Campagne de Carême 2025
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Redécouvrir J.R.R Tolkien et son œuvre extraordinaire : c'est ce que propose le collège des Bernardins avec l'exposition "Aubusson tisse Tolkien", du 21 mars au 18 mai 2025, pour le 70e anniversaire de la trilogie Le Seigneur des Anneaux. Quinze tapis et tapisseries issus de la Cité internationale de la tapisserie d'Aubusson seront exposés rue de Poissy, adaptés des œuvres graphiques de J.R.R Tolkien et en lien avec ses principaux ouvrages. Ces pièces ont été minutieusement réalisées au sein des manufactures et ateliers d'Aubusson dont le savoir-faire pluriséculaire.
Si Tolkien est surtout connu pour ses ouvrages et son incontestable talent de conteur, l'auteur du Seigneur des anneaux et du Hobbit était aussi un dessinateur, un passionné de musique et un mélomane, un fervent catholique, un père de famille... C'est dans toutes ces dimensions que le collège des Bernardins propose de faire découvrir et redécouvrir l'auteur britannique grâce à une riche programmation autour de l'exposition, intégrant conférences et tables rondes, lectures des œuvres de Tolkien, diffusion de la célèbre trilogie Le Seigneur des Anneaux... "Tolkien est un vecteur très intéressant qui fait dialoguer le fantastique et le chrétien", explique à Aleteia Jean Chausse, commissaire de l'exposition, membre de la Tolkien Society et auteur du livre Le Dieu de Tolkien (Première partie).

Aleteia : Pourquoi une exposition sur Tolkien au collège des Bernardins ?
Jean Chausse : La vocation des Bernardins est de constituer une passerelle entre l'Église catholique et la société civile, un lieu où deux mondes se rencontrent. C'est le rôle voulu par le cardinal Lustiger lors de la restauration du collège, pensé pour devenir un lieu de dialogue et de rencontre. Dans cet esprit, Tolkien est particulièrement adapté pour répondre à cet objectif. Il est l'un des auteurs les plus lus au monde et ses livres ont touché un public extrêmement large. Il est un vecteur très intéressant pour faire dialoguer le côté fantastique et le côté chrétien.
Quelle place la foi de Tolkien prenait-elle dans sa vie ?
Tolkien est né anglican. Sa mère se convertit au catholicisme à la mort de son époux, et entraine dans sa conversion ses enfants. Tolkien a alors 8 ans. Or, dans l'Angleterre de l'époque, l'abandon de la foi anglicane était très peu accepté, vécu comme une trahison, ce qui a conduit à la mise ban de sa mère, à la fois par la société et par sa famille. Refusant de revenir sur son choix, la mère de Tolkien a voulu que ses enfants soient catholiques et les a confiés à un tuteur qui était prêtre, le père Francis Morgan de l'oratoire de Birmingham. Lorsqu'elle meurt à son tour, Tolkien n'a que 12 ans. Il vivra toute sa vie avec l'image d'une mère "martyre", affirmant que "la grâce coule dans mes veines grâce au martyre de ma mère". Toute sa vie, il est resté pratiquant. Il assistait à la messe, se confessait une fois par semaine, récitait le chapelet tous les jours. Des traces de cette foi peuvent encore être retrouvées dans les lettres qu'il écrivait à ses fils pendant la Seconde Guerre mondiale, dans lesquelles il disait avoir une "faim dévorante pour le Saint Sacrement" ou encore "Je suis tombé amoureux du Saint Sacrement".

Peut-on dire que cette foi ne transparait pas dans ses œuvres ? à l'inverse par exemple de son ami anglican C.S Lewis ? D'où vient ce choix de l'auteur, comment l'expliquer ?
Tolkien détestait l'allégorie. Il avait pour habitude de dire : "Je déteste l'allégorie et ce depuis mon plus jeune âge, depuis que j'ai été assez grand pour la détecter". Il ne voulait pas que la religion soit apparente car il considérait qu'un trop plein d'apologétique aurait pu rebuter ses lecteurs. Il a donc gommé les aspects trop ouvertement religieux. Pour autant, ce sont des œuvres religieuses, lui-même l'a dit dans une lettre : "Le Seigneur des Anneaux est entièrement catholique, inconsciemment dans sa rédaction, mais consciemment dans sa révision". Lorsqu'il est devenu célèbre à la fin des années 1960, une journaliste lui a demandé des éléments biographiques pour un article. Tout en refusant de donner des éléments de détails sur sa vie personnelle, il mentionne bien sa religion sans s'en cacher, affirmant être "chrétien, ce qui se voit dans mon livre, et en l'occurrence catholique romain, ce qui est plus difficile à déceler". Un de ses lecteurs, agnostique, lui a écrit que son livre "irradie de spiritualité comme éclairé par une lampe invisible". Ce choix est infiniment plus efficace car le lecteur absorbe cette foi sans s'en rendre compte. On retrouve notamment des éléments propres à la foi chrétienne dans Le Seigneur des Anneaux, comme la résistance au mal, l'idée de tentation, l'acceptation du sacrifice ou encore l'acceptation de la mort. Dans le Conte d'Aragorn et Arwen, on retrouve aussi un discours plein d'espérance et dans Feuille, de Niggle Tolkien parle clairement du purgatoire et de la vie éternelle. Tolkien a écrit des milliers de pages sur la Terre du milieu qu'il n'a jamais publiées, ses écrits posthumes témoignent plus de cette foi visible. Un des textes les plus emblématiques à cet égard, qui n'a pas encore été traduit en français, sera lu dans le cadre de la programmation culturelle de l'exposition : il s'agit du dialogue d'Andreth et de Finrod', qui évoque surtout la question de l'immortalité et du destin après la mort. Au-delà des aspects religieux, c'est un des plus grands conteurs de l'humanité, doté d'un don fabuleux pour raconter les histoires. Découvrir ce monde, c'est partir pour un voyage.
