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“Faut-il fêter Halloween en famille ?”

HALLOWEEN KIDS
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Henri Quantin - publié le 01/11/23
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Débattre de l’intérêt d’Halloween, c’est s’exposer aux sarcasmes des missionnaires du ricanement qui préfèrent se moquer de la tradition des fêtes chrétiennes. Pour l’écrivain Henri Quantin, les familles françaises ont de bonnes raisons de réapprendre aux incultes le sens de la Toussaint.

Commençons par rassurer les lecteurs, la question du titre est une citation, comme les guillemets l’indiquent. Chez Aleteia, chaque famille fête la Toussaint avec ferveur, déguisant ses garçons en saint Jean Paul II ou en Carlo Acutis et ses filles en une des sœurs Martin, avec large diffusion des photos sur les réseaux sociaux (pas pour s’exhiber, mais pour évangéliser, cela va sans dire). "Faut-il fêter Halloween en famille ?" La question n’est donc pas la nôtre, mais celle que posait une journaliste de France Inter le dimanche 29 octobre dans "Famille and Co". La chronique entendait nous apprendre "qu’Halloween suscite des débats insoupçonnés en France, que ce soit en matière d’éducation, de transmission et surtout de symboles". 

Sarcasme sur les fêtes chrétiennes

On se prenait à rêver que la question posée soit réellement traitée et que les débats soient honnêtement résumés. Ce serait oublier qu’on est sur France Inter et que l’essentiel y est de renforcer le camp des missionnaires du ricanement face aux obscurantistes catholico-franchouillards. Ainsi la chronique aura-t-elle pour unique fil rouge de discréditer tous ceux qui estiment qu’on peut éduquer autrement qu’avec la mode du moment, qu’on peut transmettre autre chose que des paquets de bonbons, qu’on peut vivre de symboles qui ne réduisent pas les morts à des zombies de farces et attrapes.

Sur France Inter, le sarcasme sur les fêtes chrétiennes ne relève même plus du comique de répétition, mais de l’automatisme professionnel.

La Toussaint aura-t-elle droit d’antenne, ne serait-ce qu’au titre des vieilleries pré-halloweeniennes ? Ni le mot ni la chose n’apparaissent, même dans la liste des "débats insoupçonnés". Dans cette séance de soumission amnésique sous masque railleur, deux saints, pourtant, surnagent. Deux saints ? Deux fêtes, plutôt, car il n’est pas sûr que la chroniqueuse soit au courant que la Saint-Jean est la fête de saint Jean. Évoquant les réticences initiales à l’importation d’Halloween, elle rappelle qu’en 1993, le directeur du parc Disneyland Paris prétendait vouloir respecter le calendrier européen en créant plutôt des événement festifs autour de la Saint-Nicolas ou de la Saint-Jean. Cela donne ce commentaire ironique : "Autant dire qu’on savait déconner à Marne-la-Vallée en 93 !" Sur France Inter, le sarcasme sur les fêtes chrétiennes ne relève même plus du comique de répétition, mais de l’automatisme professionnel. Le mot "saint" fonctionne comme un signal déclenchant des rires guère plus libres que s’ils étaient enregistrés. "Saint" doit suggérer mécaniquement quelque chose comme rabat-joie ou ridicule, car ancien. On voit mal au nom de quoi, sinon, les feux de la Saint-Jean seraient jugés par principe plus incompatibles avec l’esprit de fête que les bougies mises dans des courges.

Dans la même logique, la chronique feint de donner une place à ceux qui déplorent "l’importation d’un mode de vie typiquement américain qui serait contraire aux traditions et aux valeurs françaises". En une contre-attaque dont on appréciera l’honnêteté intellectuelle, la journaliste s’empresse de noter : "C’est oublier qu’en termes de patrimoine, la France est aussi le pays où chaque année la ville de Montcuq dans le Lot, organise la dénommée fête du slip. Sans parler de la fête de la musique et de ses reprises de Wonderwall d’Oasis à la flute à bec que le monde ne nous envie pas." Croit-elle vraiment que ce sont là les "traditions" que les adversaires d’Halloween veulent opposer à la nuit des morts vivants ? La fête de la musique fut institutionnalisée par Jack Lang en 1982 et la première fête du slip date de... 2016, mais tout est bon à prendre quand il s’agit de glousser, à moins que la journaliste ne croie sincèrement que les traditions françaises commencent à l’élection de François Mitterrand, voire de François Hollande.

Jouer le rôle d’un saint

Finalement, il est presque réjouissant que l’inculture ricanante de la chroniqueuse laisse la Toussaint hors de l’affaire, que ce soit par ignorance ou par sectarisme. On ne peut toutefois renoncer à réapprendre aux adeptes de France Inter que ce qui peut légitimement être fêté le 1er novembre n’est ni la fête de la musique ou la fête du slip, ni même la Saint-Jean ou la Saint-Nicolas. Pour cela, il s’agit non seulement de rendre vivants les saints du calendrier, mais de donner à voir le visage du seul Saint, en s’unissant à Lui. Non seulement se déguiser en saint, donc, mais devenir des icônes de Celui à qui on chante "Toi seul es saint".

Cela n’exclut pas, d’ailleurs, de commencer par un déguisement, comme l’illustre Le Véritable Saint Genest de Jean de Rotrou. La pièce fut publiée en 1647 et on peut toujours essayer de la faire lire, voire jouer par extraits à ses enfants, s’ils jugent qu’ils n’ont plus l’âge de la panoplie de saint Tarcisius. Ils y apprendront que jouer le rôle d’un saint peut mener à la sainteté et qu’apprendre par cœur les mots d’un martyr rend parfois capable de les faire siens un jour. Ne vous inquiétez pas, alors, si vous les entendez dire ces mots de saint Genest, qu’on pourrait aussi bien adresser aux journalistes de France Inter :

« Si je puis vous prescrire un avis salutaire,
Cruels, adorez-en jusqu’au moindre mystère,
Et cessez d’attacher avec de nouveaux clous,
Un dieu, qui sur la croix daigne mourir pour vous. »

Un brin emphatique ? Peut-être, mais cela relève d’un patrimoine qu’on nous permettra de préférer aussi bien à la fête du slip qu’à une chronique radiophonique. Il arrive que se prendre pour le personnage qu’on joue soit le signe d’une folie moins pathologique que christique.

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