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“Humanæ Vitæ”, la voie de l’amour conjugal orienté vers la liberté

kobieta przytula mężczyznę

Zwiebackesser | Shutterstock

Michele Schumacher - publié le 26/05/23

Audacieuse, l’encyclique "Humanæ Vitæ" parue en 1968 a projeté dans le monde une vision de la liberté dans l’amour conjugal qui ne cesse de faire débat. Plutôt que de réduire la personne à son corps et la soumettre aux contraintes des techniques contraceptives, Paul VI proposait la voie de la raison et de la libre volonté. Une voie orientée vers la plénitude du don de soi, explique Michele Schumacher, professeur à l’université de Fribourg qui est intervenue au congrès Humanae Vitae des 19-20 mai à Rome.

L’été 1968 a marqué les pages des livres d’histoire moderne bien plus par les récits de soutiens-gorges brûlés dans les rues de San Francisco et de manifestations d’étudiants à Paris que par la promulgation de l’encyclique Humanæ Vitæ. On pourrait difficilement trouver une coïncidence d’événements plus improbable, ni une rencontre d’aspirations philosophiques et éthiques plus invraisemblable que celles de la révolution sexuelle et de la morale sexuelle catholique exprimée dans Humanæ Vitæ.

Deux notions de la liberté

Dans le cas de la révolution sexuelle, nous sommes confrontés au cri de guerre de la “liberté sexuelle” : la liberté par rapport à nos corps et à leurs pouvoirs de reproduction, la liberté par rapport aux attentes et aux mœurs socioculturelles et religieuses, la liberté par rapport à nos actes et à leurs conséquences, la liberté d’exprimer nos passions sexuelles sans remords, la liberté par rapport à nos relations, et même la liberté par rapport à la raison. Telle, en somme, est une notion de liberté déracinée de la nature humaine et donc de tout ce qui pourrait lui donner une direction ou une définition, si ce n’est la volonté humaine elle-même. En contraste, l’encyclique de Paul VInous met devant une notion de la liberté qui est bien plus qu’un joker nous permettant de faire ce que nous voulons, en accord avec le slogan,  “mon corps m’appartient”. Au contraire, elle est naturellement orientée vers l’amour : et pas n’importe quel type d’amour — le soi-disant “amour libre” de la révolution sexuelle ne remplit pas les conditions requises — mais cet amour précis qui se caractérise par un authentique don de soi. Car “l’amour consiste dans l’engagement de la liberté”, comme l’explique Karol Wojtyła, le futur pape Jean-Paul II : 

“Il est un don de soi-même, et “se donner” signifie précisément “limiter sa liberté au profit d’autrui”. La limitation de la liberté pourrait être en elle-même quelque chose de négatif et de désagréable, mais l’amour fait qu’elle est au contraire positive, joyeuse et créatrice. La liberté est faite pour l’amour… L’homme désire l’amour plus que la liberté : la liberté est un moyen, l’amour est un but.”

L’épanouissement de l’homme est dans le don de soi

Il s’agit d’une notion de la liberté qui est dynamiquement orientée vers une certaine plénitude ou perfection, d’où aussi l’idée du développement ou de l’épanouissement qui caractérise chaque nature. Qu’on pense à l’érable contenu dans le gland, la plante dans la semence, ou même l’homme dans l’embryon. Toutefois le développement humain n’est pas simplement biologique, car la personne humaine est aussi un agent spirituel destiné à la communion, dans laquelle elle fait l’expérience d’une certaine plénitude ou satisfaction. C’est pourquoi elle ne peut se réaliser qu’en se donnant, pour reprendre les termes de Wojtyła. Et de même que la perfection humaine n’est pas simplement de nature biologique, de même la procréation humaine n’est pas simplement un acte biologique. Elle implique aussi la dimension spirituelle, d’où la question posée d’une manière rhétorique par le pape Paul VI, “si, étant donné le sens accru de responsabilités de l’homme moderne, le moment n’est pas venu pour lui de confier à sa raison et à sa volonté, plutôt qu’aux rythmes biologiques de son organisme, le soin de régler la natalité ?” (HV, 3). 

Nous sommes en présence d’une éthique non pas de contrainte, mais d’attraction, car c’est le bien qui domine, d’où le besoin de discerner le vrai bien.

En rappelant les hommes à respecter “l’ordre établi par Dieu” (HV, 16) et donc aussi “des lois et des rythmes naturels de fécondité qui espacent déjà par eux-mêmes la succession des naissances” (HV,11), Paul VI ne nous présente pas une proposition de réduire la personne humaine à son corps, conformément à la philosophie de “l’anatomie est le destin” que de nombreuses féministes attribuent à une soi-disant église patriarcale. Ce n’est pas non plus une proposition nous permettant d’être gouvernés par la passion, conformément à la philosophie de “l’amour libre” et du “sexe sans risque” ; encore moins d’être gouverné par le savoir de soi-disant experts en fertilité.

Plutôt que de réduire la personne à son corps, ou à la gouvernance de ses passions ou celle des “experts” pour étendre sa “maîtrise” sur la nature “à son être lui-même pris dans son ensemble” — “au corps, à la vie physique, à la vie sociale et jusqu’aux lois qui règlent la transmission de la vie” (HV, 2) — nous sommes invités à exercer la vertu : “la maîtrise de l’instinct par la raison et la libre volonté” (HV, 21). Car à la différence des animaux qui sont simplement portés vers leurs perfections comme des flèches vers une cible, pour emprunter à Aristote, nous sommes capables d’orienter nos actions selon notre connaissance de notre propre bien ou perfection : un bien qui n’est pas déterminé par notre intelligence et de notre volonté, mais qui peut toutefois être discerné par nos intelligences et choisi par nos volontés. 

Une éthique d’attraction

Nous sommes en présence d’une éthique non pas de contrainte, mais d’attraction, car c’est le bien qui domine, d’où le besoin de discerner le vrai bien. En jeu est donc, et en somme, la décision d’agir en conformité avec notre propre nature selon “le très grave devoir de transmettre la vie humaine” (HV, 1). Car “la vie humaine est sacrée; dès son origine, elle engage directement l’action créatrice de Dieu” (HV, 13). Quant à la liberté humaine, elle est, comme dit saint Jean-Paul II, “un don, qu’il faut accueillir comme un germe et qu’il faut faire mûrir de manière responsable” (Veritatis splendor, 86). Lorsque cette liberté est au service de l’amour — un amour qui est à la fois unitif et fécond — elle conduit l’homme tout entier vers la plénitude qui correspond à son humanité.  Car, comme enseigne le concile Vatican II : “L’homme, seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même, ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui-même” (Gaudium et spes, 24). Ou, pour le mettre en termes laïques, “Mon corps, mon don de soi. Et c’est ma liberté qui le permet.”

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