Osons le dire : le christianisme est féministe, c’est dans ses gènes. Quoi, me direz-vous, féministe ? Et la parité dans l’Église, alors ? Combien de femmes prêtres ? Zéro. Donc… zéro femmes évêque ou pape. On voit où est le pouvoir. Raisonnons autrement : le pouvoir n’est pas là où on croit qu’il se trouve. Avouons au passage que le prétendu pouvoir des prêtres est une vue de l’esprit : je ne connais personne qui se soit empêché de mentir ou voler par peur que le curé de la paroisse ne l’envoie moisir dans des geôles catholiques. En revanche, la peur de l’inspecteur des impôts ou du redressement fiscal, j’en ai déjà entendu parler. Je ne connais personne que le pape ait personnellement menacé de l’exclure de l’Église catholique s’il continuait de sécher la messe. En revanche, des pauvres parents d’élèves paniquant à l’idée d’être convoqués par le directeur de leur petit chéri absentéiste, on en a connus. Ne surestimons donc pas exagérément le pouvoir des clercs sur la communauté des chrétiens…
Suivre le Christ a conduit de nombreuses femmes, dès le début du christianisme, à rompre leurs attaches sociales, à tourner le dos à un destin d’épouse et mère.
Ces chrétiennes qui cassent les codes
Le génie du christianisme est, en réalité, d’avoir déplacé et même subverti l’exercice du pouvoir, et notamment grâce aux femmes. Là où les sociétés romaines et grecques reléguaient les femmes à leur fonction domestique ou matrimoniale, le christianisme a ouvert la voie à de nouveaux destins. Une femme ne doit plus nécessairement appartenir à la case épouse et mère, prêtresse, ou prostituée. Suivre le Christ a conduit de nombreuses femmes, dès le début du christianisme, à rompre leurs attaches sociales, à tourner le dos à un destin d’épouse et mère : ce furent les saintes Blandine, Agathe, Félicité et Perpétue, dont les noms sont entrés dans l’histoire au point qu’on les cite partout dans le monde au cours des liturgies dominicales.
L’Église n’a eu de cesse de susciter et rendre possible ces trajectoires atypiques, et de les proposer comme modèles : non pas des modèles figés, mais des portraits de ce que l’amour du Christ peut insuffler de grand dans une vie.
Ce furent toutes celles qui, au nom de Jésus, cassèrent les codes de l’idéal féminin de leur milieu ou de leur époque. Une Jeanne d’Arc qui abandonna jupons et chignon pour prendre les armes, une Madeleine Delbrel qui plongea au cœur du monde ouvrier, une Jeanne de Chantal qui fonda une congrégation après avoir élevé une nombreuse famille, une Louise de Marillac qui quitta ses salons dorés pour se mettre au service des pauvres, une Germaine de Pibrac dans son étable, une Élisabeth de Hongrie dans son palais, toutes ces femmes célébrées et reconnues par l’Église sont des modèles de liberté d’esprit, d’indépendance de caractère, de force d'âme.
Des trajectoires atypiques
On reproche souvent à l’Église de « vendre » un modèle d’idéal féminin fait de soumission aux carcans masculins, un modèle bourgeois fait exclusivement d’abnégation maternelle et de passivité conjugale. Quelle erreur ! l’histoire sainte en est un démenti éclatant. L’Église n’a eu de cesse de susciter et rendre possible ces trajectoires atypiques, et de les proposer comme modèles : non pas des modèles figés, mais des portraits de ce que l’amour du Christ peut insuffler de grand dans une vie.
Nos filles peinent à trouver des modèles de femmes puissantes et libres, et pensent avoir fait le tour de la question une fois qu’elles ont vanté les biographies d’Olympe de Gouge, Marie Curie, Simone Veil et Joséphine Baker, d'où leur regard ultra-pessimiste sur la condition des femmes à travers l’histoire. Nous aurions tout intérêt à leur rappeler les Françoise Romaine, Émilie de Rodat, Bakita, Thérèse d’Avila, Madeleine-Sophie Barat, Philippine Duchesne, Catherine de Sienne, Rose de Lima, Jeanne Beretta-Molla, Marguerite-Marie Alacoque, Geneviève, et tant d’autres dans tous les pays du monde, aux parcours si variés, et en qui l’Église reconnaît de grandes dames.
Lisons et relisons à nos petites filles cette histoire qui est la nôtre, qui est la leur. Le féminisme n’est pas simplement une question de pouvoir, mais une affaire d’engagement, de capacité à engager sa vie dans une grande aventure. Tant que le christianisme durera, des femmes engagées et libres se lèveront : longue vie au féminisme !