Une histoire glaçante : un gynécologue américain, spécialiste de la fertilité, a reconnu avoir inséminé sur une durée d’au moins vingt ans ses patientes avec son propre sperme, à leur insu. Il a trompé des couples qui pensaient recourir à un tiers-donneur anonyme. Il a trompé des couples qui engageaient un traitement sans tiers donneur, et donc se croyaient tous deux parents biologiques. Cela se passe à Indianapolis, les faits ont été dévoilés après qu’une jeune femme, à l’issue d’un simple test ADN, découvre l’existence de sept demi-frères et sœurs… alors qu’elle est fille unique. Elle connaissait les conditions de sa conception, à savoir une insémination artificielle avec donneur anonyme. Elle découvre avec effarement que l’étendue de sa parentèle, plus précisément de sa fratrie, ne cesse d’augmenter.
La révolte des victimes
En effet, lors de son premier témoignage public, certains adultes sont étonnés de déceler entre eux et elle une ressemblance physique frappante et déclenchent eux aussi une enquête. D’autres sont mis sur la piste à l’occasion d’un test génétique à visée médicale, ou même simplement "ludique". À ce jour, plus de 90 personnes ont découvert que leur père n’est pas celui qui les a élevées, mais un individu abuseur. Et le compte n’est pas fini. Ce docteur Cline reconnaîtra puis niera les faits et écopera, à la suite de son mensonge au procureur, d’une amende de… 500 dollars pour entrave à la justice. On ne peut pas mettre de mots sur la révolte des victimes.
Qui sont les victimes ? À l’évidence tous ces adultes issus de ces inséminations frauduleuses. Ils sont des dizaines à vivre dans un rayon de 40 kilomètres, et certains se connaissaient déjà avant de découvrir leur lien de parenté ! La peur de l’inceste est présente dans tous les témoignages. Mais sont aussi victimes ces maris qui découvrent n’être pas le père biologique de leur enfant : "Il m’a tout pris", dit l’un d’eux.
Le ressenti douloureux de l’abus sexuel
Et ce qui est frappant c’est le sentiment d’injustice vécu par toutes ces mères, elles aussi victimes. Elles déclarent s’être senties l’objet d’une violation sexuelle, d’une agression sexuelle de la part de ce médecin. Or ce fait ne sera pas jugé comme tel en raison de l’absence de violence physique, de leur consentement à l’insémination artificielle, et du défaut de contrôle de l’origine des gamètes à l’époque. Et aucune loi ne prévoit de punir la fraude sur le don de gamètes. Cependant, à les écouter, leur révolte porte moins sur la fraude aux gamètes que sur ce ressenti physique de viol, d’agression intime.
Désolidariser artificiellement l’acte amoureux et sexuel de la fertilité ouvre malheureusement une porte aux abus effarants dont ce documentaire témoigne, et à d’autres déjà révélés.
De quoi s’agit-il en réalité ? D’une injustice ressentie de façon extrêmement profonde, viscérale : car précisément, fertilité, sexualité, amour et don de soi, sont si intimement unis que lorsqu’une des pièces de ce tout qui nous constitue est attaquée, alors les autres pièces sont ébranlées elles aussi. On le voit bien : ici ces femmes sont flouées dans l’exercice consenti de leur fertilité, cependant leur corps et leur psychisme crie à l’abus sexuel. Désolidariser artificiellement l’acte amoureux et sexuel de la fertilité ouvre malheureusement une porte aux abus effarants dont ce documentaire témoigne, et à d’autres déjà révélés. Mais cela a également un effet révoltant : le ressenti douloureux de l’abus sexuel, ressenti qui ne peut être dénié, est malgré tout ignoré par la justice.
L’unité entre le sexe et l’amour
Ceci nous révèle en creux, et dans la désolation, la justesse infinie d’une vision intégrale de la personne humaine. Affirmer que sexualité, fertilité et amour sont les trois faces d’une même réalité, sont les trois faces du don de la personne, relève de la la vision la plus cohérente qui soit. Au lieu de nous focaliser sur ce que le respect de cette unité remet en cause comme pratiques (PMA, contraception, GPA) comprenons plutôt et d’abord en quoi elle nous protège. Elle protège les femmes de tous ceux qui voudraient opérer une mainmise sur leur désir d’enfant, désir légitime, désir qui prend aux tripes, et qui rend aussi vulnérable que la peur de l’enfant non-désiré. Cette histoire, relayée par le documentaire Our father de Lucie Jourdan (Netflix), n’est pas à prendre comme un simple fait divers, ni comme le geste isolé d’un lanceur d’alerte. Elle montre à quel point une anthropologie saine est nécessaire et prophétique : ceux qui, depuis Humanae Vitæ promeuvent avec courage et intelligence une vision unifiée du corps, du sexe, de la fertilité et de l’amour sont manifestement visionnaires. Ils ont les mots qui permettront aux victimes de se sentir comprises, ils ont les mots qui permettront aux femmes de demain de ne plus voir d’autres disposer de leur corps, c’est-à-dire d’être vraiment libres.