Lorsque Luther placarde sur les portes de l’église de Wittenberg ses 95 thèses critiques de l’Église romaine, les coups portés au christianisme de son temps n’avaient pas fini de résonner… Si l’intention initiale n’était point pour le jeune théologien de provoquer un schisme, rapidement, les évènements conduiront cependant à une séparation définitive. Désormais, la Bible et le chant seront les deux piliers indissociables qui accompagneront la volonté réformatrice de Luther.Le profond amour de Luther (1483-1548) pour la prière l’avait déjà conduit à une connaissance intime du chant grégorien. Mais, en plus de cette pratique rituelle, le jeune homme avait également très tôt goûté au charme de la polyphonie et au luth grâce à la solide éducation musicale qu’il reçut à Eisenach. L’art du chant, de la danse et de la composition seront toujours familiers pour cet esprit qui sera rapidement capable de mettre en musique des chants populaires. Puis, ce seront les psaumes qui feront l’objet d’un attrait tout particulier et qu’il apprendra très tôt à harmoniser. Cet amour de la musique et du chant conduira Luther à rencontrer les plus grands musiciens de son époque notamment le fameux Josquin des Prés à Rome.
La Réforme et le chant
Le coup de tonnerre entraîné par la séparation avec l’Église romaine allait provoquer de nombreuses secousses irréversibles. L’une d’entre elles allait concerner la liturgie du culte pour laquelle Luther entendait bien également imposer des réformes. Ainsi, à côté de la prédication qui demeurera essentielle, le chant de la communauté réunie constituera également rapidement un des piliers de la Réforme. Cette pratique primordiale du chant n’était nullement pour ce réformateur un pur décorum, mais devait encourager une réelle participation profonde et directe de tous les fidèles au culte divin. Ainsi, Luther affirmera-t-il : « La musique mérite d’être hautement louée, juste après la Parole de Dieu ». Ce « splendide don de Dieu », tel qu’il le nommait, va occuper dès lors une place centrale dans la liturgie nécessitant que les fidèles y soient initiés dès le plus jeune âge dans des écoles et des paroisses sous la direction d’un chantre, dénommé à l’époque cantor.
Les cantiques luthériens
Afin de parfaire cette éducation musicale au chant liturgique, des recueils de cantiques seront également rapidement constitués et porteront le nom de geistliches Gesangbuchlein. Luther composera lui-même trente-six cantiques à partir de textes allemands, dont certains seront des adaptations de psaumes. Les noms de ces derniers sont pour beaucoup passés depuis à la postérité tel le fameux cantique C’est un rempart que notre Dieu… (Eine feste Burg ist unser Gott…) ou encore Christ gisait dans les liens de la mort…(Christ lag in Todesbanden…) ; des cantiques dont Bach s’inspirera pour certaines de ses compositions.
Ainsi, si la messe luthérienne ne sera pas initialement si différente de la messe romaine, celle-ci cependant incitera et encouragera vivement tous les fidèles à y participer par le chant, un chant à l’unisson, souvent sans instrument ou alors accompagné discrètement d’un orgue. Soulignons, enfin, que le grégorien ainsi que la polyphonie demeureront également parallèlement présents dans la liturgie luthérienne dans laquelle cohabitent encore le latin et l’allemand.
Une place de la musique déterminante pour l’avenir
Le legs laissé par Luther quant à la musique sacrée demeure essentiel. Ses cantiques dépasseront non seulement les frontières pour influencer les Réformés français, mais auront également valeur d’exemple à suivre pour de grands compositeurs de langue allemande à venir tels que Heinrich Schütz (1585-1672), Dietrich Buxtehude (1637-1707), et bien sûr, le grand Jean-Sébastien Bach (1685-1750). Chacun de ces grands compositeurs saura reconnaître la dette contractée auprès de Luther et de son action en faveur de la musique, une base sur laquelle ces grands génies pourront pleinement développer par leurs propres compositions le langage musical dévoué à la musique sacrée.
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