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L’instinct maternel existe-t-il ?

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Jeanne Larghero - publié le 02/12/22
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Si la maternité est inscrite dans la biologie, la maternité humaine n’est pas animale. Être mère, explique la philosophe Jeanne Larghero, est une expérience où se jouent et se révèlent la beauté et la grandeur de la liberté humaine.

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L’instinct maternel existe-t-il ? Cette question anodine en embarrasse plus d’une. Le problème est le suivant : la réalité d’un instinct maternel est difficilement conciliable avec les revendications d’émancipation féministes. Affirmer un instinct maternel reviendrait à "assigner" aux femmes un destin de mère, et à envoyer dans l’enfer des comportements contre-nature celles qui revendiquent ne pas vouloir d’enfant. Cela fait plus de quarante ans qu’Élisabeth Badinter affirme que l’instinct maternel n’existe pas, affirmation fondée, selon elle, sur l’histoire de l’évolution des structures familiales à travers les âges (L’Amour en plus, Flammarion).

Les fondamentaux biologiques résistent

À l’inverse, le primatologue Frans de Waal fait état de ses observations récentes (Différent, le genre vu par un primatologue, Éd. Les liens qui libèrent, 2022) et affirme dans une interview à WE Demain : "Il existe certains fondamentaux biologiques qui résistent. Je pense à l’attachement, au dévouement des femmes pour les enfants qui semble universel chez les humains comme chez les primates et parmi tous les mammifères. […] Pour les mammifères, le désir féminin d’approcher un bébé est puissant, enraciné chez les humains comme chez les primates" (n°39, août 2022). Ces observations sont confortées par les IRM qui ont été pratiquées chez de jeunes mères : les régions du cerveau déclenchant le mouvement ou le langage s’activent chez ces femmes lorsque le bébé se met à pleurer… ce qu’on ne constate pas chez les cerveaux masculins.

Alors ? N’en déplaise à Élisabeth Badinter et à ses descendantes, la réalité d’un instinct maternel est biologiquement avérée, sauf à s’enfermer dans l’idéologie pour des raisons sociétales et politiques. Mais… contrairement à ce qu’affirme Frans de Waal, cet instinct ne s’exprime pas chez les humains comme chez les grands singes. L’instinct animal est une mécanique quasi indéréglable destinée à assurer la survie de l’individu et celle de l’espèce : les comportements dits instinctifs sont innés, exécutés spontanément et efficacement, sans expérience préalable. Tel est l’instinct migratoire par exemple. En revanche, parler d’instinct pour les êtres humains est moins approprié, et le mot d’instinct manque de justesse. 

L’expérience humaine de la maternité

Pour quelle raison ?  Nous avons beau être comme pris aux entrailles par des attirances forces ou des tendances profondes, celles-ci ne déterminent pas nos comportements. Nous aurons toujours à élaborer des moyens, choisir des voies, tenter des choses. Franz de Waal observe l’intérêt, le dévouement, l’énergie spontanée que déclenche la simple présence d’un bébé chez les jeunes femelles. Or chez les grands singes et les mammifères, les comportements adaptés de maternage s’ensuivent. Cependant ce n’est pas le cas chez les femmes : il ne s’agit donc pas à proprement parler d’un instinct, mais d’une tendance profonde qui vient se conjuguer avec une histoire personnelle, avec la liberté individuelle de chacune.

À trop vouloir comparer les humains aux animaux, on passe à côté de la complexité de l’expérience humaine : il se trouve que les femmes sont aussi bien attirées que décontenancées par la maternité. À trop vouloir défendre la liberté, on nie ce corps de femme qui nous est donné, ce corps qui nous ouvre un chemin sans pourtant nous écrire un destin. Un féminisme qui nierait la spécificité du corps féminin ne sortirait pas grandi de son combat pour les droits des femmes. Oui, la maternité est une proposition pour laquelle nous sommes biologiquement préparées ; oui, nous pouvons faire confiance aux intuitions viscérales qui jaillissent avant même qu’on ait conceptualisé quoi que ce soit, et c’est à prendre comme une chance. Mais ceci ne fait pas de nous des primates, ni des machines à procréer. La présence d’un bébé déclenche les mécanismes de l’attachement, du dévouement, de la protection, réjouissons-nous de ce que la nature est bien faite. Il en faut plus pour faire une mère aimante, une bonne éducatrice : la maternité est une expérience où se jouent et se révèlent la beauté et la grandeur de la liberté humaine, voilà pourquoi il n’y pas deux filles pareilles, deux femmes identiques, deux mères semblables. 

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