Un dernier vote au pas de charge. Les députés ont adopté pour la troisième et dernière fois, dans la nuit de mercredi à jeudi 10 juin, le projet de loi bioéthique à 83 voix contre 43 et 3 abstentions. Le Sénat va l’examiner à son tour à partir du 24 juin pour une dernière fois avant de laisser l’Assemblée nationale trancher le 29 juin.
Ce qui a été voté
Que contient le texte qui vient d’être adopté par les députés ? Sans surprise l’article 1er ouvrant la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules a été voté. Des couples de femmes pourront "s'inscrire dans des parcours PMA dès la rentrée", a promis le ministre de la Santé Olivier Véran en préambule des débats à l’Assemblée. La PMA sera par ailleurs intégralement remboursée par la Sécurité sociale.
Concernant l’accès aux origines, les députés ont voté une disposition permettant aux enfants nés de PMA d’avoir accès à des données non identifiantes (âge, caractéristiques physiques, etc.) du donneur et, s'ils le souhaitent, à son identité. Cela implique que les donneurs de gamètes devront désormais accepter que leur identité puisse un jour être révélée à l'enfant né de ce don. Face au recul de l'âge de la maternité et au risque consécutif d'infertilité, ils ont également approuvé l’autoconservation de gamètes pour des grossesses futures.
Les députés ont à nouveau voté, en cas de recours à la PMA dans un couple de femmes, pour une filiation établie via une "reconnaissance anticipée conjointe". La femme qui accouche, c’est-à-dire la mère, verra sa filiation reconnue par l’accouchement tandis que l’autre femme, sa conjointe, verra sa filiation établie par un acte signé devant notaire.
L’article 14 du texte vise à "encadrer les recherches sur l’embryon, les cellules souches embryonnaires et les cellules souches pluripotentes induites". Il autorise désormais la recherche sur l’embryon humain jusqu’à 14 jours contre 7 jusqu’à présent. Les protocoles de recherche conduits sur les cellules souches embryonnaires sont désormais soumis à une simple déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine préalablement à leur mise en œuvre (et non une autorisation de cette dernière).
L’article 17 du texte confirme quant à lui que "la modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces est interdite." Mais il sera possible, "dans le cadre de protocoles de recherche conduits sur des cellules souches pluripotentes induites humaines", d’insérer ces cellules dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle. En d’autres termes le projet de loi texte n’autorise pas (pour le moment) d’introduire des cellules animales dans l’embryon humain (pas de chimère homme-animal donc) mais l’inverse, "chimère animal-homme" sera possible.
Ce à quoi nous avons échappé
Les députés ont à nouveau rejeté la PMA post-mortem, avec les gamètes d'un conjoint décédé ainsi l'ouverture de la PMA aux hommes transgenres. Ils ont également rejeté le don d’ovocytes dans un couple de femmes. Cette technique dite Ropa (Réception d’ovules du partenaire) consiste à permettre à une femme d’avoir un enfant conçu par fécondation in vitro (FIV) avec, d’un côté, les ovocytes de sa compagne et, de l’autre, le sperme d’un donneur anonyme. Si ces dispositions restent interdites dans ce projet de loi bioéthique, elles pourraient bien être autorisées dans les prochaines années. "Il y a effectivement des avancées possibles probables et qui dans l’avenir viendront comme la ROPA, la PMA de volonté survivante (comprendre PMA post-mortem, ndlr), PMA accessible aux personnes transgenres…", a ainsi prévenu Jean-Louis Touraine (LREM), rapporteur du texte, début juin.
Si la gestation pour autrui (GPA) ne fait pas partie du texte, elle est, pour de nombreux députés, la suite logique de la PMA pour toutes les femmes. Elle pourrait ainsi être mise sur la table lors de la prochaine révision des lois de bioéthique, dans sept ans. Sujet très sensible, la reconnaissance de la filiation des enfants nés de GPA à l’étranger a également donné lieu à de vifs échanges. Le projet de loi prévoit que la reconnaissance de la filiation d'une gestation pour autrui (GPA) à l'étranger soit "appréciée au regard de la loi française".
Les députés ont rejeté l’amendement porté par plusieurs députés de la France Insoumise (LFI) proposant d’autoriser l’interruption médicale de grossesse (IMG), permis pendant neuf mois, pour cause de "détresse psychosociale". Cet amendement avait été voté par les députés en deuxième lecture en août 2020. Parce qu’il est invérifiable, le critère de "détresse psychosociale" pourrait en effet mener à détourner le dispositif de l’IMG quand le délai de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est passé.