La basilique du Saint-Sépulcre, à Jérusalem, a été construite pour vénérer le tombeau vide du Christ qui s’y trouve. Frère Stéphane, en Terre sainte depuis trente ans, est le nouveau supérieur des franciscains qui veillent sur la basilique au nom du Pape. Rencontre.
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"Fréquenter le tombeau du Christ quotidiennement, c’est expérimenter tous les matins qu’il n’y a rien !" s’exclame le frère Stéphane. Le nouveau "président" du Saint-Sépulcre aime ce lieu, et il pourrait en parler des heures durant. Quand on lui fait remarquer que le terme de "président", pour un religieux franciscain, sonne étrangement, il explique que la communauté de frères qu’il dirige et qui veille sur le tombeau du Christ dépend directement du "custode" (c’est-à-dire "gardien" en latin) de Terre sainte, supérieur de tous les franciscains de la région. Depuis 1342 et le pape Clément VI, les franciscains ont la charge pour les Latins (l’Église catholique romaine) des lieux saints. En fait, ce sont les seuls religieux occidentaux autorisés en Terre sainte par les autorités musulmanes durant de longs siècles. Au Saint-Sépulcre notamment, où les franciscains vivent sans interruption depuis 1309. Arrivé à la fin d’août pour cette nouvelle mission, le frère Stéphane est marqué par ces presque quatorze siècles qui le précèdent et désire "mettre ses pas dans ceux derrière [lui], rien n’est nouveau".
Le Saint-Sépulcre, un choix radical
La vie au Saint-Sépulcre ne regarde pourtant pas qu’en arrière. Depuis le mois de mars, la basilique est occupée pour un tiers de sa surface par des travaux de réhabilitation du sol, qui ont pour objet de refaire tout le dallage. Le couvent franciscain est lui-même en réfection pour permettre aux dix frères qui y logent de vivre correctement, alors que l’insalubrité n’était pas loin. Dans le même temps, les franciscains sont "ravis" d’accueillir à nouveau de nombreux pèlerins venus voir l’Anastasis. Ce mot, signifiant "résurrection" en grec, résume mieux le sens de la prière dans ce lieu si vénérable pour tous les chrétiens. L’expérience du tombeau vide impose un choix radical de la part du croyant : crois-je, oui ou non, que le Christ n’est plus là parce qu’il est vivant à jamais ? Frère Stéphane se réfère à Marie-Madeleine : "Son expérience pousse à faire connaître la résurrection, il y a ici une Pâque permanente."
Depuis au moins 1336, les frères passent et prient dans toutes les chapelles du Saint-Sépulcre, pour actualiser les mystères de la foi.
Et pour rendre présente sans cesse la mort et la résurrection du Christ, rien de mieux que la liturgie. Enfermés dans la basilique par les Turcs pendant des siècles, les franciscains ont mis en place une procession quotidienne. Depuis au moins 1336, les frères passent et prient dans toutes les chapelles du Saint-Sépulcre, pour actualiser les mystères de la foi. De la prison du Christ à la chapelle de l’Invention de la Croix, de la colonne de la flagellation au Calvaire, pour finir au tombeau puis devant le Saint-Sacrement, présence vivante du Sauveur. C’est cette vie liturgique – il a ensuite fait une thèse sur la procession – qui conduit l’Auvergnat Stéphane Milovitch chez les franciscains. Déjà désireux de suivre le Christ dans la vie religieuse, il s’en va comme volontaire chez des sœurs dans la Vieille ville de Jérusalem. Là, le désir prend forme. Depuis trente ans, le Français est surtout Hiérosolymitain (gentilé de Jérusalem), même si son ministère l’a aussi conduit à Bethléem.
Un laboratoire concret de l'œcuménisme
Dans la Ville sainte, où une cinquantaine de nations sont représentées, le frère Stéphane est plus frère que Français. En particulier quand, tout au long du jour, il prie auprès du tombeau vide. La liturgie des heures qui scande la journée, entre matines et complies, mais aussi les messes, quinze par jour en rite latin, est l’occasion de porter au Seigneur, au nom de l’Église catholique, "les prières de tous, des Juifs, des musulmans". Et des autres confessions chrétiennes. Le Saint-Sépulcre est en effet le laboratoire très concret de l’œcuménisme, appelé comme Jérusalem à être un "lieu de communion". Six communautés, en particulier les Arméniens apostoliques et les Grecs-orthodoxes, cohabitent avec les franciscains latins pour garder le tombeau. Si "les communautés sont différentes par la langue, la culture, la liturgie", elles vivent la même "foi au Christ ressuscité". Certes, comme des membres d’une même famille peuvent se disputer, il existe des sujets de tension. Mais Jérusalem est le seul endroit où "les gens vivent dans leur jus, où humainement et culturellement le gens vivent ensemble".
Assurément, frère Stéphane est un franciscain. Vivre sur cette terre où la présence des fils de saint François d’Assise est très ancrée correspond bien au profond désir du poverello parti discuter à Damiette avec un sultan musulman : avoir une "vision transversale" du monde, être "ouvert aux autres", tous regardés comme "sauvés par le Christ". Le tombeau vide du Saint-Sépulcre en est sans aucun doute le témoignage vivifiant.