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L’Esprit saint pousse Jésus au désert. En voilà des manières ! Et puisque Jésus est uni aux chrétiens comme la tête au corps, nous voici entraînés au désert à sa suite. Ce que Jésus a vécu, il nous faut le vivre à sa suite, c’est la loi d’airain de la vie chrétienne. Bienvenue dans le temps du carême ! Nous aurions tort de résister : « Ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu » (Rm 8, 14). Si nous sommes entraînés au désert par l’Esprit, c’est que nous sommes d’authentiques enfants de Dieu par notre baptême : ce n’est pas un hasard si le récit des tentations de Jésus au désert suit immédiatement celui de son baptême au Jourdain. Être baptisé, c’est tôt ou tard être entraîné au désert.
Au désert, avec toute la Création
Au désert, Jésus et nous-mêmes ne sommes pas seuls. L’Esprit saint est là, bien sûr, et aussi les anges qui nous servent. Pour un désert, c’est une solitude bien peuplée, surtout si on y ajoute la compagnie des bêtes sauvages, et celle de Satan dont on se serait bien passé. Le combat du carême n’est donc pas un combat solitaire. L’Église entière, au Ciel sur la terre, avec les saints et les anges, entre avec nous dans ce carême.
On croit souvent que les bêtes sauvages autour de Jésus représentent les tentations et les assauts du démon. Mais la première lecture de ce premier dimanche de carême (Gn 9, 8-15), en nous transportant avec Noé dans l’Arche au milieu des animaux, suggère autre chose : le carême est aussi ce temps où l’homme peut retrouver le sens de la solidarité avec le monde créé. C’est toute la Création qui « gémit dans les douleurs de l’enfantement » (Rm 8, 18) et qui, d’une manière mystérieuse, est appelée à ressusciter avec l’homme au terme du carême. Nous avons quarante jours pour retrouver une relation ajustée non seulement avec Dieu mais, par sa grâce, également avec le monde, les animaux, la nature.
L’épreuve du temps et de la révélation
Le carême compte quarante jours. Chaque année, nous faisons l’expérience de la relativité du temps : quarante jours c’est tellement peu et ça file si vite qu’on a à peine le temps de commencer de s’y mettre ; mais quarante jours c’est tellement long que même si on a réussi à s’y mettre on finit par se décourager. Le temps, en sa durée élastique, est une part essentielle de l’épreuve. Car au désert du carême, Dieu nous met à l’épreuve. Il ne s’agit pas d’un piège pour nous faire tomber, mais d’une épreuve au sens photographique, qui révèle la qualité de l’image de Dieu en nous. Et si nous échouons à présenter une parfaite image et ressemblance avec Dieu, l’épreuve nous révèle à tout le moins la miséricorde divine à notre égard. D’ailleurs, sommes-nous vraiment affectés parce que l’image de Dieu en nous est abîmée par le temps du carême et nos échecs dans nos tentatives de conversions ? Ou bien sommes-nous surtout affectés parce que nous ne correspondons pas assez à l’image que nous avons de nous-mêmes ?
L’épreuve du carême est là pour nous permettre d’ajuster notre regard sur nous-mêmes en adoptant le regard de Dieu sur nous. Paradoxalement, cette mise au point et ce règlement de la focale sur les tréfonds de notre cœur ne s’opère que par un décentrement : c’est en fixant Jésus du regard que nous obtenons de nous voir pour ce que nous sommes vraiment aux yeux de Dieu. Dans le désert, nous apprenons à nous vider de nous-mêmes pour être remplis de la grâce de Dieu.
Des moyens sérieux
Le carême est donc un temps pour renaître à la vie divine. Satan s’y oppose de toutes ses forces ? Qu’importe, nous avons l’Esprit-Saint et les anges de notre côté. Ce serait faire au démon un trop grand cadeau que de nous résigner d’emblée à la défaite, de succomber à la haine de soi et au désespoir sous prétexte de nos échecs. Ce serait lui faire un autre cadeau immense que de justifier nos échecs et notre péché, y compris les péchés qui nous paraissent de moindre importance. Ainsi que saint Augustin nous en avertit : « Ces péchés que nous disons légers, ne les tiens pas pour anodins. Si tu les tiens pour anodins quand tu les pèses, tremble quand tu les comptes. » Le combat est véritable, il faut le livrer courageusement, en se donnant les moyens.
On raconte qu’en 1525, le poète français Clément Marot, connu pour ses mœurs très libres, fut emprisonné pour avoir mangé du lard en plein carême. Les historiens estiment que l’anecdote est fausse, toutefois si le poète a pu la raconter en la rendant crédible, c’est sans doute qu’à l’époque on prenait le carême plus au sérieux qu’aujourd’hui. Mais prendre le carême au sérieux, qu’est-ce que ça signifie ? Certainement pas présenter au monde une « face-de-carême », nous rappelait un jour le pape François. Le chrétien dans l’attente de la Résurrection de son Sauveur n’est pas obligé de se donner des airs de croque-mort, ce serait un contresens. En revanche, nous sommes invités à nous retirer au désert, au moins intérieurement, pour y préparer notre cœur au don de la vie éternelle que Jésus veut nous faire. Pour ce faire, la prière, l’aumône et le jeûne restent des moyens éprouvés. La prière est le moyen par excellence parce qu’il est le plus direct, celui qui nous unit à Dieu. Mais l’aumône et le jeûne, par leur matérialité et leur visibilité mêmes, nous évitent d’en rester à de pieuses illusions.
Un nettoyage de printemps
Il n’est d’ailleurs pas interdit d’être ingénieux pour trouver la manière de décliner ces trois moyens à notre genre de vie, à notre tempérament. Nous savons tous, à force de confesser toujours les mêmes péchés, quelles sont les zones d’ombres de notre cœur qu’il nous faut convertir. Par ces petits efforts ciblés, adaptés à ce que nous sommes, ni trop durs ni trop indulgents, le carême est l’occasion d’un petit nettoyage de printemps dans notre cœur, pour le rendre tout pimpant et accueillant à son hôte divin : Jésus ressuscité. Alors oui, prenons le carême au sérieux, sans nous prendre nous-mêmes trop au tragique. Avoir de l’humour sur nous-mêmes et notre incapacité à tenir nos efforts ou à nous convertir est encore une manière de remettre notre impuissance aux pieds du Ressuscité. C’est peut-être le début de la sainteté.