus terrible qui soit. Cependant, cette apparente sévérité du ciel est comprise par les hommes amoureux de Dieu comme négligeable comparée aux bienfaits qui en découlent, comme le rappellera saint Jacques : “Voyez, nous appelons heureux ceux qui ont souffert. Vous avez appris la patience de Job, et vu la fin du Seigneur, combien le Seigneur est miséricordieux et clément” (Jc, 5, 11).

L’humanisme compassionnel

L’achèvement de la Révélation en la personne du Sauveur donne le modèle parfait de la compassion. L’Apôtre écrit : “Nous n’avons point un pontife qui ne puisse compatir à nos infirmités, ayant éprouvé comme nous toutes sortes de tentations, hors le péché” (He, 4, 15). La compassion du Christ est pour tous, y compris ceux qui, jusqu’alors, étaient laissés de côté car impurs ou étrangers. Il n’empêche qu’Il ne nous a pas laissé l’exemple d’une compassion à bon marché et larmoyante. Aucune mollesse dans la pitié qu’Il exerce auprès des hommes. Sa compassion n’est pas un humanisme. Ce dernier, héritage des encyclopédistes, est sans jugeote, penchant vers le dilettantisme intellectuel, hypnotisé par le culte de la forme, des apparences.

Le prototype moderne de l’humaniste compassionnel est tel “journaliste-philosophe” se précipitant aussitôt sur tous les terrains sensibles où il peut apparaître devant les caméras, la larme à l’œil et le verbe haut et assuré. Rien de christique dans cette posture. Lorsque la compassion ne se vit pas comme une souffrance réellement partagée, lorsqu’elle n’est pas dans le contrôle des émotions et des passions, elle n’est que dégoulinante, capable simplement de gonfler des ballons, d’allumer des bougies et de déposer des ours en peluche en présence du malheur qui fait peur.

L’hypocrisie absolue

L’humanité, de plus en plus en proie à des catastrophes dont elle est victime ou responsable — ou les deux à la fois — est bien démunie face à la douleur incommensurable qui touche certains de ses membres. Elle croit se dédouaner facilement avec une compassion de pacotille à coups de manifestations, d’associations, de défilés silencieux ou violents, ceci tout en protégeant son confort. La compassion ne doit pas dépasser les bornes que nous lui fixons égoïstement : ses frontières établies sont le sentimentalisme. On caresse, on embrasse, on donne des accolades, on dépose des gerbes, on pleure en public, pensant être quitte, avoir rempli le contrat, avant de se réfugier de nouveau le plus rapidement possible dans son jardin secret, ses loisirs, ses vacances, son antre festif, ses droits et ses privilèges. 

Malheur à nous ! Ce ne sont pas des peluches et des baudruches qui nous ouvriront la porte étroite !

Notre Seigneur n’était pas compatissant — Il ne l’est toujours pas — à mi-temps. L’hypocrisie absolue est atteinte lorsque, tout en larmoyant sur le malheur des autres, il est considéré comme justifiable et compassionnel d’éliminer la vie innocente d’un enfant à naître, d’une personne malade, d’un vieillard en bout de course. Malheur à nous ! Ce ne sont pas des peluches et des baudruches qui nous ouvriront la porte étroite ! Les papes, depuis Pie XII, face au développement des idéologies mortifères, ont tous rappelé, sans faiblir, la doctrine catholique intangible en ce domaine en soulignant justement le glissement de la « compassion » conduisant à tuer au nom d’un prétendu souci ou amour de l’autre.

Jean-Paul II, dans l’encyclique Evangelium Vitæ, en 1995, parle par exemple, en ce qui regarde l’euthanasie, de “compassion présumée pour la douleur du patient”. Le souverain pontife actuel insiste sur la “culture du déchet” de notre époque et il qualifie de “fausse compassion” celle qui “considère comme une aide aux femmes d’encourager l’avortement, comme un acte de dignité de procurer l’euthanasie, comme une conquête scientifique de “produire” un enfant considéré comme un droit au lieu de l’accueillir comme un don ; ou encore d’utiliser des vies humaines comme des cobayes de laboratoire pour prétendument en sauver d’autres” (Discours aux médecins catholiques italiens, 15 novembre 2014). 

“Souffrir avec”

Si la compassion est vraiment “souffrir avec”, elle ne peut être un vague sentiment, une bulle de savon, un succédané de pitié divine défigurée par le péché des hommes. Elle est agissante. Elle se juge à des actes conformes à la Loi divine, à la loi naturelle et non pas en étant esclave de lois humaines très souvent immorales. La compassion dévoyée de notre société décadente est en fait un apitoiement sur nous-mêmes, et non plus l’exercice de la charité et de la miséricorde.

Nul étonnement face à cette constatation à partir du moment où un pays décide de tourner le dos au vrai Dieu en modelant ses propres idoles. La sollicitude envers autrui est fort mal partagée. L’agapé [l’amour de charité, ndlr]et la philia [l’amitié, ndlr] ne sont pas des mots vides de sens pour un homme de bonne volonté qui craint Dieu, qui L’adore et qui le prouve dans ses actions les plus ordinaires. Le Maître ne verse pas des larmes de crocodile en présence de nos souffrances. Il se fait souffrance, Il se fait péché, pour tout effacer. Sans pouvoir L’égaler, Il nous demande en revanche de participer à sa compassion et de tourner le dos à tous les enfantillages et à toutes les perversions qui la défigurent.

Tags:
compassionPape Pie XII
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