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Novembre, mois des feuilles mortes… et du souvenir. Cette année, les commémorations nationales abondent : le 9 novembre, 51e anniversaire de la mort du général de Gaulle ; le 11, hommage aux soldats victimes de la Guerre 14-18 et cérémonie d’inhumation au Mont-Valérien du dernier Compagnon de la Libération, Hubert Germain, décédé à 101 ans ; le 30, intronisation au Panthéon de l’artiste franco-américaine et résistante gaulliste Joséphine Baker ; première femme noire, aussi, à reposer dans la nécropole laïque. Un vrai parcours de combattant du souvenir ! Dans une société tout le temps empressée, se laissant complaisamment emportée par l’écume de commentaires éphémères, se souvenir est une opportunité pour se poser, pour réfléchir et pour s’approfondir. Les chrétiens qui se réfèrent à Quelqu’un qui leur a dit : « Faites cela en mémoire de moi », devraient être, en ce temps de grandes peurs et amnésies, des combattants de première ligne du souvenir, du « faire mémoire ». Pas pour se bercer d’une vaine nostalgie plus ou moins altière et stérile, mais pour vaillamment entretenir la flamme de la fidélité, afin qu’elle éclaire les ténèbres du présent et éclaircisse l’horizon du ciel.
Méditer sur notre responsabilité
Le 2 novembre dernier, le pape François a honoré cette journée, dédiée à tous les fidèles défunts, en visitant le cimetière militaire français de Rome. Avant de célébrer la messe, il a longuement déambulé en silence, au milieu des tombes, avec des roses blanches à la main. Dans son homélie improvisée, le Pape a fait cette confidence : « Je me suis arrêté devant une tombe avec cette inscription : “Soldat inconnu, mort pour la France”. L’anonymat, voilà la tragédie de la guerre. Mais personne n’est anonyme dans le cœur de Dieu… » Depuis qu’il est évêque de Rome, François nous a habitués à ses pèlerinages dans des cimetières. Comme s’il cherchait ainsi à ce que nous suivions son exemple en nous rendant plus souvent sur des lieux de mémoires. Pas seulement pour lutter contre l’oubli et par devoir de gratitude. Mais aussi pour méditer sur notre responsabilité : qu’avons-nous fait de cette liberté qui nous a été léguée au prix du sang ?
L’art d’être grand-père occupant désormais une partie de ma vie, j’ai pu emmener mes petits-enfants visiter la plus grande nécropole militaire de France. Elle se trouve sur la colline de Notre-Dame-de-Lorette, dans le Pas-de-Calais. 45.000 combattants y reposent. Des croix à perte de vue, mais aussi des étoiles de David et des tombes musulmanes. C’est ce qui bouleversa les enfants : que tant de jeunes hommes de croyances différentes, et à qui on n’avait pas laissé le choix, soient morts ici, en Artois, si loin de chez eux ! Ils furent aussi impressionnés par l’hommage rendu aux 600.000 soldats tués dans le Nord-Pas-de-Calais entre 1914 et 1918 : leurs noms sont gravés, sans distinction de nationalité, de grade ou de religion sur un monumental Anneau de la mémoire. Pas de mémoires sélectives en ce haut lieu du souvenir : chaque nom invoque la fraternité.
Au milieu des tombes, une basilique
Au milieu de cette mer de sépulcres, se dresse une basilique. Elle a été érigée en l’honneur de tous les morts des batailles d’Artois, selon le souhait de Mgr Eugène Julien, évêque d’Arras de 1917 à 1930. Son projet avait bénéficié du soutien des autorités politiques de l’époque. Ardent avocat de la paix et de la justice sociale, Mgr Julien avait aussi beaucoup œuvré à l’insertion des catholiques dans la République. Il fut un facilitateur de liens entre l’Église et l’État laïque. La présence d’un édifice religieux dans un cimetière national militaire pourrait sembler insolite aujourd’hui. Il rappelle le temps de « l’union sacrée » qui s’imposa aux esprits après la « boucherie » de la Grande Guerre. Il rappelle que la société et l’Église auront toujours besoin de facilitateurs de liens entre elles, pour continuer à marcher ensemble. Il rappelle enfin, comme le souligne le cardinal archevêque de Malines-Bruxelles, Joseph de Kesel, dans son livre Foi et Religion dans une société moderne (Salvator) que « le christianisme est une religion historique qui ne peut se définir sans le monde ». Qui peut donc encore moins oublier les blessures et les leçons de l’histoire.
Oui, les chrétiens ont le culte du souvenir, car si Dieu est présent dans l’histoire, il leur parle à travers les hommes et les événements qui la tissent.