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Plaidoyer pour l’actionnariat salarié

ACTIONNARIAT SALARIÉ
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Xavier Fontanet - publié le 11/01/22
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Ancien président d’Essilor et professeur de stratégie, Xavier Fontanet revient sur l’actionnariat salarié qu’il ne cesse de promouvoir comme solution de développement économique durable en conciliant le capital et le travail. Longtemps critiquée, la formule trouve de plus en plus d’applications, notamment pour le financement de la retraite.

L’actionnariat salarié apporte des solutions élégantes et efficaces à bien des problèmes que la France se pose en ce moment. Il est très étonnant d’en parler aussi rarement et que l’idée rencontre si peu de succès auprès des économistes. En général, les hommes politiques n’y sont pas favorables avec un argument très simple : « Vous ne pouvez pas promouvoir un système dans lequel les gens peuvent perdre à la fois leurs emplois et leurs économies. » Les entreprises familiales, pour des raisons tout à fait respectables considèrent que c’est à elles de porter le risque capitalistique et pas à leurs employés. Quant au marché financier, il a été longtemps contre. La raison étant la peur de voir les employés prendre trop de place dans les conseils et déplacer l’allocation des ressources de l’entreprise à leur avantage. 

Les choses changent

On part donc de loin et pourtant les choses changent. D’abord à cause du travail des grandes entreprises cotées, notamment celles du CAC 40. Le capital investi par les employés varie entre 50 et 75 milliards d’euros suivant les sources, soit autour de 5% de la capitalisation : sur ce plan, la France serait en avance sur ses collègues européens. La situation est en revanche beaucoup moins brillante au niveau des PME ou l’investissement varierait entre 1,5 et 2,5 milliards d’euros. 

La solution saine est de permettre au personnel d’acquérir des actions et de participer à la création de valeur par l’intermédiaire du capital qu’il détient.

Les changements viennent notamment des marchés financiers grâce à l’expérience d’un petit nombre de sociétés qui le pratique depuis plus de 25 ans. Elles démontrent dans les faits qu’elles sont plus rentables que la moyenne du fait de la motivation de leurs salariés actionnaires. C’est de nature à rassurer les investisseurs. Du côté des PME-ETI enfin, les choses changent aussi malgré tout avec le private equity qui donne au personnel l’accès au capital quand celui-ci rachète les sociétés aux familles. Au début l’accès au capital était proposé exclusivement aux dirigeants, mais avec le temps et le succès des opérations, c’est l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise qui sont associés.

L’enjeu des PME

Du côté des politiques, c’est le général de Gaulle qui avec l’intéressement et la participation a lancé l’idée de l’association du personnel aux résultats de l’entreprise. Formidable initiative mais qui avait sa limite ; il est évident qu’un gouvernement ne peut pas fixer, lui-même, la part des résultats qui revient au personnel, sauf à renier le droit de l’actionnaire à décider de l’allocation du résultat de l’entreprise où il a investi. La solution saine est de permettre au personnel d’acquérir des actions et de participer à la création de valeur par l’intermédiaire du capital qu’il détient. L’actionnariat salarié permet de répondre aux questions relatives à l’allocation de la création de valeur entre le travail et capital : les collaborateurs sont des deux côtés. C’est une solution infiniment supérieure à l’ISF qui démotive les entrepreneurs quand il ne le fait pas fuir vers d’autres pays. En plus c’est un circuit financier court !

La France redorerait son blason en favorisant fiscalement les actionnaires patients et stables.

Là où il faudrait pousser les feux, c’est évidemment dans les PME. Les champions du monde en la matière sont les Américains. Ils ont inventé ce qu’on appelle le Plan 4o1(k). Celui-ci favorise l’investissement du personnel dans un fond diversifié et c’est au moment où la famille décide de vendre une partie du capital (ou de l’augmenter pour faire des acquisitions) que le personnel y accède avec la liquidité pour le faire confortablement. Pour atténuer le risque « de mettre tous ses œufs dans le même panier », le législateur américain interdit au fond d’investir plus de 50% en actions de l’entreprise. (C’est, soit dit en passant, ce qui a sauvé les retraites des employés de General Motors dont le fond était investi largement en actions... Google.) 

L’option habile que pourrait jouer l’État dans cette affaire serait de baisser la fiscalité des plus-values dans le cas où les familles vendent à leur personnel ; il pourrait aussi, pour être incitatif, baisser des droits de succession pour les familles qui ont ainsi ouvert le capital à leur personnel. Le fin du fin serait enfin de baisser les impositions sur les plus-values pour de très longues détentions (plus de 25 ans par exemple). La France redorerait son blason en favorisant fiscalement les actionnaires patients et stables.

Le financement de la retraite

On en arrive naturellement à l’une des dimensions les plus intéressantes de l’actionnariat salarié qui peut contribuer au financement de la retraite. Une personne qui a investi 5% de son salaire pendant 45 années dans un fonds correctement investi, construit un complément de retraite de l’ordre de grandeur de sa retraite légale. Il n’a pas été assez expliqué à quel point la décision de François Mitterrand il y a maintenant quarante ans d’avancer l’âge de départ à la retraite et de miser 100% sur la répartition a été une erreur calamiteuse quand on sait que, depuis, les résultats de la Bourse ont été multipliés par 13 ! C’est probablement parce que la grande majorité des économistes ont soutenu et soutiennent la répartition (souvent pour des raisons idéologiques, « capital » étant un mot honni). Cette décision a élevé le coût de la retraite à 14% du PIB, alors que ce chiffre est moitié moindre dans les pays qui ont choisi la capitalisation. Par voie de conséquence, les comptes des entreprises sont plombés qui doivent intégrer ce surcoût dans leur prix de revient et cela gêne les industriels qui exportent car leurs concurrents étrangers ont des charges inférieures. 

Plus tard, sous le quinquennat de François Hollande (2012-2017) les gouvernements considéraient l’actionnariat salarié comme une vache à lait, notamment en augmentant le forfait social (nom donné à la taxe que payent les entreprises qui distribuent des actions à leur personnel). Il faut reconnaître au gouvernement actuel le mérite d’avoir effacé ces funestes erreurs. De plus, il a lancé une piste intéressante avec la capacité d’investir avec des taux de fiscalité favorables jusqu’à 10.000 euros par an. C’est une prémisse du Plan 4o1(k) et donc un premier pas. Il faut aller beaucoup plus loin : l’actionnariat salarié devrait être mis à l’agenda de tous les programmes présidentiels.

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