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Les pièges de l’indolence estivale

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Granger Coll NY / Aurimages

"Le pays de Cocagne" de Pieter Brueghel l'Ancien (1525-1569).

Jean-François Thomas, sj - publié le 15/07/22

Les vacances sont l’occasion de se poser, de retrouver la paix de l’âme, de partager des joies, et non point l’occasion de faire éclater les barrières dans tous les excès.

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Le temps des vacances est généralement synonyme de farniente, d’inactivité, de mise entre parenthèse de tout travail, d’oubli de l’effort, de la mise à distance des soucis quotidiens et ordinaires. Il hésite toujours entre paisible indolence et franche paresse, oubliant souvent les règles de l’équilibre qui gèrent le reste de l’année. Temps où on « s’éclate », où on « se fait plaisir », en dépassant les limites, y compris parfois celles de la bienséance. Il est dommage qu’un chrétien se jette lui-même à corps perdu dans une telle recherche, oubliant qu’il n’existe aucun jour où le laisser-aller pourrait prendre le pas sur le contrôle et l’harmonie. Une telle exigence n’est point le refus frileux de se détendre, mais au contraire la juste place à réserver à certains divertissements légitimes qui ne s’opposent nullement à une vie intellectuelle et spirituelle.

Les doigts de pied en éventail et les multiples activités de loisir ne suffisent pas à remplir une vie, pas même une tranche de celle-ci. L’été ne signifie pas que l’intelligence est mise en veilleuse et que l’âme doit jeûner. Sinon, la détente cache simplement une paresse qui risque bien de ne pas être passagère. De plus en plus, il est facile de constater que dans le travail, beaucoup de personnes ne donnent pas ensuite le meilleur d’elles-mêmes mais y répondent en traînant les pieds et en soupirant, uniquement tendues vers les prochaines vacances.

La stupide paresse

Dans ses Proverbes, le roi Salomon note combien l’homme paresseux est loin de la sagesse : « Le paresseux dit : Un lion est dans la voie, et une lionne dans les chemins. Comme une porte tourne sur son gond, ainsi fait le paresseux dans son lit. Le paresseux cache sa main sous son aisselle, et il est fatigué, s’il la porte à sa bouche. Le paresseux se croit plus sage que sept hommes qui prononcent des sentences » (Pr 26, 13-16). Le peintre Pieter Brueghel peignit, en 1567, un tableau étonnant intitulé Le pays des gens paresseux. Il fut inspiré par le poème satirique de Sebastian Brant en 1494, Le navire des fous, repris ensuite par Hans Sachs à Nuremberg en 1536, puis à Anvers dans un conte en 1546. Brueghel illustre ainsi le proverbe flamand : « Il n’y a rien de plus stupide qu’un doux paresseux. » Il dénonce l’utopie de la prospérité et de l’oisiveté alors que débute une guerre particulièrement sanglante pour les Pays-Bas avec l’entrée du duc d’Albe à la tête des troupes espagnoles.

Le peintre est sévère, sans pitié, et son œuvre est plus terrible que le sermon le plus ardent.

Les Anglais ont mal traduit le titre néerlandais en Pays de Cockaigne, pays de cocagne, ce qui est à l’opposé de la dénonciation du peintre sans illusion sur le sens du sacrifice des hommes. Il montre d’ailleurs que toutes les catégories de la société sont touchées par cette indolence suicidaire. Trois hommes sont plongés dans un profond sommeil, débraillés et repus, sous une table attachée à un arbre : un clerc enivré par le vin lui coulant directement dans le gosier tandis que son livre de prières est négligé à ses côtés, un soldat ayant déposé les armes et un paysan endormi près de son fléau. Il semble bien que la volaille rôtie sur un plat d’argent, formant comme le quatrième rayon de cette roue humaine, soit le symbole du noble défait par les Espagnols.

À l’écart, un chevalier armé, gardien de ce pays de paresseux se contente d’ouvrir la bouche pour y recevoir un pigeon rôti, tandis qu’il sort d’un appentis dont le toit est couvert de pâtisseries diverses. Image d’un pique-nique plantureux, qui pourrait se dérouler sur une plage, image d’insouciance conduisant à la catastrophe. Le peintre est sévère, sans pitié, et son œuvre est plus terrible que le sermon le plus ardent. Ces hommes ne se gavent pas simplement de nourritures terrestres : ils sont infidèles à leur devoir d’état en délaissant leurs occupations vitales pour le bien commun, ceci dans des circonstances plus que critique pour le pays.

Un piège de Satan

L’ère des « congés payés » — pour légitimes que fussent ces derniers, a peu à peu conduit notre société à s’étourdir dans le pur divertissement dénoncé par Pascal dans ses Pensées qui souligne combien l’homme a trouvé ce stratagème pour ne point penser à la mort, à la misère et à l’ignorance. Nous nous sommes jetés tête première dans ce pays de Cocagne censé combler tous nos désirs, peut-être obscurément attirés par une sorte de paradis perdu qui serait ainsi miraculeusement recouvré, pour un temps très court. Dans le conte ancien, le narrateur ne retrouve pas le chemin de ce pays béni où tous les plaisirs sont permis et où l’indolence remplace l’effort. Qui ne rêverait d’un tel royaume ! La conclusion est d’ailleurs très morale. Il invite ses auditeurs de cette façon : « Si vous êtes bien sur votre terre, ne cherchez pas à en sortir, car à vouloir changer, on perd. » Il est donc préférable d’embrasser sa destinée, de ne pas succomber à la paresse qui est un piège de Satan. Ce dernier est, lui, toujours très appliqué à agir contre nous et il ne prend pas de repos. Il est le Mal, mais il ne s’intéresse pas au divertissement.

Des semaines bénies

La détente est nécessaire, mais sans quelle sombre dans la distraction car cette dernière — telle est son étymologie, détruit en mettant en pièces celui qui s’y adonne. N’ayez crainte, ces lignes ne sont pas là pour vous empêcher de tourner en rond et de souffler, avec votre famille et vos amis. Simplement, y compris dans le repos bien mérité, n’oublions pas notre esprit et notre âme, sachons choisir ce qui est bon, beau, sain. Les vacances ne sont pas vacuité, vide. Elles sont l’occasion de se poser, de retrouver la paix de l’âme, de partager des joies, et non point l’occasion de faire éclater les barrières en épousant tous les excès. Le monde nous pousse à la paresse, c’est-à-dire à cet état où, pour fuir l’ennui et le dégoût, nous nous précipitons vers des aliments de mauvaise qualité, empoisonnés. L’agression est subtile et il faut être aux aguets pour échapper au piège. Si notre été est un temps de fureur, de vacarme, de débordements, d’abus, un temps où nous mettons entre parenthèse la vie de notre intelligence et celle de notre âme, alors nous nous retrouvons allongés comme des bêtes aux côtés des hommes peints par Brueghel.

Prenons le temps de cultiver notre vie intérieure durant ces semaines bénies. Soyons curieux de sagesse et de beauté. Contemplons le jardin de nos ancêtres et accueillons leur héritage. Notre nature n’est ni celle du serpent, ni celle de la cigale, ni celle du chat ou du singe paresseux. Dieu nous a créés pour que notre âme soit sans repos dans notre désir d’être de plus en plus conformes à son image. Tout y participe et aucun aspect de notre existence n’y est étranger. À nous de savoir utiliser les instruments bénéfiques pour que l’indolence ne nous saisisse pas et pour que notre repos produise encore du fruit. L’été est une saison privilégiée. Ne la gâchons pas par la médiocrité.

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